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Les vrais intellectuels togolais: ces voix qui éclairent, face aux ombres de la médiocrité complice

Il existe, dans chaque nation meurtrie, une poignée d’hommes et de femmes qui refusent de courber l’échine devant la fatalité politique. Des êtres qui n’acceptent jamais de transformer leur intelligence en marchandise, encore moins en carte d’entrée dans l’antichambre du pouvoir autoritaire. Au Togo, ces femmes et ces hommes existent. Ils ne sont pas les plus visibles, ni les plus bruyants. Ils ne défilent pas au palais présidentiel ou dans les salons ministériels. Ils n’applaudissent pas mécaniquement au passage du chef. Ils n’enrobent pas la tyrannie dans des concepts creux d’ « exception togolaise » ou de « transition apaisée ». Ce sont les vrais intellectuels togolais.

L’intellectuel qui enseigne à penser et non à répéter

Un vrai intellectuel ne dresse pas des étudiants comme on dresse des chiens de garde. Il les ouvre à la lumière. Dans les amphithéâtres de Lomé ou de Kara, certains enseignants refusent de sacrifier leur vocation au confort de la servilité. Devant leurs étudiants, ils ne livrent pas des cours aseptisés, vidés de substance pour ne froisser personne. Ils enseignent l’analyse, la contradiction, la comparaison historique, le doute méthodique. Ils apprennent à lire entre les lignes, à interroger les évidences, à démasquer les impostures.

Car c’est là que se trouve la force politique de l’intellectuel authentique, non dans la prise de parole tapageuse, mais dans la formation des consciences. Chaque étudiant qui apprend à poser une question gênante devient un Togolais plus difficile à manipuler. Chaque jeune qui refuse la pensée préfabriquée fragilise l’édifice fragile de la propagande. Et c’est précisément pour cela que les vrais intellectuels sont précieux et dangereux pour la dictature.

Les voix qui écrivent au lieu de se prosterner

Il y a aussi les écrivains, chroniqueurs, essayistes, journalistes, qui, malgré les intimidations, les emplois refusés, les opportunités fermées, continuent d’écrire. Non pas pour plaire. Non pas pour obtenir une subvention, un visa ou une nomination dans un quelconque organisme international comme l’OIF. Ils écrivent pour dire ce que tant murmurent dans l’ombre. Ils écrivent pour briser les mécanismes de la résignation collective. Ils écrivent pour empêcher l’oubli, ce poison silencieux qui efface les injustices en les repeignant aux couleurs du compromis. L’écriture au Togo, est une résistance autant qu’un témoignage. Une manière de dresser un rempart symbolique contre la normalisation de l’inacceptable. Une manière de garder vivante la grande question que tout pouvoir déteste: « Pourquoi devrait-on accepter cela? »

Le rôle historique de l’intellectuel togolais

L’histoire togolaise regorge d’intellectuels qui, par leur courage et leur rigueur, ont tenu tête à la machine répressive. Ces femmes et hommes ont payé parfois par l’exil, parfois par la marginalisation, parfois même par leur vie. Ils ne se battaient pas pour un poste. Ils ne s’adressaient pas au pouvoir, mais au peuple. Ce sont eux qui, dans les moments sombres, ont maintenu vivante la flamme du refus. Ils ont montré que la pensée peut être un acte politique.

Que la parole peut être un acte de résistance. Que l’intelligence n’a de valeur que lorsqu’elle aide à briser les chaînes, jamais à les resserrer.

Ces vrais intellectuels togolais ne roulent pas dans des voitures de luxe, dans des 4X4, ne fréquentent pas les bureaux climatisés où l’on parle de « gouvernance » entre deux coupes de champagne importé. Non, eux sont dans les salles de classe qui chauffent comme des fours crématoires ou dans des bibliothèques à moitié vides. Et pourtant, ce sont eux qui transmettent aux étudiants l’outil qui fait trembler tout régime autoritaire: l’esprit critique. Le genre d’analyse et de réflexion qui donnent des sueurs froides aux ministres et déclenchent des réunions d’urgence dans les cabinets feutrés.

Les vrais intellectuels ne sont pas des fonctionnaires de la pensée. Ils ne livrent pas des diagnostics préemballés, approuvés par le ministère. Ils apprennent à leurs étudiants comment penser, au lieu de leur dicter quoi penser. Ces enseignants, chercheurs, chroniqueurs, écrivains refusent de marcher dans la procession nationale de l’hypocrisie patriotique où chacun doit louer la sagesse du Guide Suprême sans cligner des yeux. Ils ne savent pas lécher les bottes avec un doctorat.

Pourquoi le Togo a besoin de ces voix aujourd’hui?

Aujourd’hui plus que jamais, le pays a besoin de cette catégorie d’intellectuels, ceux qui forment, éveillent, éclairent, inspirent. Ceux qui refusent de pactiser avec le mensonge d’État. Ceux qui ne confondent pas intelligence et docilité. Ceux qui considèrent que le savoir n’est pas une parure sociale, mais un outil d’émancipation collective. Car une nation n’avance pas grâce aux courtisans diplômés, mais grâce aux consciences éveillées. Les régimes passent, les imposteurs se dévoilent, mais la pensée authentique est immortelle.

Être intellectuel, ce n’est ni servir la dictature, ni se rouler dans ses privilèges. Être intellectuel, c’est éclairer le chemin, c’est refuser la compromission, c’est choisir la vérité et non le mensonge. Les vrais intellectuels togolais existent. Ils enseignent, écrivent, alertent, éduquent, éveillent, éclairent, résistent.

Et tant que leurs voix continueront de se transmettre, de classe en classe, de génération en génération, aucune propagande, aucune tyrannie, aucune manipulation ne pourra définitivement éteindre le désir de liberté qui sommeille dans le cœur du peuple togolais. Parce que le peuple doit savoir une chose: la dictature n’a pas peur de la force mais de la pensée libre.

On ne peut plus continuer à placer sur le même niveau ceux qui éclairent la nation et ceux qui la vendent à la dictature. On ne peut plus faire semblant que tous les diplômés méritent le titre d’intellectuels.

Les intellectuels médiocres: ces caisses de résonnance de la dictature

En face, hélas, se déploie une autre catégorie. Celle des intellectuels médiocres. Ceux-là sont les plus visibles. Ils représentent la dictature dans les organismes internationaux, ils manient la langue pour excuser la brutalité, travestir la réalité et maquiller la tyrannie sous des formules technocratiques. Ils se présentent comme « experts », « spécialistes », « consultants », « haut fonctionnaires internationaux ». Mais la vérité est simple. Ce sont des domestiques du régime, déguisés en penseurs. Ils se couchent avec une vitesse qui ferait jalouser un tapis roulant. Ils sont des porte-paroles officieux d’un système qui leur jette des miettes et récupère leur dignité en échange.

Ils parlent de la stabilité pendant que le peuple étouffe. Ils chantent l’État de droit pendant que des Togolais pourrissent dans des cellules secrètes. Ils parlent de « réformes institutionnelles » pendant que la Constitution est violée comme un vieux chiffon. Ils n’ont pas d’idées propres, seulement des argumentaires fournis par le pouvoir. Ils ne pensent pas, n’éclairent pas, ils aveuglent. Le pire n’est pas qu’ils mentent. Le pire est qu’ils ont fini par croire à leurs propres mensonges. Dans les organismes internationaux, certains d’entre eux jouent même les ambassadeurs officieux de la dictature. Ils blâment l’opposition, relativisent les violences, exonèrent la famille régnante, enjolivent des rapports et s’érigent en défenseurs d’un système qui broie les siens. Leur savoir ne libère pas, il enferme. Leur discours ne protège pas, il trahit. Ces soi-disant intellectuels sont les bras armés de la manipulation. Ils sont devenus les colons internes du peuple togolais. Pas besoin d’un oppresseur extérieur, quand l’oppression a des diplômes locaux.

Boycotter leurs cours et livres

Le boycott n’est ni violent, ni illégal, ni clandestin. C’est un désengagement conscient, un acte de résistance intellectuelle. Refuser d’acheter les livres de ceux qui servent la dictature, c’est retirer son attention et son argent à ceux qui trahissent leur mission. Ne pas choisir leurs cours, c’est refuser d’être exposé à une pensée falsifiée. Refuser de citer leurs travaux, c’est protéger son esprit et son intégrité intellectuelle. Le boycott, c’est reprendre le contrôle de ce que l’on accepte de consommer avec son cerveau.

Le boycott comme reconstruction de l’horizon intellectuel

Boycotter, ce n’est pas seulement refuser. C’est redéfinir ce que l’on veut lire, écouter, apprendre. C’est redonner la parole aux penseurs indépendants, aux enseignants intègres, aux chercheurs courageux, aux écrivains qui n’ont pas vendu leur plume pour une place à la mangeoire. C’est exiger une intellectualité propre, indocile, authentique. C’est aussi réhabiliter le rôle originel de l’intellectuel en disant ce qui dérange, en éclairant ce qui est caché et en défendant ce qui est juste.

Construire une contre-culture de vérité

Une dictature ne peut survivre que si elle capture deux forces qui sont: la peur et la pensée. On peut résister à la peur par le courage individuel. Mais on résiste au contrôle de la pensée par la construction d’une contre-culture. Les sociétés ont toujours produit leurs anticorps. Et souvent, ces anticorps naissent lorsque le peuple cesse de tolérer la compromission de ses élites intellectuelles. Boycotter les cours et les livres de ces intellectuels qui flirtent avec les dictatures, c’est un acte de salubrité mentale, un geste de purification collective. Car le peuple peut survivre sans les faux penseurs, mais ne peut survivre sans la vérité.

Anani Ahoévi

Source: djalele.com

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