Quel développement sous la pensée unique ?

Dans un Togo secoué par un tripatouillage constitutionnel controversé, le Dr Georges William-Kouessan, président du parti “Santé du Peuple”, dénonce avec vigueur l’illusion d’un développement sous la pensée unique. Face aux abus institutionnels et à l’opportunisme de certains, il appelle à une alternance politique sincère pour libérer le potentiel d’un peuple bâillonné, convaincu que justice et pluralisme sont les seuls chemins vers un progrès véritable. Lecture.

Quel développement sous la pensée unique ?

Depuis le mois de mars 2024, le pouvoir en place dans notre pays, a entamé un processus de tripatouillage constitutionnel dont l’épilogue a été le 3 mai 2025 avec la mise en place de deux institutions majeures : la Présidence de la république et la Présidence du conseil des ministres.

Depuis lors, nombre de voix, à l’instar de la nôtre, se sont élevées pour dénoncer une mascarade institutionnelle.
A contrario, et comme on pouvait s’y attendre, d’autres se sont exprimées, non plus pour contester le passage forcé à la nouvelle république, mais pour demander aux contestataires de ladite forfaiture, de cesser la contestation et de venir se joindre aux tenants actuels du pouvoir d’État pour un travail d’ensemble susceptible de porter notre pays au développement.

Lorsque j’entends ces genres de propos, dès fois des personnalités que je respecte, et qui se disent en plus de l’opposition, je suis tenté de leur poser trois questions :

  • La première, “Au nom de quel développement doit-on se taire sur les injustices, les vices de procédure et les tripatouillages de constitution ?”
  • La deuxième, “Quel développement peut-il être possible dans une société qui gît sous la pensée unique ?”
  • La troisième “A quel développement peut-on s’attendre dans un pays où l’on se permet de changer unilatéralement et au mépris de nombre d’articles, une constitution votée par tout un peuple ou presque ?

Concernant la première interrogation, je dirai qu’il m’est difficile de croire, qu’au nom d’un hypothétique développement, des intellectuels demandent que l’on se taise et que l’on accepte, à son corps défendant, les mépris d’un régime bientôt sexagénaire. Si au nom du développement, l’on doit s’aveugler et faire abstraction de tous les abus politiques et dérapages institutionnels, dans quel type de société viendrait s’installer ce développement tant souhaité, si d’aventure il devenait une réalité ? Une société d’injustice et de développement ou une société injuste développée ?

Venant à la deuxième interrogation, j’aimerais que l’on me montre un seul pays au monde, resté sous la direction d’un même régime pendant près de 60 années et qui s’est développé ou un seul pays développé au monde qui vit sous la politique de “le chien aboie la caravane passe”

Terminant par la troisième, je dirai volontiers qu’un peuple dont la constitution est tripatouillée est un peuple dont les droits sont piétinés, un peuple dont les droits sont piétinés est un peuple nécessairement désabusé et un peuple désabusé ne peut jamais donner la pleine mesure de ces capacités. Par quelle alchimie peut-on alors connaître le développement dans un pays où les citoyens ne donnent pas la pleine mesure de leurs potentialités ? Que l’on me la montre.

Ceci m’emmène à croire que l’argument aisément avancé pour justifier la demande d’abandon de la lutte contre la forfaiture constitutionnelle, n’est qu’un prétexte fabriqué par ceux qui le disent pour se faire remarquer par le pouvoir dans l’objectif que eux seuls connaissent.
Ce n’est pas parce que la lutte devient plus difficile, que nous devons nous accommoder des dérives et abus du pouvoir. J’ai l’impression que parce que la lutte devient âpre et durable, beaucoup s’en lassent et décident, non seulement de l’abandonner, mais d’aller rejoindre l’adversaire sans autres formes de procès. Je peux penser, sans risque de me tromper, que cette attitude est celle de ceux qui au départ, n’avaient pas engagé une véritable lutte de conviction.

Il y a quelques mois, j’étais de ceux qui pensaient que l’on pouvait se frayer un second chemin vers le développement de ce pays, celui d’une véritable gouvernance partagée, entre une opposition homogène organisée, hiérarchisée, qui conserverait toute sa capacité de contestation, et les tenants actuels du pouvoir d’État. Mais depuis les derniers événements politiques auxquels nous avons assisté, j’ai fini, à tort ou à raison, par donner raison aux sceptiques d’alors.
Je pense que nous avons besoin d’une véritable alternance politique, avec de nouvelles têtes pour réorganiser la vie publique et porter ce pays à son développement.

Il serait de bon ton que nous y réfléchissions tous de manière sincère.

Dr Georges WILLIAM-KOUESSAN

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *