Togo : Silence électoral, le peuple a tourné le dos aux urnes

Lomé, 18 juillet 2025 — Une image vaut mille mots, dit-on. Et celle qui circule depuis hier et aujourd’hui à travers les rues de Lomé, Kara, Sokodé, et dans de nombreuses autres villes du Togo, est d’une éloquence implacable : des bureaux de vote déserts, des urnes orphelines, et des rues calmes mais pleines de sous-entendus politiques.

Ce 17 et 18 juillet 2025, le pays était censé vivre un rendez-vous électoral majeur : des élections législatives et régionales placées sous le signe d’une nouvelle République controversée. Pourtant, sur le terrain, la majorité des citoyens a simplement décidé de ne pas voter. Une abstention de masse, un boycott silencieux mais extrêmement significatif.

Un rejet massif, pas une simple désaffection

Ce qui se passe au Togo ne peut pas être réduit à de l’indifférence électorale. Il s’agit d’un acte politique fort, un boycott assumé par une grande partie de la population, particulièrement les jeunes, qui se sont mobilisés ces dernières semaines pour dénoncer la dérive autoritaire du pouvoir.

Depuis la réforme constitutionnelle de mai 2025, qui a instauré une Cinquième République sans véritable débat national et supprimé l’élection présidentielle au suffrage universel direct, une large frange de la population considère ces élections comme illégitimes.

« Ce n’est pas une élection, c’est une mise en scène », affirmait un manifestant lors des rassemblements du mois de juin. Ce sentiment s’est propagé comme une traînée de poudre, jusqu’à ce que l’idée même de participer au scrutin apparaisse comme une trahison morale du mouvement populaire.

Bureaux de vote vides : l’image d’un peuple qui dit non

Sur les réseaux sociaux, les images sont claires et répétitives : des agents électoraux somnolents, des bulletins non distribués, des isoloirs sans file d’attente. Dans certains quartiers, aucun électeur ne s’est présenté pendant plusieurs heures d’affilée.

Dans plusieurs centres urbains, des témoins rapportent que des responsables locaux ont tenté de convaincre des habitants de venir voter en échange de petites sommes d’argent ou de promesses de faveurs. En vain. Le rejet est profond, structurel, et massif.

Même dans les zones historiquement favorables au pouvoir en place, la mobilisation est restée extrêmement faible. Une absence que même les médias d’État, pourtant connus pour enjoliver les chiffres de participation, ont eu du mal à masquer.

Pourquoi le boycott ?

Le rejet de ces élections repose sur plusieurs éléments majeurs :

  1. La réforme constitutionnelle imposée sans consultation réelle, qui a modifié l’équilibre institutionnel du pays et renforcé la concentration du pouvoir autour du chef de l’État.
  2. La répression brutale des manifestations pacifiques de juin 2025, qui a fait plusieurs morts, blessés et disparus, laissant une cicatrice profonde dans la mémoire collective.
  3. La perte totale de confiance dans les institutions électorales, largement perçues comme inféodées au régime en place.
  4. L’absence d’une opposition crédible ou unifiée, accusée par une partie de la jeunesse d’avoir abandonné la lutte au profit de calculs politiciens.

En somme, pour une grande majorité de Togolais, voter aujourd’hui reviendrait à légitimer un système qu’ils rejettent.

Et maintenant ?

Le boycott massif de ces élections ne sera probablement pas sans conséquence. Sur le plan politique, le pouvoir en place cherchera à sauver la face avec des chiffres de participation contestables. Des résultats seront annoncés, des sièges attribués, des alliances formées. Mais dans les faits, la légitimité de ce processus est déjà gravement entachée.

Ce vide électoral place le régime devant une impasse : comment gouverner un pays dont les citoyens refusent de participer aux mécanismes démocratiques mis en place par l’État lui-même ?

À l’international, plusieurs observateurs s’interrogent également. L’absence de réaction ferme face à la répression, l’inertie des institutions régionales comme la CEDEAO, et la position ambiguë de certains partenaires historiques comme la France, jettent une ombre sur la capacité des puissances étrangères à soutenir véritablement les aspirations démocratiques des peuples africains.


Conclusion

Le silence électoral des 17 et 18 juillet au Togo ne doit pas être interprété comme une apathie. C’est un cri muet, un geste collectif de résistance, un refus d’être instrumentalisé une fois de plus par un système verrouillé. En désertant les urnes, le peuple togolais envoie un message clair : il ne veut plus d’élections sans alternatives réelles, sans justice, sans réforme en profondeur.

Face à un tel désaveu populaire, la vraie question désormais est la suivante : combien de temps un régime peut-il encore se maintenir quand il ne peut même plus faire semblant d’être soutenu par son peuple ?

One thought on “Togo : Silence électoral, le peuple a tourné le dos aux urnes

  1. Pourquoi nos leaders négationnistes ne veulent pas faire une analyse plausible… Le peuple ne les comprend plus… Comment peut on vouloir un changement et appeler au boycott… Comment on peut supporter des manifestations au moment où les campagnes sont en cours pour des élections… Malheureusement, seuls le parti UNIR a la suite dans leurs idées, quoique quelques uns des gouvernants s’en mettraient plein leurs poches

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