Agbodoh-Falschau Komlan Robert : Un maître de l’art togolais entre résilience et transmission

Dans le paysage artistique togolais, certains noms résonnent avec une force particulière. Agbodoh-Falschau Komlan Robert, connu sous le nom d’artiste Falschau, en fait partie. Peintre talentueux et formateur de plusieurs générations d’artistes, il est aussi le fondateur de la Galerie Sessimé, un espace d’exposition et de création situé à Lomé, dans le quartier d’Apédokoé. Son parcours, marqué par la résilience et la passion, force l’admiration.

Un destin forgé dans la solitude et le dessin

Dès son plus jeune âge, Robert Falschau a trouvé refuge dans le dessin. Né avec un handicap aux membres inférieurs, il a grandi dans une solitude nourrie par l’impossibilité de jouer et de se mouvoir comme les autres enfants. Mais là où d’autres auraient vu une limitation, il a découvert sa passion. « Mes seuls jouets étaient crayons et papiers, ce qui m’a permis de griffonner mes premiers dessins », raconte-t-il. Influencé par la bande dessinée, il développe rapidement une grande aisance dans le dessin. Bien qu’il se soit arrêté au CM2, cela ne l’a pas empêché de beaucoup lire et de cultiver sa curiosité. Face aux difficultés pour poursuivre une scolarité classique, il décide d’apprendre un métier. En 1984, il commence un apprentissage en calligraphie publicitaire dans l’atelier de monsieur Ohin, un artiste réputé de Lomé. Il y passe trois ans et acquiert une maîtrise technique qui influencera plus tard son travail de peintre. Cependant, son talent ne se limite pas à la calligraphie. Au fil des années, il affine son coup de pinceau et s’immerge de plus en plus dans la peinture. Un enseignant ghanéen, alors en poste au Lycée 2 février à Lomé, lui prodigue de précieux conseils qui renforcent sa vocation. Dès lors, il n’aura de cesser de peindre et de perfectionner son art.

Un artiste entre commandes et transmission

Contrairement à d’autres artistes qui misent sur des expositions personnelles pour se faire connaître, Falschau a construit sa carrière autrement. Il a très tôt privilégié le travail sur commande, ce qui lui a permis d’avoir un contact direct avec les collectionneurs et amateurs d’art. « Je n’ai jamais vraiment privilégié l’exposition, mais mes œuvres ont toujours trouvé preneur », explique-t-il. Son engagement ne se limite pas à sa propre production. Il a formé et accompagné de nombreux artistes togolais qui, aujourd’hui, vivent de leur métier. « Transmettre est essentiel pour moi. J’ai eu la chance d’acquérir un savoir-faire, et il me semble naturel de le partager », confie-t-il avec humilité.

Un style reconnaissable sans être recherché

Si Robert Falschau ne revendique pas un style spécifique, son œuvre est pourtant immédiatement identifiable. Il ne s’est pas enfermé dans une recherche stylistique forcée, mais son langage pictural s’est affiné au fil du temps. Son travail est profondément ancré dans la société togolaise. « Mes œuvres parlent de cohésion sociale. L’homme, sa vie quotidienne, ses sentiments et ses défis nourrissent mon langage artistique », souligne-t-il. Ce souci du détail et cette exigence se retrouvent également dans le choix des matériaux. Conscient que la qualité est primordiale, il investit dans du matériel souvent difficile à trouver au Togo. Il importe régulièrement des fournitures d’Europe et les met à disposition des artistes et élèves qui fréquentent sa galerie.

Le marché de l’art togolais : entre défis et espoirs

Loin d’être pessimiste, Robert Falschau observe avec optimisme l’évolution du marché de l’art au Togo. « Aujourd’hui, avec l’urbanisation galopante et la construction de nouveaux bâtiments, les Togolais consomment de plus en plus d’art », analyse-t-il. Cette transformation est porteuse d’espoir pour les jeunes générations d’artistes qui souhaitent se professionnaliser. Son conseil aux jeunes artistes ? La patience et la formation. « Il ne faut pas être pressé. La vie est une école de patience et tout vient à point nommé. Tout jeune artiste doit se former auprès d’un maître compétent avant de se lancer », affirme-t-il.

Son parcours illustre bien cette philosophie. Il n’a jamais obtenu de subventions, que ce soit de l’État ou d’institutions privées. Pour lui, l’essentiel est de créer et de laisser son art parler.

Un plaidoyer pour la créativité dès l’enfance

Au-delà de son travail personnel, Robert Falschau nourrit une vision plus large pour l’avenir de l’art au Togo. Il plaide pour une intégration plus forte de la création artistique dans le système éducatif. « Il faudrait inculquer aux enfants l’amour des métiers créatifs dès l’école. La création est essentielle pour un développement durable », estime-t-il. Selon lui, le gouvernement togolais a déjà montré des signes d’encouragement envers les artistes, notamment à travers l’intérêt porté par le chef de l’État aux productions artistiques locales. Mais il espère que davantage d’infrastructures culturelles verront le jour et que les financements dédiés aux arts seront renforcés.

Un artiste accompli et un modèle pour les générations futures

Avec un parcours marqué par la persévérance, l’indépendance et le partage, Robert Falschau s’impose comme une figure majeure de l’art togolais. Son travail, à la croisée de la mémoire, de l’observation sociale et de l’engagement, témoigne de la richesse de la scène artistique du pays. Il incarne à lui seul la force de la passion et la volonté de transmettre un héritage. Un artiste qui, sans bruit, laisse une empreinte indélébile dans le monde de l’art togolais et au-delà.

Richard Laté Lawson-Body

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *