Le vendredi 13 décembre 2024, un accident tragique au quartier Agoè a mis à nu les lacunes profondes des infrastructures routières du Togo. Vers 15h, un camion semi-remorque transportant une citerne, circulant dans le sens sud-nord, a percuté la plateforme supérieure de la passerelle piétonne d’Agoè-Zongo, provoquant son effondrement sur des passants et des véhicules. Le bilan provisoire annoncé par le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Calixte Madjoulba, est lourd : 8 morts, trois blessés graves et d’importants dégâts matériels.
Pendant six heures, la seule route nationale reliant Lomé à Cinkassé est restée complètement bloquée, paralysant non seulement le trafic local mais aussi les échanges commerciaux sur cet axe vital. Des embouteillages interminables se sont formés sur des dizaines de kilomètres, contraignant les conducteurs de motos à emprunter des sentiers, provoquant chutes et blessures supplémentaires.
Malgré la mobilisation rapide des secours et des engins lourds, les tentatives pour dégager la voie se sont révélées laborieuses et inefficaces. L’absence d’une grue de 2000 tonnes, essentielle pour soulever le bloc de béton effondré, a retardé les opérations. Ce n’est qu’à 21h, après de longues heures de tâtonnements, que la voie a été libérée, soulignant les limites criantes de la gestion de crise et des infrastructures critiques.
Une passerelle qui suscite des interrogations
Construite récemment, la passerelle effondrée est aujourd’hui au cœur des critiques. Des témoignages sur place évoquent des défauts majeurs dans sa conception :
Utilisation présumée de matériaux inadaptés, notamment des fers de faible diamètre visibles ; absence de signalisation claire indiquant la hauteur maximale autorisée pour les véhicules ; historique de collisions répétées sans intervention corrective.
Il est impératif qu’une enquête rigoureuse et concluante soit ouverte pour établir les responsabilités dans la construction et la maintenance de cet ouvrage, afin d’éviter de futures tragédies.
Une seule route pour un pays entier : un choix stratégique désastreux
Cet accident met en lumière un problème structurel majeur : l’absence de réseau routier moderne et diversifié au Togo. La route nationale Lomé-Cinkassé, artère principale du pays, est aujourd’hui incapable de répondre aux besoins croissants d’une population dépassant 8 millions d’habitants.
Dépendre d’une seule voie, étroite et congestionnée, expose le pays à des blocages complets en cas d’incident, comme ce fut le cas à Agoè. La planification stratégique de long terme semble absente, et les solutions pourtant évidentes restent lettre morte. Il est donc impérieux de sortir des propagandes et de dédoubler la route nationale pour fluidifier le trafic ; créer des routes secondaires de contournement, notamment pour les véhicules légers et mettre en place des voies réservées aux poids lourds, adaptées à leurs spécificités.
Ces projets ne devraient pas être hors de portée pour un pays riche en ressources naturelles et bénéficiant de revenus importants grâce aux multiples taxes et péages.
Un contrôle routier défaillant
L’accident d’Agoè révèle aussi un problème récurrent : le manque de contrôle routier efficace. Comment un camion dépassant la hauteur permise a-t-il pu circuler sans être arrêté ou signalé ? Les agents de sécurité routière, pourtant omniprésents sur les routes pour percevoir diverses taxes, semblent négliger leur rôle de prévention des accidents.
Le communiqué ministériel qui élude les véritables responsabilités
Le communiqué du ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Calixte Madjoulba, soulève de sérieuses interrogations. Bien qu’il présente un bilan officiel du drame et exprime des condoléances aux familles des victimes, il omet de pointer des manquements majeurs.
D’abord, le ministre n’évoque pas la responsabilité des agents de contrôle routier, pourtant omniprésents sur les routes, mais qui n’ont pas empêché un camion de hauteur surdimensionnée de circuler sur un axe inadapté. Cette négligence flagrante, qui aurait pu être évitée par des contrôles plus rigoureux, est passée sous silence.
Ensuite, aucune demande officielle d’enquête n’a été formulée par le Ministre en charge de la protection civile pour vérifier la qualité de l’ouvrage. Les témoignages sur place révèlent pourtant des doutes sérieux sur les matériaux utilisés et l’inadéquation de la passerelle face au trafic des poids lourds. Se contenter de blâmer la hauteur du camion revient à ignorer les racines profondes du problème.
Ce silence sur les aspects fondamentaux du drame donne l’impression que la vie des Togolais est banalisée. Présenter des condoléances ne suffit pas : des mesures concrètes et des actions fermes sont nécessaires pour éviter que ce type de tragédie ne se répète. En éludant ces questions cruciales, le communiqué laisse un goût amer, révélant un manque de responsabilité et de considération pour les victimes et leurs proches.
Des sanctions pénales exigées par le président de la République
Face à l’ampleur du drame et aux multiples critiques, le conseil des ministres du 16 décembre a annoncé que le président de la République a ordonné des sanctions pénales contre les auteurs de ce drame. Une enquête a été ouverte par le procureur de la République pour faire la lumière sur les responsabilités et engager les suites judiciaires appropriées.
Le dirigeant de la société propriétaire de la semi-remorque est déjà placé en garde à vue, tandis que les responsables des entreprises chargées de la construction de la passerelle sont convoqués et entendus par la police judiciaire, selon le compte rendu du conseil des ministres.
Ces mesures marquent un tournant dans la gestion de cette crise, bien qu’elles interviennent après des critiques croissantes quant à l’absence de contrôle et à la qualité des infrastructures.
Une réponse à la hauteur des enjeux ?
Si ces premières mesures sont encourageantes, elles ne doivent pas occulter les défaillances structurelles et organisationnelles révélées par cet accident. La vie des Togolais ne doit plus être banalisée. Des enquêtes rigoureuses, une transparence dans les conclusions et des mesures concrètes pour prévenir de futurs drames sont indispensables.
Ce drame appelle à une prise de conscience urgente : la route nationale, à la fois artère vitale et corridor international, mérite des infrastructures modernes, sûres et adaptées aux besoins des usagers.
Une prise de conscience urgente
Ce drame dépasse la simple tragédie. Il est le symbole des carences structurelles et stratégiques d’un réseau routier vieillissant et mal adapté. Selon les habitants d’Adétikopé, la passerelle de leur quartier aurait également été fragilisée par plusieurs chocs avec des poids lourds. Il est donc impératif de procéder à une inspection rigoureuse de toutes les passerelles installées dans la ville de Lomé afin de prévenir de nouveaux drames.
Les autorités doivent impérativement tirer des leçons de cet événement et agir :
Moderniser les infrastructures pour les rendre plus sûres et mieux adaptées
Mettre en place des dispositifs de contrôle efficaces pour prévenir les incidents.
Repenser la planification du réseau routier national pour qu’il corresponde aux besoins du pays et de son économie.
Cet accident qui a paralysé tout le Togo pendant six heures est un signal d’alarme. Le pays ne peut plus dépendre d’une seule route. Il en va de la sécurité des citoyens, de la fluidité des échanges et du développement socio-économique.
Ricardo A.