Togo-Mme Adjamagbo : « Notre pays influence le recul démocratique partout »

Le Comité Afrique de l’Internationale Socialiste (IS) s’est réuni en début du mois de juin pour faire le point de la situation sociopolitique sur le continent. La rencontre qui s’est tenue en visioconférence, a permis à la camarade Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, la Secrétaire Générale de la Convention Démocratique des Peuples Africains (CDPA) de peindre, à travers une communication, le tableau non reluisant de la démocratie à la togolaise.

A la demande du Secrétaire Général de l’IS, M. Luis Ayala, la Secrétaire Générale de la CDPA, madame Brigitte Adjamagbo-Johnson, a présenté à ses camarades de l’Internationale Socialiste, la situation sociopolitique au Togo.

« Le Togo, mauvais élève de la démocratie » : c’est l’intitulé de sa communication qui dépeint le pays des Gnassingbé comme « l’une des dictatures les plus féroces de l’Afrique, et qui, de plus en plus, tend à se muer en monarchie ». En quelques minutes, son auditoire a pu apprécier les 54 ans de règne de Père en Fils, un régime qui se maintient « grâce au concours de l’armée et du tripatouillage de la constitution de 1992 qui a limité le nombre de mandats à deux ».

Pour décrire, en raccourci, la situation sociopolitique au Togo, la Secrétaire Générale de la CDPA a emprunté 3 principaux axes, à savoir « Le Togo, une dictature cinquantenaire et sanguinaire ; Le Togo, un champ d’expérimentation des pratiques anti-démocratiques ; Le peuple togolais, un peuple orphelin de la solidarité internationale ».

Ces trois thématiques l’ont conduit à dresser le portrait du Togo depuis le coup d’état militaire du 13 janvier 1963, ponctué par l’assassinat du premier Président démocratiquement élu du Togo, Sylvanus Epiphanio Kwami Olympio. Du drame, s’ouvre le règne sans partage du général Gnassingbé Eyadema. La terreur fait d’assassinats, un règne de tortures, d’emprisonnement et de confiscation de liberté sur fond de parti État, a duré 38 ans. Car, le soulèvement populaire de 1990, bien qu’il ait contribué à une démocratie de façade, n’a pu empêcher le général Eyadema de dérouler son agenda de massacres des populations, de viols de la constitution, de fraudes électorales et la confiscation des libertés. Un règne qui bascule dans la totale horreur en 2005, avec le Fils qui succède au Père par le biais d’un coup d’état militaire et constitutionnel sur fond de massacre des populations.

Entre 400 et 500 personnes sont mortes selon l’ONU, a précisé l’ancienne coordinatrice de la C14 – coalition de 14 partis de l’opposition –, avant de rappeler que tout cela a été couronné par un hold-up électoral la même année. « Depuis plus de 15 ans, le coup d’état électoral est devenu le sport favori du régime de Faure Gnassingbé », a-t-elle indiqué. Et, pour faire visiter le Togo dans toute sa dimension de curiosité africaine, la camarade de la CDPA a aidé le Comité Afrique de l’IS à saisir le contentieux électoral né de la présidentielle du 22 février 2020.

En mettant un point d’orgue sur la victoire volée à Agbéyomé Kodjo, le candidat porté par un regroupement de partis politiques d’opposition et d’organisations de la société civile dénommé Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK), madame Adjamagbo fait découvrir à ses camarades de l’IS, la répression contre les dirigeants et militants de la DMK. Une répression qui contraint certains à l’emprunt du difficile chemin de l’exil. « Le candidat de la DMK plébiscité par le peuple et Monseigneur Kpodzro, un vieil archevêque de 91 ans, sont en exil ; plusieurs autres dirigeants Djossou Gérard et moi-même, avons été détenus sous plusieurs chefs d’accusations, y compris celui d’atteinte à la sureté de l’Etat actuellement un cadre de la DMK Paul Missiagbeto est en prison pour divulgation de fausses nouvelles », fait-elle noter.

Au-delà de la DMK, la Secrétaire Générale de la CDPA a informé son auditoire, qu’un religieux dénommé Prophète Ésaïe et un chef de parti politique, Djimon Oré, sont emprisonnés pour délit d’opinion. « 111 prisonniers politiques, sans compter le demi-frère du chef de l’État et des officiers de l’armée, croupissent dans les geôles du régime ; les organisations de défense des droits de l’homme, notamment le comité de libération des détenus ont dénombré déjà 5 morts en prison ». Pour elle, ces détails sont importants afin de permettre à tous de se faire une idée du Togo de Faure Gnassingbé, un pays qu’elle a présenté comme un laboratoire des pratiques mortifères à la démocratie qui, comme tout modèle, s’exporte rapidement sur le continent. « La plupart des États en Afrique vivent la même situation que les Togolais et malheureusement, c’est notre pays, le Togo qui influence ce recul de la démocratie partout », a martelé celle qui a représenté la CDPA à la réunion virtuelle de l’IS.

Pour se justifier, elle a cité une série d’évènements malheureux sous la tyrannie des Gnassingbé. « …coup d’état militaire de 1963 au Togo, le premier en Afrique noire avec l’assassinat du président. Rapidement, comme une trainée de poudre, cela s’est répandu sur le continent. En 2002, le régime a entrepris un tripatouillage de la constitution issue de la conférence nationale souveraine en faisant sauter le verrou de la limitation des mandats au Togo. Beaucoup de pays s’y sont engouffrés et cela est devenu aujourd’hui un sport continental. En 2005, l’armée togolaise impose une succession dynastique au pouvoir au Togo. Cette situation devient légion sur le continent. Je ne passerai pas sous silence cette nouvelle manière de compter les mandats présidentiels quand le troisième ou le quatrième mandat devient le premier, une nouvelle manière de compter qui est partie de Lomé, la capitale du Togo », dit-elle.

L’exercice a permis à madame Kafui Adjamagbo-Johnson, de faire vivre à ses camarades de l’IS, la tyrannie à laquelle le peuple togolais et la classe politique de l’opposition sont confrontés au quotidien. Toutefois, elle n’a pas manqué de rassurer les uns et les autres que ces derniers font souvent preuve de courage et de combativité à travers des actions multiformes pour dompter le régime togolais qui inspire négativement les pays de la sous-région et du monde.

Sans laisser aucun détail qui singularise la « dictature cinquantenaire et sanguinaire » du Togo, la coordinatrice de la DMK est revenue sur l’assassinat du Colonel Toussaint Bitala Madjoulba commandant du bataillon d’intervention rapide, tué le soir même de la prestation de serment de Faure Gnassingbé. Aussi a-t-elle fait cas de la condamnation des journalistes, la suspension des journaux et le retrait de récépissé à un organe de presse. Elle n’a pas occulté le fait que les libertés individuelles et collectives sont constamment bafouées et même le droit de manifester, supprimé. « La pandémie de la Covid-19 a été instrumentalisée et exploitée au maximum par le régime pour arriver à ce résultat », a-t-elle révélé.

Face à ce tableau non reluisant du Togo, mauvais élève de la démocratie, la camarade de la CDPA dit être sidérée par le manque de solidarité internationale au peuple togolais qui, depuis plus de 54 ans, ploie sous le joug d’une des dictatures les plus féroces de l’Afrique. Cependant, elle a témoigné toute sa gratitude à l’International Socialiste à travers son Secrétaire Général, Luis Ayala, qui a courageusement pris position contre son arrestation, et s’est aussi prononcé sur la situation au Togo. « Ce soutien moral international a été probablement déterminant dans notre libération sous contrôle judiciaire », dixit madame Kafui Adjamagbo-Johnson.

A la fin de sa communication, et à l’attention de tous ses camarades de l’IS dont certains vivent quasiment la même situation dans leur pays, la Secrétaire Générale de la CDPA dit ce qui suit : « Les démocrates africains doivent se serrer les coudes notamment au sein de l’Internationale Socialiste africain pour mener efficacement le combat dont le caractère panafricain ne fait plus l’ombre d’aucun doute. Je sais compter sur vous chers camarades ! ».

En rappel, plus de 25 partis politiques établis dans différents pays sur le continent, composent le Comité Afrique de l’Internationale Socialiste. Il s’agit des pays aussi bien francophones, anglophones que lusophones. Ils sont, entre autres, l’Algérie, l’Afrique du Sud, le Ghana, le Maroc, le Sao Tomé-et-Principe, le Sénégal, et la Guinée équatoriale.

Source: La Manchette

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