Lors de son discours d’ouverture, Robert Dussey est revenu sur les conséquences du partage de l’Afrique, insistant sur un travail de “sincérité” désormais entre les Africains et les Européens.
Au micro de la Deutsche Welle, Robert Dussey a également évoqué la sortie du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la Cédéao. Mais il répond ici d’abord sur ce que l’Afrique attend, politiquement et économiquement, des pays européens qui se sont mis d’accord, en 1884-1885, à Berlin, sur leurs différentes sphères d’influence en Afrique.
Robert Dussey : Politiquement, d’abord nous devons féliciter le gouvernement allemand et les organisateurs d’avoir pris l’initiative de ce symposium.
Ce que nous venons de dire ici en Allemagne, je suis sûr qu’on ne peut pas le dire partout, dans toutes les capitales européennes, sans être jugé. Donc, la force de l’Allemagne, c’est d’avoir ce débat ouvert, nous en parlons. Maintenant ce que nous souhaitons, c’est que les leçons soient tirées de la conférence de Berlin, parce qu’après 140 ans, jusqu’à ce jour, l’Afrique ne semble toujours pas jouer un rôle important dans le monde. Parce que depuis ici, il y a 140 ans, ça a été pensé comme ça.
Donc, ce que nous souhaitons politiquement est que l’Allemagne, comme elle a commencé, prenne l’initiative d’encourager les autres partenaires, les grandes puissances du monde, pour faire passer ce message et les encourager à ce que l’Afrique puisse jouer le rôle qu’il doit jouer. Economiquement, nous avions toutes les ressources, nous avions fait exprès, c’est pourquoi, quand nous avions cité tout ce que l’Afrique engorge comme ressources.
DW : Mais vous avez occulté l’idée de l’aide.
Robert Dussey : On n’a pas besoin d’aide. Non, non, non, Je vous arrête.
DW : …quand vous parlez de financement en lien avec le pillage qu’a connu l’Afrique, qu’est ce que vous voulez dire concrètement ?
Robert Dussey : On pense que nous sommes là. Nous attendons qu’on vienne nous aider. On n’a pas besoin d’aide. Nous sommes assez intelligents pour construire nos pays, construire notre continent.
Et s’il faut, d’une manière ou d’une autre trouver des mécanismes pour réparer le mal qui est fait, alors nous sommes ouverts aux propositions et voir comment travailler. Les crimes, vous savez, vous prenez le continent africain, presque 50 millions d’Africains ont été liquidés, ont été tués.
Ce n’est pas un seul euro qui va réparer ça.
DW : Vous avez beaucoup insisté sur la voix de l’Afrique au sein de la communauté internationale, au sein des Nations unies. Vous avez dit l’Afrique parle d’une seule voix. L’Afrique veut parler d’une seule voix. Mais lorsqu’on regarde ce qui se passe actuellement en Afrique, notamment en Afrique de l’Ouest, dans les pays du Sahel, vous êtes d’accord avec moi que l’Afrique sur le sujet du Mali, du Niger et du Burkina Faso ne parle pas d’une seule voix.
Robert Dussey : Est-ce que ça vous regarde? Ce qui se passe dans les pays du Sahel, ce qui se passe dans les pays du Sahel…
DW : Je suis un Ouest africain…
Robert Dussey : Ce qui se passe dans les pays du Sahel…
DW : …il y a des discussions entre des pays d’Afrique de l’Ouest qui ne sont pas d’accord du point de vue politique sur ce qui se passe dans le Sahel.
Robert Dussey : Non. Quand j’ai dit…, en quoi est ce que ça vous regarde ? C’est pas votre personne, c’est la Deutsche Welle. Ce qui se passe dans les pays du Sahel, au Togo ou dans un autre pays, en quoi est-ce-que ça regarde un pays ici ?
DW : Dans le cadre de “ce partenariat sincère”, nous devons aussi discuter des questions politiques qui touchent des pays d’Afrique de l’Ouest ou d’Afrique. Et on ne peut pas aussi occulter ce qui se passe dans le Sahel, notamment avec des régimes militaires.
Robert Dussey : Vous savez, je crois qu’il faut totalement changer de logiciel. On ne peut pas s’entendre. Vous arrivez en Afrique, vous avez des représentants pour le Sahel. Représentant pour l’Afrique centrale. Représentant… depuis quand le continent est un représentant pour l’Europe ? Représentant pour l’Europe de l’Est. Représentant pour l’Europe du Nord. Depuis quand vous avez vu ça ?
DW : Comment peut-on résoudre le problème de cette sortie chaotique de trois pays qui sont des piliers importants quand même d’une organisation sous régionale ?
Robert Dussey : Je vois que vous êtes préoccupé par cette sortie, mais ce que je voudrais vous dire, c’est de respecter la souveraineté de chaque pays. Ces pays ont décidé de se mettre dans une alliance qui est l’alliance des Etats du Sahel. En tant que Ministre des Affaires Etrangères du Togo, moi je respecte leur souveraineté parce qu’on ne se mêle pas de ça.
DW : Le Togo est un porte-flambeau du panafricanisme dont vous êtes l’un des initiateurs et vous vous apprêtez à accueillir le prochain congrès africain.Est-ce que vous avez l’impression justement que ce pas que vous faites va pouvoir réunir tous les pays d’Afrique?
Robert Dussey : Les Africains ont soif de parler de l’Afrique, ont soif d’aider le continent africain à sortir de l’état dans lequel il est. Ce que nous disons et nous reprochons parfois à nos partenaires ou à certains médias tels que ceux que vous représentez ici…
DW : Qu’est-ce que vous nous reprochez?
Robert Dussey : …quand on voit vos médias, l’Afrique va mal. Je ne parle pas de votre personne.
DW : Monsieur le ministre, la DW à travers nous les Africains qui travaillons dans cette chaîne, nous faisons en sorte que l’Afrique qui bouge soit mise en lumière.
Robert Dussey : Notre souci aujourd’hui, c’est que l’Afrique soit respectée comme continent. Nous ne voulons plus que quelqu’un nous voit d’en haut. Parce que personne n’est supérieur à nous. Nous, nous parlons en termes d’égalité.On parle d’humanité. L’humanité que nous partageons, l’humanité kantienne…Je suis, vous êtes, vous êtes, je suis. Et c’est dans cette altérité que vous et moi, nous existons comme personne. Et nous devons travailler ensemble.
DW : Merci Monsieur le ministre.
Robert Dussey : Merci.
Source: DW