Opinion- Présidentielle au Gabon : Quand la danse l’emporte sur la conscience politique

Le 12 avril 2025, le peuple gabonais a tourné une nouvelle page de son histoire, non pas en rompant avec le passé, mais en y apposant un vernis trompeur de nouveauté. Le général Oligui Nguema est élu président de la République avec 90,35 % des voix.

Après plus d’un demi-siècle de règne dynastique des Bongo, la rupture tant espérée semblait s’amorcer avec le coup d’État du 30 août 2023, mené par une junte militaire incarnée par le général Brice Clotaire Oligui Nguema. Cette prise de pouvoir avait suscité un réel espoir : celui d’un renouveau démocratique, d’une transition crédible vers un pouvoir civil.

Or, cette transition, loin d’être un tremplin vers la refondation républicaine, s’est révélée une mise en scène méthodique d’une confiscation du pouvoir. Le général a subtilement troqué ses galons contre un costume de candidat, après avoir modifié les textes à sa convenance. Aucun débat d’idées, aucun projet structuré n’a véritablement animé sa campagne. Ce qui a dominé, ce sont les chorégraphies, les bains de foule orchestrés, les scènes de liesse construites sur le divertissement, tandis que les enjeux fondamentaux du pays restaient relégués à l’arrière-plan.

Face à lui, des voix discordantes tentaient de ramener le débat à l’essentiel : éducation, santé, relance économique, réforme des institutions, lutte contre la corruption. Un projet de société cohérent était proposé, mais le bruit, le folklore et les promesses vagues ont prévalu. L’émotion a éclipsé la raison.

Le peuple, épuisé mais ébloui, s’est aligné derrière celui qui savait danser, sans exiger de lui des preuves de vision, sans interroger son rôle passé dans le système honni. Il a plébiscité l’image, au détriment de l’expérience. L’opposition, qui a croupi sous la dynastie Bongo avec la complicité du même général, a été abandonnée par le peuple. Comment comprendre qu’un peuple ait une mémoire si courte ? Faut-il voir dans ces résultats la machine trop forte d’Oligui contre une opposition affaiblie ?

En tout cas, le score soviétique de plus de 90 % ne traduit pas une adhésion éclairée, mais une fascination populaire pour la figure du “sauveur”, une tendance bien ancrée sur le continent à confondre changement de visage et transformation de système.

Il n’est désormais plus temps de se lamenter. Le peuple gabonais a fait un choix, un choix qu’il devra assumer. L’Histoire jugera si ce vote a été un pas vers la consolidation d’une démocratie nouvelle, ou simplement une parenthèse folklorique dans une transition verrouillée. Puisse cette erreur de discernement ne pas se payer au prix d’un retour déguisé à l’autoritarisme.

Ricardo Agouzou

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