Depuis quelques mois Ankou P., 45 ans, enseignant à Kpeve (Préfecture de Kloto), à 171 kilomètres de Lomé dans la zone frontalière avec le Ghana, s’essouffle rapidement et a du mal à respirer normalement. Après avoir essayé quelques remèdes sans satisfaction, il ira en consultation au Centre Hospitalier Préfectoral (CHP) de Kpalimé à la mi-mars. Après l’avoir ausculté, le médecin pose le diagnostic : Ankou souffre d’une infection respiratoire, avec du pus dans les poumons et il désature. Pour son traitement, le patient a besoin d’assistance respiratoire mais le coût de l’oxygène est au-dessus de ses moyens. « A l’hôpital, on devait payer 10000 CFA pour 1h d’oxygène, or il devait être sous oxygène tout le temps. Incapable de faire face à cette dépense, les parents ont préféré recourir à la médecine traditionnelle », explique Louise, petite sœur de Ankou.
Le CHP de Kpalimé comme beaucoup d’autres formations sanitaires ne dispose pas d’unité de production d’oxygène. Au Togo, seuls 2 hôpitaux disposent de générateur d’oxygène : le Centre Hospitalier Universitaire -Sylvanus Olympio (CHU-SO) de Lomé et le Centre Hospitalier Préfectoral de Blitta, dans le centre du pays à environ de 267 km de Lomé la capitale. Le reste du système de santé est approvisionné par des sociétés privées qui vendent l’oxygène gazeuse en bouteille. Il n’est donc pas rare de faire face à des pénuries d’oxygène dans ces centres.
Pour appuyer la réponse du Togo à la crise sanitaire de COVID-19, l’Agence des Etats Unis pour le développement international (USAID), par le biais du bureau Togo de l’Organisation mondiale de la Santé a entrepris de doter les centres de santé de tous les districts en concentrateurs d’oxygène, pour une prise en charge efficace des patients atteints de COVID-19.
Tous les 39 districts sanitaires du pays ont donc bénéficié de cet appui, qui aujourd’hui où la pandémie est en partie maitrisée, sert à sauver des vies dans les différents services hospitaliers. C’est le cas du Centre Hospitalier Régional de Tsévié. « L’approvisionnement en bouteilles d’oxygène de 7m3 et accessoires a diminué drastiquement », explique Dr Mireille Kpodonou, Directrice de CHR Tsévié. « Nous avons commencé l’utilisation des concentrateurs depuis décembre 2022 et en janvier nous avions commandé 40 bouteilles de 7m3, et jusqu’au 15 Mars, nous n’avons plus rien commandé, alors qu’il nous fallait au moins une cinquantaine de bouteilles par mois avant », a-t-elle ajouté. « Le prix de l’oxygène est passé de 5000 FCA l’heure à 1500 CFA, en plus pour les personnes se retrouvant dans l’incapacité de payer, les services sociaux prenaient en charge 20 à 50% avec les obus d’oxygène ; mais avec les concentrateurs mis à notre disposition cette prise en charge est aujourd’hui de 20 à 100 %. »
Ces concentrateurs non seulement résolvent les problèmes de pénurie d’oxygène mais aussi réduisent les coûts de prise en charge des malades et garantissent l’accès à des soins de qualité pour tous et partout. « Nous avons l’obligation de garantir l’approvisionnement sûr et fiable en fournitures médicales essentielle à nos populations », a déclaré Dre Diallo Fatoumata Binta Tidiane, Représentante Résidente de l’OMS au Togo. « L’oxygène est un médicament vital et crucial pour les patients souffrant de la COVID-19 et les personnes vulnérables souffrant de graves affections, tout comme pour les nouveaux nés et les personnes âgées. »
Les concentrateurs produisent de l’oxygène à partir de l’air ambiant et peuvent aller jusqu’à un débit de 10litres par minute. Ils sont moins encombrants, faciles à transporter et à déplacer, ils peuvent désormais être utilisés dans tous les services et par presque tout le personnel, qui a été formé par l’OMS à cet effet. « Ils présentent moins de risque d’incendie, alors que le risque était élevé avec les bouteilles d’oxygène. Aussi les risques de chute des bouteilles parfois, avec les lits qui bougent ou le déplacement des patients ou de leur accompagnateur est aujourd’hui presque inexistant avec les concentrateurs », soutient Godevi Kakouévi, Biomédical au Centre Hospitalier Régional (CHR) de Tsévié.
« Les concentrateurs nous soulagent énormément dans la prise en charge des populations vulnérables et réduisent drastiquement la pression de l’approvisionnement en obus d’oxygène. Et par ricochet, ils nous permettent même de dégager indirectement des fonds pour la prise en charge sociale et médicamenteuse des patients qui en ont besoin », renchérit M. Ouro-Djeri Atcha-Gani, Directeur du CHR Dapaong. Son centre hospitalier accueille ces derniers temps beaucoup de déplacés et réfugiés de la crise sahélo-sahélienne qui arrivent souvent sans argent et sans accompagnateur. « Ces concentrateurs allègent la pression » assure M. Ouro-Djeri.
L’USAID se réjouit de voir le système de santé du Togo développer sa résilience après avoir été secoué par la pandémie de COVID-19. « Notre objectif est d’appuyer le renforcement des systèmes de santé à tous les niveaux et de rapprocher les services de santé le plus proche possible des communautés », explique Ms Susan Bergson, Conseillère COVID-19 au Bureau régional de la santé pour l’Afrique de l’Ouest de l’USAID « Nous apprécions la gestion de la riposte au Togo et sommes rassurés de voir que notre appui à la riposte profite aujourd’hui au renforcement du système de santé, dans différents domaines. »
Tout comme le CHR de Tsévié ou celui de Dapaong, le CHP de Kpalimé a été gratifié de concentrateurs en mars 2023, ce qui lui permet d’offrir gratuitement de l’oxygénothérapie aux patients. De bouche à oreille, l’information arrive chez les parents de Ankou, qui l’ont fait hospitaliser de nouveau. « Nous l’avons ramené à l’hôpital le vendredi 31 Mars, il a été mis sous oxygène avec les petites machines, en plus du traitement. Déjà dimanche 2 Avril, il allait beaucoup mieux et on lui a enlevé l’oxygène », affirme Louise toute optimiste. Après 3 jours sous oxygène, l’état de Ankou s’est nettement amélioré et n’est plus dépendant d’assistance respiratoire en oxygène. Il reste en hospitalisation pour la poursuite de son traitement mais le pronostic vital n’est plus engagé.
« Vraiment, ces petites machines ont sauvé mon frère. » soupire Louise, émue.
Source : OMS-Togo