Le gouvernement et la classe politique ont échangé, jeudi passé, sur la problématique du terrorisme. A l’occasion, les participants ont formulé de « nombreuses contributions très intéressantes », selon le gouvernement, pour endiguer le fléau et au niveau de l’Exécutif, on promet en tenir compte. Mais cette rencontre aura mis une fois de plus en exergue le mépris du « médiateur » dans la crise malienne pour la classe politique togolaise et été l’objet d’instrumentalisation par le pouvoir.
ls étaient presque tous là, les partis politiques animant la vie politique du Togo – en bien ou en mal – ces dernières années, treize (13) en tout, autour du Premier ministre Victoire Tomegah-Dogbé, à cette rencontre organisée sur le terrorisme dont est l’objet le Togo depuis quelques mois, notamment la région des Savanes où les populations civiles sont endeuillées. Même ces entités de l’opposition qu’on ne croyait pas retrouver de si tôt autour d’une table (de discussion ou d’information, c’est selon) avec le pouvoir en place et qui ont d’ailleurs boycotté les dernières initiatives de dialogue – suivez juste les regards. C’est ce qui fait la réussite de cette rencontre axée sur trois (03) sous-thèmes : « l’état de sécurité au Togo », « l’état d’urgence sécuritaire » et « le plan d’urgence dans les savanes ». Pour parler sans filtre, on dira que le terrorisme aura réussi à réunir la classe politique togolaise.
Mépris royal du « médiateur » Faure
Au-delà de la personne du Premier ministre, c’est le gouvernement qui a rencontré les acteurs politiques. Autour de Victoire Tomegah-Dogbé, il y avait des ministres parmi lesquels Christian Trimua des Droits de l’Homme ou encore Yark Damehame de la Sécurité et de la Protection civile. La rencontre aura été une réussite, à en croire les propos des uns et des autres au sortir des échanges. Mais elle scintille une fois de plus le mépris légendaire de Faure Gnassingbé pour la classe politique togolaise.
En effet, beaucoup de Togolais l’attendaient personnellement à cette rencontre. Le commun des citoyens le voyait la présider lui-même, comme on c’était d’ailleurs annoncé quelque temps auparavant. Ses vuvuzélas ont bien parlé d’une rencontre entre la classe politique et lui sur le terrorisme. Le jeu en valait la chandelle, il s’agit du terrorisme, un sujet très sérieux et d’intérêt national et dans ces genres de situations, il est de bon ton que le premier responsable du pays, qui plus est chef suprême, prenne personnellement le lead et imprime la dynamique nécessaire à ce combat légitime. Mais Faure Gnassingbé n’a pas cru devoir être là.
A-t-il voyagé ? C’est, peut-être, la seule raison qui puisse légitimer (sic) son absence à cette rencontre d’importance. D’ailleurs même dans ce cas, la plupart des dirigeants plaçant le bien-être de leurs populations comme la priorité des priorités auraient écourté tout éventuel voyage et seraient rentrés pour présider personnellement la rencontre. Officiellement, il n’a pas été dit que Faure Gnassingbé a voyagé. Rien dans ce sens .. Dans ce cas, si son absence n’est pas du mépris pour la classe politique, notamment l’opposition, cela y ressemble beaucoup.
Manifestement, Faure Gnassingbé n’a pas le temps pour rencontrer son opposition sur un sujet aussi sensible que le terrorisme sur lequel son régime a cru devoir échanger avec les acteurs politiques et recueillir leurs contributions pour endiguer le fléau. Mais il en a suffisamment pour jouer le médiateur pour la paix au Mali, entre ce pays et la Côte d’Ivoire, au Tchad, accueillir des délégations de ces pays à Lomé. C’est peut-être en guise de réciprocité de ce mépris que la plupart des partis de l’opposition dont la présence était très recherchée à ce rendez-vous ont préféré y envoyer des seconds couteaux…
Tentative d’instrumentalisation
C’est un réflexe pour le régime en place de récupérer politiquement toutes les opportunités aux fins politiciennes. Cette rencontre autour du terrorisme n’y a pas échappé. Le pouvoir l’a présentée à demi-mot, surtout à l’opinion internationale, comme un dialogue et une union sacrée de la classe politique, aux fins d’en tirer des dividendes politiques. Les déclarations de Christian Trimua qui a mis ces échanges au crédit de son mentor Faure Gnassingbé, les a présentés tacitement comme une sorte de cessez-le-feu ou de trêve politique, placés dans la logique de discussions initiées par son mentor Faure Gnassingbé avec la classe politique sont assez parlantes.
Cette rencontre, a-t-il indiqué, a été organisée sur initiative du chef de l’Etat et «s’inscrit dans la logique des consultations que Son Excellence le Président de la République avait déjà engagées avec différents acteurs »…A l’en croire, la réunion a également « rencontré le souhait des partis politiques d’échanger avec le gouvernement sur les préoccupations de l’heure concernant les attaques terroristes dont notre pays est victime depuis un certain temps » et il y a été « partagé la réflexion sur la nécessité pour tous les acteurs politiques d’être unis et de faire un front commun face à l’agression inacceptable dont notre pays est victime ».
Le piège de l’instrumentalisation a été très vite décelé par certaines formations politiques. C’est en tout cas l’exemple des partis membres de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK) qui l’ont d’ailleurs relevé, au cours d’une conférence de presse organisé vendredi dernier. La Coordinatrice Générale Brigitte Adjamagbo et les siens l’ont suffisamment dit, la réunion de jeudi 4 août était une simple rencontre d’information, rien de plus, que le régime tente de présenter à l’opinion, surtout internationale comme un dialogue avec l’opposition. Le fait de tendre la main à ce regroupement politique qui conteste la victoire du “Prince” à la présidentielle du 22 février 2020 est même déjà rempli de sens.
Une chose apparait évidente à travers ces manœuvres d’instrumentalisation, c’est le désir ou besoin d’apaisement sociopolitique. Le pouvoir en a besoin, mais il ne fait pas ce qu’il faut pour. Au contraire, tout est fait pour augmenter les frustrations, creuser davantage le fossé de la division au sein de la classe politique et des populations. On ne peut pas, pour un oui ou un non, arrêter et emprisonner des opposants et demander à cette même opposition martyrisée de collaborer sur des défis comme le terrorisme.
L’ancien ministre et Président de parti politique, le Front des patriotes pour la démocratie (FPD) Djimon Oré n’est-il pas en prison pour avoir simplement critiqué le régime en place ? Jean-Paul Oumolou est incarcéré depuis quelques mois pour son engagement politique et son activisme aux côtés de la DMK. Les prisonniers politiques sont encore la centaine dans les geôles du Togo. Agbeyome Kodjo et son père spirituel Mgr Philippe Fanoko Kpodzro, Tikpi Atchadam, ils sont nombreux, les opposants envoyés en exil. Depuis un moment, les droits civils et politiques sont systématiquement bafoués, les partis de l’opposition empêchés de mener librement leurs activités régaliennes sous des prétextes divers : crise sanitaire, terrorisme…Pendant ce temps, on laisse faire les structures proches du régime.
Difficile d’avoir l’adhésion totale de l’opposition et de la société civile engagée lorsqu’on crée autant de frustrations dans leurs rangs. Le pouvoir Faure Gnassingbé, au demeurant, sait ce qu’il faut faire pour créer les conditions d’un véritable apaisement et de cohésion nécessaires à une lutte commune efficace et nationale contre un défi aussi énorme que le terrorisme. A moins d’être résolument autiste…
Ce que pense la DMK de la rencontre d’échanges sur le terrorisme
La Dynamique Monseigneur (DMK) Kpodzro a participé à la rencontre organisée à la Primature la semaine dernière sur le terrorisme. Elle fait ses observations après sa participation. C’était au cours d’une conférence de presse organisée au siège de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA) vendredi dernier.