Que faisait Steeve Rouyar le 6 juin dernier à Lomé ? Ce Français expatrié au Togo a été interpellé, à cette date, par les autorités du pays d’Afrique de l’Ouest. Une arrestation survenue lors d’une rare mobilisation contre les arrestations d’opposants, la hausse du prix de l’électricité et surtout la nouvelle Constitution qui permet à Faure Gnassingbé, qui tient le pays d’une main de fer depuis 20 ans, de se maintenir au pouvoir sans limite de mandats. Voici ce que l’on sait de cette affaire.
Atteinte à la sécurité de l’État
Ce n’est que trois jours après la mobilisation du 6 juin que le parquet de Lomé a annoncé qu’un Français figurait parmi la cinquantaine de “manifestants” arrêtés. La famille de Steeve Rouyar, elle, explique avoir appris la nouvelle sur les réseaux sociaux. “Ça nous a fait un gros choc”, confie à l’AFP son frère, Mickaël. “On sait très peu de choses sur la manière dont il a été arrêté et les motifs d’inculpation”.
Selon une source ayant accès au dossier auprès de l’AFP, l’expert-comptable de 44 ans, père de deux enfants, originaire de Guadeloupe et installé au Togo depuis novembre 2024, est aujourd’hui poursuivi pour troubles à l’ordre public aggravés. Des faits qu’il a reconnus devant un juge d’instruction et pour lesquels il risque un à cinq ans d’emprisonnement. Mais il est aussi accusé “d’atteinte à la sécurité de l’État”, ce qu’il nie. Un délit puni de 20 à 30 ans de prison.
Selon les éléments du dossier, Steeve Rouyar aurait participé à la fabrication de tracts, avant d’être arrêté lors d’un rassemblement et détenu au Service central de recherche et d’investigation criminelle (Scric). Du côté de sa famille, son frère assure ne pas savoir “dans quelle mesure (Steeve) a pris part au mouvement”, même “s’il devait avoir une sensibilité pour ce qui se passait” au Togo.
Un profil engagé
Car le quadragénaire est un militant engagé. En Guadeloupe, où il avait démarré son activité il y a 20 ans après avoir grandi en région parisienne, il s’était présenté aux élections législatives de 2017, 2022 et 2024, notamment sous la bannière du Nouveau front populaire (NFP). Des scrutins auxquels il a, à chaque fois, récolté moins de 1% des voix.
Steeve Rouyar se montrait également engagé sur ses réseaux sociaux. Sur son compte Facebook, dont le dernier post remonte au fameux 6 juin, il fustige régulièrement la politique d’Emmanuel Macron, la vaccination anti-Covid, et affiche son soutien à la cause palestinienne. Ces derniers mois, il avait partagé des publications à la gloire des juntes qui ont pris le pouvoir par la force au Mali et au Burkina Faso voisins, dont ils ont chassé la France. Il avait aussi relayé les messages d’influenceurs panafricanistes, pourfendeurs de l’ancienne puissance coloniale, avec laquelle le Togo continue d’entretenir des relations plutôt cordiales.
De son côté, sa famille assure que cet aîné d’une fratrie de cinq est venu au Togo pour ouvrir un nouveau cabinet d’expertise-comptable sur un marché africain porteur, avant de se heurter à des démarches administratives plus complexes que prévu. “Il était optimiste par rapport à la situation en Afrique, il voyait une libération des peuples et voulait s’y impliquer”, affirme Astrid Michée, membre du comité pour sa libération. “Il m’a dit : ‘Je ne suis pas avec l’opposition, je suis avec le peuple'”, ajoute son père joint au téléphone.
Inquiétude de sa famille
Dominique Rouyar se dit “très inquiet” pour son fils, “détenu dans des conditions inhumaines et assis dans le noir toute la journée” avec 11 codétenus. “On ne lui donne pas à manger, on ne l’emmène pas se promener, il dort à même le sol”, assure-t-il à l’AFP. Lors de leur dernier échange téléphonique fin août, le Guadeloupéen lui a confié être “très amaigri”. “Je n’ai pas reconnu sa voix”, dit Dominique Rouyar. Contacté par l’AFP, le Quai d’Orsay n’a pas commenté sa situation.
Selon l’opposition, la violente répression des manifestations de juin a fait sept morts, le parquet faisant, lui, état de cinq morts “par noyade”. Une source gouvernementale togolaise a assuré à la presse que “l’état de droit est bien respecté”, demandant de “laisser la justice faire son travail” en attendant la fin de l’instruction.
Source: TF1