Ce lundi 8 mars 2021, c’est la journée mondiale de la femme. Dans une lettre ouverte écrite à ses « sœurs togolaises », Maryse Quashie rend hommage à toutes ces femmes battantes de l’ombre qu’appelle affectueusement « héroïnes du quotidien ». Lecture.
Lettre ouverte à mes sœurs
8 MARS, JOURNEE INTERNATIONALE DES FEMMES : dans le monde entier on va parler de nous, les femmes. Il y aura des statistiques sur le nombre de femmes scolarisées, diplômées, chefs d’entreprise, ministres, écrivains, artistes, etc… Beaucoup se féliciteront des progrès accomplis tandis que les féministes se plaindront de ce qui continue à ne pas aller : discriminations par rapport aux salaires, à l’accès aux postes de responsabilité, violences et abus sexuels, etc.
Moi aujourd’hui, je veux m’adresser à celles qui se qui se battent dans l’ombre et dont personne ne parle jamais. Je voudrais que l’on te donne le prix du courage ordinaire
– à toi la jeune fille qui a dû renoncer à ses études à cause d’une grossesse durant ta scolarité, alors que ton compagnon a pu tranquillement continuer ses études ;
– à toi l’étudiante mariée qui traîne dans ses études parce que lorsqu’un enfant est malade il appartient à la femme de l’amener à l’hôpital, de le soigner à la maison pendant que son père lui va au cours ;
– à toi ma sœur qui à 45 ans passés es obligée de faire de l’aide à domicile pour que tes enfants puissent faire des études supérieures.
Je voudrais que l’on te donne le prix de l’inventivité quotidienne
– à toi ma sœur qui es obligée de faire des miracles pour que toute la famille mange au moins une fois par jour, parce que ton mari donne toujours la même somme tous les mois alors que tout coûte de plus en plus cher ;
– à toi ma sœur qui tous les matins dois trouver ce qu’il faut donner à tes enfants pour qu’ils ne passent pas toute la journée de classe le ventre vide.
Je voudrais que l’on te décerne la médaille de l’abnégation de tous les jours – à toi ma sœur qui fais bonne figure jour après jour ne te plaignant jamais d’un mari insupportable, pour que tes enfants vivent dans une atmosphère de paix, pour que les tiens n’aient pas à porter ta souffrance en plus de la leur ;
– à toi ma sœur, qui marques « sans profession » sur ta carte d’identité alors que c’est ton mari qui ne veut absolument pas que tu travailles parce qu’il « a les moyens de s’occuper de toi et d’une famille »;
– à toi ma sœur qui vis dans un milieu professionnel où tout le monde pense que derrière la réussite d’une femme il y a obligatoirement un homme.
Je voudrais que l’on parle de vous mes sœurs togolaises : vous à qui on a arraché le petit commerce qui vous aidait à faire vivre votre famille, en abandonnant ce petit commerce aux mains d’hommes étrangers qui ont envahi nos marchés, vous qui êtes obligées de subir la précarité de l’informel, vous qui passez de longues heures à faire la queue devant les écoles le jour de la rentrée, de longues heures sur les bancs des salles d’attente des hôpitaux un enfant malade sur les genoux, vous qui n’avez pas le droit de tomber malades, de vous décourager, sinon toute la famille s’écroulerait.
Mes sœurs, il y a tant et tant de situations douloureuses que vous portez et dont j’aimerais parler mais des journées entières n’y suffiraient pas. Je voudrais simplement que chaque 8 mars, on fasse mention de vous aussi : LES HEROINES DU QUOTIDIEN !
Mes sœurs, et si nous nous prenions nous-mêmes en charge ? Si nous montrions que ce qui compte pour nous :
– Ce n’est pas la réussite individuelle d’une femme munie d’un doctorat, mais ce qu’elle fait de son doctorat pour que d’autres femmes réussissent ?
– Ce n’est pas la nomination d’une femme à un poste ministériel mais que les femmes se fassent entendre dans les arènes politiques en combattant ensemble pour une société plus juste et équitable ?
– Ce n’est pas la parité qui peut être artificiellement obtenue, mais un monde où dans la diversité chacun se sente valorisé ?
Pour que cela advienne nous devons montrer les voies de nouvelles solidarités : voilà au fond ce pourquoi je me suis décidée à vous écrire. Je vous lance un appel pour que nous soyons des héroïnes du quotidien oui, mais pas isolées, trouvons les moyens de faire face ensemble à ces situations qui nous écrasent, inventons une nouvelle société où chacun est concerné par ce que vit l’autre et en porte le poids avec lui.
HEROINES DU QUOTIDIEN UNISSONS-NOUS !
Pour la journée du 8 mars 2021