Oui Makosso, avoir des millions de followers ne fait pas de vous un journaliste, pas plus que le fait de détenir une carte de presse, fût-elle délivrée en Allemagne. La carte de presse est certes obligatoire, mais ne conditionne pas à elle seule le statut de journaliste. On peut très bien posséder une carte de presse sans être journaliste, mais on ne peut pas être journaliste sans en incarner l’exigence.
Pour prétendre au titre de journaliste, il faut pouvoir justifier que l’on exerce ce métier régulièrement — en tant que salarié, correspondant ou indépendant — au sein d’une ou plusieurs entreprises de presse, et que l’on en tire une rémunération. Et savoir que les journalistes bénéficient d’une convention collective qui les protège contre les abus.
Le journalisme est un métier corporatiste. Ouvert mais structuré. Un métier codifié par des principes et des valeurs. Ceux de la vérité des faits, de l’honnêteté, de l’indépendance et du droit de savoir du citoyen. Ce droit, fondamental, inaliénable et absolu, les journalistes le défendent parfois au péril de leur vie, guidés par l’éthique et la déontologie.
C’est pour empêcher aux journalistes de ne s’autoriser d’eux-mêmes que des règles encadrent la profession. Tout journaliste sait qu’il existe pour le métier un cadre de régulation. Il n’y a aucune légitimité à feindre de ne pas le reconnaître si vous étiez vraiment le journaliste que vous prétendiez être.
Dans votre droit de réponse à l’UNJCI, vous écrivez en nota bene, je cite : « les influenceurs en ce jour sont le 4eme pouvoir dans ce pays et nous vous avons relégués au 5eme pouvoir ». Le journalisme n’est ni un premier, ni un deuxième, ni un troisième, ni un quatrième, ni un cinquième pouvoir. Le journalisme n’est pas un pouvoir mais un contre-pouvoir.
‘Le journalisme, ce n’est pas la communication’
Et le journalisme, ce n’est pas la communication. Vous dites que votre « carte de presse internationale vous a été délivrée par une organisation basée en Allemagne regardant votre niveau de communication et de reportage ». Il aurait fallu qu’elle vous délivre une carte de communicant parce que le journalisme n’a rien à voir avec la communication.
La différence réside tant dans l’approche, dans la pratique que dans les valeurs et missions de l’un et de l’autre. « La communication arrange, le journalisme dérange ». La communication a pour but de plaire, le journaliste a pour but de dénoncer. Le communicant vend, gère l’image et la réputation des marques, le journaliste informe.
Il n’est pas exclu que les journalistes collaborent avec des bloggeurs ou des influenceurs sur des projets de plaidoyer, pour amplifier la portée de certains faits, les rendre viraux ou simplement pour lutter contre la désinformation. Mais cela ne fait pas de ces blogueurs ou de ces influenceurs, des journalistes.
Recouper, vérifier, contextualiser et analyser l’information, voilà ce que fait un journaliste avant même d’ouvrir sa caméra pour faire un live. L’important ce n’est pas d’être le premier à informer. Mais de s’assurer que c’est une information juste, équilibrée, nuancée, vérifiée, impartiale et d’intérêt public.
L’essor de l’internet et des nouvelles technologies ont permis à de nombreux citoyens d’intégrer et de participer à la production de l’information sur des blogs, des réseaux sociaux, des chaînes YouTube et d’autres plateformes numériques, mais cela ne remplace pas le travail du journaliste.
Selon les données de Reporters Sans Frontières, depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, 37 journalistes ont été tués, 516 détenus dans des prisons, 41 collaborateurs de médias sont également incarcérés, 51 pris en otage et 97 portés disparus. Le journalisme est un métier difficile, ardu, complexe, et exigeant.
C’est devenu un métier dangereux et à risques. La pandémie du COVID-19 a fait réaliser que le journalisme sauve des vies, que la bonne information sauve des vies. Un journaliste ne vit pas de buzz et d’opinions. Oui tout le monde peut être journaliste, mais tout le monde n’est pas journaliste.
Kossi Balao, Journaliste
Source : Togobreakingnews