Dans une tribune libre publiée sur sa page Facebook, le président du Parti des Togolais, Nathaniel Olympio dresse une comparaison entre la justice togolaise et celle des pays voisins, notamment le Ghana. L’acteur politique se référant aux multiples dossiers de détournements de deniers publics au Togo, notamment le Pétrole-Gate, l’affaire route Lomé-Vogan-Anfoin et tout récemment l’affaire Bolloré, invite les magistrats togolais à s’autosaisir, à faire preuve de courage et à prendre leur responsabilité, afin de contribuer à la paix sociale et à la consolidation des institutions qui sont des critères indispensables au développement. « L’institution judiciaire est la dernière digue civile qui protège le citoyen contre tous les abus des puissants. C’est une fonction qui exige une rigueur morale et un courage dans son exercice », a-t-il indiqué. Bonne lecture.
« J’invite donc les magistrats togolais, spécifiquement ceux qui n’ont pas encore intégré ce principe à s’inspirer de l’exemple de leurs collègues ghanéen et française afin d’offrir au peuple togolais une justice qui inspire confiance, protège les citoyens et construit la paix civile »
Les magistrats togolais, du moins la minorité qui occupe les postes stratégiques (procureur de la République et juges d’instruction) leur permettant de mener des actions appropriées liées à leurs fonctions et qui ne le font pas, sapant les vertus de la justice, devraient apprendre de leurs collègues du Ghana et aussi de France.
Quoique noyée dans l’agitation de la période électorale, la démission du procureur anticorruption du Ghana en novembre 2020 a fait l’effet d’un coup de tonnerre qui a retenti dans toute l’Afrique de l’Ouest. L’explication formulée dans la lettre de démission de Martin Amidu est que le Président de la République a tenté de mettre sous éteignoir un rapport explosif relatif à la création d’une société offshore par le gouvernement du Ghana. Il souligne dans sa correspondance ne plus être « en mesure d’exercer en toute indépendance » sa fonction.
Bien que porté à la fonction de procureur anticorruption par le même président, le magistrat n’a pas hésité à exercer sa fonction avec l’éthique et les prérogatives y afférentes, y compris en mettant en cause le Président de la République. Il a fait preuve d’un courage et d’un professionnalisme qui élèvent le prestige et confirme la noblesse de la fonction. Cela valorise l’institution.
Plus loin géographiquement, à Paris, mais dans un dossier qui concerne le Togo, la magistrate Isabelle Prévost-Desprez, ancienne juge d’instruction spécialisée dans les affaires politico-financière, siège dans l’affaire mettant en cause Vincent Bolloré pour des actes de corruption dans la procédure de concession du port de Lomé à son groupe. Dans cette affaire, Vincent Bolloré, coincé et redoutant une audience publique, fait recours en février 2021 à la procédure de reconnaissance de culpabilité (l’équivalent de la procédure plaider-coupable aux USA), reconnaissant ainsi avoir eu recours à des pratiques de corruption au bénéfice de l’élection de Faure Gnassingbé en contrepartie de la concession du port.
La juge a estimé en âme et conscience que les faits reprochés au mis en examen qui est patron d’une entreprise fleuron de l’industrie française en Afrique et mettant en cause un chef d’Etat étranger, était d’une gravité qui exige une audience correctionnelle publique. Elle a affirmé que ce qui est reproché à l’industriel a « porté gravement atteinte à la souveraineté du Togo ». Là aussi, il s’agit d’une décision courageuse qui redore le blason de l’autorité judiciaire.
Au regard du professionnalisme et du courage dont ont fait preuve ces deux magistrats, comment ne pas interpeller les magistrats togolais sur la responsabilité individuelle qui est la leur dans le traitement des dossiers dont ils ont la charge, particulièrement ceux qui portent sur la commission des crimes et de délits impliquant des personnalités de premier rang du monde politique ou économique ? C’est ce que les Togolais attendent de leurs magistrats. Il n’est superfétatoire de rappeler une fois encore les affaires de détournements présumés dans les dossiers de la CAN 2013 et 2017, de la réfection de la route Lomé-Vogan-Anfoin dont les rapports dorment encore dans les tiroirs du procureur de la République près le Tribunal de Première Instance (TPI) de Lomé.
Pire encore, des cas de détournement d’importantes sommes d’argents au préjudice de l’Etat révélés dans le journal L’Alternative par le journaliste Ferdinand Ayité dans l’affaire dite PétroleGate portant sur l’approvisionnement du Togo en produits pétroliers, ont fait l’objet d’un rapport d’audit effectué du 29 juillet au 18 septembre 2020. Ce rapport de mission provisoire met formellement en cause des personnalités publiques de premier rang qui devraient d’abord rembourser une somme d’environ 145.031.361.857 de francs CFA et en justifier l’utilisation de celle de 337.490.408.695 de francs CFA. Il ressort clairement de ce rapport des indices graves et concordants laissant penser que ces personnalités ont commis des crimes économiques au préjudice de l’Etat togolais.
Curieusement, le parquet d’instance (le procureur de la République) de Lomé reste insensible à ce jour.
Quant à l’Exécutif, il se comporte comme si ce dossier ne le concernait pas et déclare simplement sur les ondes « L’Etat n’est pas chargé en tant que tel de la commande des produits pétroliers », comme si cela suffisait pour le dédouaner de sa responsabilité dans un dossier où l’on évoque de graves dysfonctionnements qui s’étalent sur des années au sein d’une structure mise en place par l’Etat lui-même.
Quand on accepte une fonction aussi centrale que celle de magistrat, on s’engage à l’exercer avec éthique et déontologie afin de contribuer à la paix sociale et à la consolidation des institutions qui sont des critères indispensables au développement.
L’institution judiciaire est la dernière digue civile qui protège le citoyen contre tous les abus des puissants. C’est une fonction qui exige une rigueur morale et un courage dans son exercice.
Faillir dans cette mission est une trahison du peuple et la responsabilité ne peut se cacher derrière le système, elle est individuelle.
J’invite donc les magistrats togolais, spécifiquement ceux qui n’ont pas encore intégré ce principe à s’inspirer de l’exemple de leurs collègues ghanéen et française afin d’offrir au peuple togolais une justice qui inspire confiance, protège les citoyens et construit la paix civile.
Gamesu
Nathaniel Olympio
Président du Parti des Togolais