Manifestations et répressions au Togo: la presse allemande sans langue de bois

Le rejet du régime Gnassingbé par les populations togolaises se fait de plus en plus sentir par des manifestations de plus en plus violentes. Et les forces de l´ordre ne font pas dans la dentelle. La famille Gnassingbé, qui règne sur le Togo comme une arrière cour de la France, depuis plus de 60 ans, est devenue insupportable pour les jeunes Togolais dans les rues. Fréquentes arrestations d´activistes et d´opposants qui usent de leur droit à la liberté d´expression, tout comme la présence régulière de blindés dans les rues, voilà ce qui appartient désormais au quotidien au Togo. Le ministre de l´intérieur n´a pas manqué de 

conseiller la fermeté aux forces de l´ordre. En 1993 l´Allemagne avait mis fin à son aide au développement au Togo, mais l´avait reprise en 2006. À cause de son rôle historique comme ancien colonisateur, l´Allemagne a une responsabilité vis-à-vis du Togo qui consiste à ne pas perdre de vue la situation des droits de l´homme et le développement de la démocratie. Il est à préciser que la fondation Hans-Seidel-Stiftung, proche du parti CSU dans la Bavière, continue jusqu´à aujourd´hui à financer le parti gouvernemental pour ses activités politiques.

Dans la dictature familiale de l´un des plus petits pays d´Afrique de l´ouest la lutte pour la démocratie se joue de nouveau dans la rue. La réaction de l´appareil d´état est brutale.

Après des manifestations réprimées dans le sang, les premières victimes sont apparues. En effet, les organisations de défense des droits de l´homme annonçaient, dimanche 29 juin 2025, que sept (7) cadavres furent répéchés de la lagune dans la capitale Lomé. «Il y aurait pusieurs dizaines de blessés et plus de 60 personnes seraient arrêtées. Le gouvernement parle de désinformation».

Du jeudi 26 au samedi 28 juin 2025 plusieurs Togolais avaient manifesté à Lomé contre l´autocrate Faure Gnassingbé. Sur les images photos et vidéos on pouvait voir d´un côté des jeunes en colère devant des barricades enflammées dans les rues, et de l´autre côté des troupes de la gendarmerie qui n´hésitèrent pas à s´en prendre violemment à des habitants dans les quartiers, ou à les a frapper dans la rue avec une violence inouïe. Pour rappel, le Togo est le dernier pays en Afrique de l´ouest qui connaît une dictature familiale qui avait pris ses racines depuis les années ´60 et qui dure jusqu´à ce jour. En 1967 le jeune officier Gnassingbé Éyadéma s´imposa par un putsch à la tête du pays et mit en place un régime de terreur. Dans un passé récent des cadavres furent régulièrement découverts dans la lagune de Bè à Lomé. Après la mort d´Éyadéma en 2005, son fils Faure lui succéda. Et selon une commission d´enquête de l´ONU, son imposition à la tête du pays fit 400 à 500 morts; pendant que le gouvernement togolais parle de 154 victimes.


Infatigable, l´opposante Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson essaie par son travail à attirer l´attention de l´opinion mondiale sur la situation togolaise. L´avocat pour la sauvegarde des droits de l´homme fut arrêtée à plusieurs reprises et exprimait, il n´y a pas longtemps, sa crainte sur une radio régionale, que les manifestations prévues contre le changement de constitution, ne se terminent dans un bain de sang. Au cours de son intervention, Madame Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson avertissait du danger que la torture ne devienne pas la norme dans les centres de détention. L´opposition togolaise, comme dans beaucoup de pays africains, reste divisée, mais les opposants essaient cette fois de parler d´une voix.


Une réforme constitutionnelle controversée

En avril 2024 le parlement togolais vote à l´unanimité un changement controversé de la constitution pour transférer les plus hauts pouvoirs du président de la république à un président du conseil. En conséquence, le président de la république sera désormais élu par le parlement, et non plus par le peuple. Le chef du plus grand groupe au parlement devient automatiquement le président du conseil. Et comme au parlement togolais le parti au pouvoir des Gnassingbé détient presque la totalité des sièges, Faure Gnassingbé devint donc le 3 mai 2025 le nouveau président du conseil et reste ainsi au pouvoir comme le chef incontesté de l´état, sans limite de mandat, et surtout sans jamais devoir solliciter le suffrage du peuple. Il reste aussi le chef suprême des armées.  Jean-Lucien Savi de Tové, 86 ans, ancien opposant et ancien prisonnier politique, fut élu par le parlement à la fonction symbolique de président de la république.

Le rappeur atterrit en psychiatrie

Le cas du rappeur Aamron montre à quel point le caractère perfide du pouvoir d´état au Togo est si avancé. Le jeune musicien qui s´appelle, de son vrai nom, Essowè Tchalla, fut enlevé le 26 mai 2025 de chez lui après avoir été l´un de ceux qui ont appelé à des manifestations de protestation du 6 juin 2025. On restera tout d´abord sans nouvelles de lui avant qu´il n´apparaisse, la veille du 6 juin, dans un bizarre message-vidéo dans lequel il dit s´excuser auprès de Faure Gnassingbé et annonce qu´il serait en traitement dans un centre psychiatrique. La clinique située hors de Lomé dans laquelle il était interné le libère le 21 juin 2025. La semaine dernière Aamron publie un message émouvant dans lequel il affirmait avoir volontairement décidé de se sacrifier comme un «martyr» «afin que les générations futures, mes enfants, nos enfants, tous ceux qui viendront plus tard, aient le courage de se lever et prendre en main leur vie, là où nos prédécesseurs, condamnés à la lutte pour la survie, durent courber l´échine.»

Le bras de fer entre le pouvoir d´état et l´opposition ne doit pas avoir dit son dernier mot.

Source: taz-online (Tageszeitung) du 2 juillet 2025, auteur: Christoph Nix (quotidien allemand de gauche)

Lu et résumé par Samari Tchadjobo

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