En participant aux élections municipales du 17 juillet 2025, l’opposition togolaise a franchi une ligne de contradiction majeure. En pleine contestation du nouveau régime constitutionnel, dans un climat de deuil et de désillusion populaire, elle a choisi d’entrer en lice pour un scrutin dont l’issue semblait déjà scellée. Résultat : moins de 10 % des sièges, aucune mairie assurée sans l’aval du pouvoir, et une nouvelle gifle politique. Le Dr Georges William-Kouessan signe ici une analyse lucide et sans complaisance, appelant à une remise en question profonde des stratégies d’opposition. Lisez plutôt!
Par Dr Georges WILLIAM-KOUESSAN
L’OPPOSITION TOGOLAISE A FAILLI
Aux vrais partis d’opposition ayant participé aux élections municipales
« Nous nous laissons tout le temps écraser par UNIR et cela ne dit rien à personne. Si ce n’est pas 5 députés sur 113 aux législatives, c’est plutôt moins de 150 conseillers sur 1527 aux municipales. L’essentiel est de trouver le (ou les) plus fort (s) des faibles ».
Du 2 au 15 juillet 2025, s’est déroulée dans notre pays, la campagne électorale pour les élections municipales tenues le 17 juillet 2025.
Les résultats provisoires desdites élections sont proclamés le 21 juillet 2025 et ne permettent même pas de s’attendre à 1 seule mairie pour toute l’opposition sur un total de 117, sans la bénédiction de UNIR. Amère réalité !
A l’approche de l’échéance électorale du 17 juillet 2025, j’ai été de ceux qui ont condamné, sans bien sûr, appeler au boycott, la participation de l’opposition à ces joutes électorales, que j’ai jugée inopportune et inappropriée.
Sans même attendre les résultats provisoires à proclamer par la CENI, j’ai pensé que l’opposition a failli en participant à ces élections pour plusieurs raisons, mais j’ai estimé plus sage d’en faire publiquement l’économie jusqu’à la fin du processus. L’objectif était juste d’éviter de démotiver, ne serait-ce qu’un seul des irréductibles qui se mettraient, en dépit des conditions inacceptables, en ordre de bataille pour défendre la “noble cause”.
Ces raisons sont les suivantes :
La première : rejet de la 5e république
Toute l’opposition, sans exception, a rejeté le changement constitutionnel d’avril 2024.
On ne peut pas être en désaccord avec une constitution et participer aux élections organisées par les institutions installées par et sous cette même constitution.
L’opposition ne devrait donc pas y participer. C’est de la pure contradiction.
Lorsque l’on n’est pas d’accord, on n’est pas d’accord. Il faut être conséquent.
On n’est certes pas obligé d’être éternellement en désaccord avec une disposition. Si les convictions bougeaient malheureusement entre-temps, il fallait en faire cas. Nul ne saurait blâmer pour cela. Ne dit-on pas souvent que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis ? Même si l’on est toujours en désaccord, mais pour certaines raisons on s’y plie, il faut également en apporter la clarification. C’est seulement à ces seules conditions, qu’une participation à ces élections aurait peut-être un sens.
La deuxième : les populations pleuraient et pleurent encore leurs morts
Pourquoi participer à des élections perdues à l’avance, quand les populations que l’on défend, pleurent encore leurs morts ?
C’est une question importante à laquelle l’opposition togolaise participationiste devrait chercher et trouver des réponses.
On ne peut pas défendre une population et ne compatir qu’en partie à ses souffrances. Il faut y compatir pleinement. Ce n’est pas en organisant seulement une marche, que l’on témoigne de ses réels sentiments. Si la mort de ces personnes entraînait un bouleversement politique, ce serait l’opposition qui viendrait jouer le principal rôle dans la réorganisation de la vie publique, donc, ce serait à son actif.
Il fallait y penser.
La troisième : le contexte ne permettait pas de mobiliser l’électorat
Pourquoi participer à des élections lorsque l’on sait que l’on ne peut pas mobiliser l’électorat ?
En effet, avec la contestation de l’arrestation du rappeur Aamron, survenue en mai 2025, ajoutée au changement constitutionnel d’avril 2024, il était évident que la majorité des togolais n’était pas prête à aller aux urnes. Ce sentiment s’était encore approfondi et devenu plus perceptible avec le retrait des corps sans vie de 7 de nos concitoyens dont des enfants, de la lagune de Bè et le 4e lac d’Akodessewa. Les populations n’étaient donc guère préparées à aller voter.
Pourquoi alors participer nécessairement aux élections si ceux qui doivent accorder leurs suffrages ne voulaient pas s’exprimer ? La participation est-elle devenue un pacte ou un simple sujet de visibilité ?
Comment comprendre qu’au cours d’une élection au 21e siècle, le parti au pouvoir remporte 75% des sièges quand le principal parti d’opposition en a moins de 4% ?
Cet élan participationiste est d’autant plus condamnable, que le désintéressement de la population vis-à-vis de la participation brute aux élections, s’est déjà manifesté à travers la forte abstention observée aux législatives de 2024.
Alors que l’on n’avait pas fini de parler du changement constitutionnel, on s’était précipité pour aller solliciter le suffrage des électeurs. Le résultat, nous ne le connaissons tous que trop bien.
La quatrième : la CENI n’a pas été recomposée
Pourquoi participer à des élections dont le principal organe d’organisation est resté irrégulier et la transparence, sujet à caution ?
La Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), principale institution d’organisation de ces élections, suivant les textes, était sortie de ses délais légaux et devait être recomposée.
Cela n’a pas été fait avant les élections, ce qui a nécessairement dû influencer la transparence de ces dernières. Malgré cet état de choses, les partis se sont précipités pour entamer une campagne électorale et aller voter.
En 2024, nous avons vu des partis politiques refuser de siéger à l’Assemblée Nationale pour protester contre des irrégularités dans l’organisation des élections législatives de la même année.
Un acte que je n’avais pas bien compris à l’époque, mais que j’avais salué pour son caractère courageux et désintéressé.
Qu’est-ce qui a changé maintenant pour que les mêmes partis courent derrière les municipales ?
Qu’est-ce qui explique cet engouement pour des élections municipales qui ne sont même pas censées nous ramener la constitution de 1992 à laquelle nous tenons tant ?
Même si les élections municipales sont importantes de par leur rôle dans l’organisation locale de nos communes, donc un rôle social, on ne me dirait pas quelles sont subitement devenues plus importantes que les législatives.
Revenant même à l’importance sociale de ces municipales, l’on sait que dans les mairies, l’opposition n’a vraiment pas eu voix au chapitre pendant les 6 dernières années d’exercice. Même dans les maires dirigées par l’opposition, les maires n’ont eu aucun pouvoir réel. Ce dernier était détenu par les secrétaires généraux placés par le pouvoir central. Aucun projet signé par le maire, n’est validé sans le paraphe du secrétaire général. C’est le secret de polichinelle.
Pourquoi alors cet engouement ? Concernant les nouveaux partis, je peux encore comprendre, mais pour ce qui concerne les partis traditionnels, je ne comprends pas.
La cinquième : l’opportunité de remobiliser
Pourquoi aller participer à des élections perdues à l’avance, quand une nouvelle opportunité de mobilisation était encore saisissable ?
Il est de notoriété publique que nous avons du mal dans l’opposition à encore mobilier les populations depuis les évènements d’août 2017 et surtout depuis la présidentielle de février 2020. Contre toute attente, et presque comme une providence, l’arrestation du rappeur d’Aamron a provoqué un regain d’intérêt de la population vis-à-vis de la chose publique.
Il appartenait à l’opposition de profiter de cette nouvelle donne pour tenter de relancer ses mobilisations d’antan, histoire de recréer un nouveau rapport de force susceptible d’obtenir un report des élections. Ce qui aurait permis du moins, une meilleure organisation de ces dernières et une meilleure préparation de la participation, si tant est qu’elle y tenait.
Elle a plutôt préféré courir encore derrière ces élections, sans la moindre garantie de les remporter ou même d’améliorer, ne serait-ce que chichement, ses performances passées.
Maintenant que les résultats sont proclamés, donnant moins de 150 conseillers représentant moins de 10o/o pour toute l’opposition réunie, pendant que UNIR seul totalise 1150 conseillers, pour un taux supérieur à 75% et 51 conseillers au plus fort parti de l’opposition, cela nous renforce dans notre position que cette dernière ne devait pas aller à ces élections dans ces conditions.
On se demande :
Si c’est juste pour cela qu’il a fallu oublier un moment, la souffrance des populations endeuillées ?
Si c’est juste pour cela qu’il a fallu passer outre la volonté des populations de ne pas aller voter ?
Si c’est juste pour cela qu’il a fallu courir et perdre une nouvelle opportunité de mobilisation ?
Loin de moi l’idée de dire ou de croire que remporter moins de 150 sièges de conseillers à des élections municipales est une sinécure. Non. Avoir même un seul conseiller demande du travail, je le sais, mais est-ce de cela dont nous avons besoin aujourd’hui dans l’opposition ?
Je suis peiné pour l’opposition qui prend plaisir à courir derrière des résultats électoraux insignifiants (comparés aux résultats globaux) et qui dégringole après chaque élection (51 pour le principal parti en 2025 contre 131 en 2019, moins de 150 pour toute l’opposition en 2025 contre 263 en 2019), au lieu de chercher un cadre du plein pouvoir où elle pourra dérouler librement un véritable programme de gouvernement, ou à la limite, peser dans la prise des grandes décisions.
Nous nous laissons tout le temps écraser par UNIR et cela ne dit rien à personne. Si ce n’est pas 5 députés sur 113 aux législatives, c’est plutôt moins de 150 conseillers sur 1527 aux municipales.
L’essentiel est de trouver le (ou les) plus fort(s) parmi les faibles.
Je pense que la situation demande plus de réflexions pour la trouvaille d’une stratégie plus efficace que de simples courses contre la montre à chaque fois que des élections sont programmées.
Nous devons y penser…
L’opposition togolaise est complice du maintain du regime sanguinaire de l’unir Rpt au pouvoir.