Il semble, selon les données fournies par le ministère de l’économie et des finances, que notre pays le Togo a renoué avec la croissance; un regain de dynamisme serait observé, sinon noté dans notre économie qui serait passée d’une croissance de 1,8 en 2020 à 5,3 % en 2021.
Honnêtement, quel togolais ne peut pas être content d’une telle bonne nouvelle qui, logiquement, est supposée rendre compte de la courbe d’évolution ou mieux, d’épanouissement progressif de notre peuple ?
Mais basta! Entre chiffres et réalités du terrain, le trou est béant. Car l’annonce d’un tel chiffre tranche littéralement avec les réalités que vit journellement l’écrasante majorité des togolais. L’on n’en voudra d’ailleurs pour première preuve que le taux d’inflation, au moins reconnu par le ministre de l’économie et des finances qui a déjà franchi la barre de 4%; du jamais vu depuis au moins 10 ans au Togo.
Mais, bien sûr, ce n’est pas le plus grave. Le plus grave en effet, est la précarité, la pauvreté, le manque du cash et même de vivres et non vivres qui ponctuent de façon visible et évidente le quotidien des togolais moyens.
Mais comment expliquer un tel paradoxe. J’ai suivi hier sur la radio privée Kanal FM, un débat de journalistes qui n’a pu y apporter de réponses adéquates, tout comme bon nombre d’articles qui ont été écrits dans les colonnes de journaux ou de sites en ligne à ce sujet.
Voici comment je me l’explique.
D’abord reconnaissons d’emblée que l’essentiel de notre économie est détenue par des étrangers. Évidemment, la quasi totalité des ressources qu’ils génèrent sont aussitôt évacuées à l’extérieur, dans leur pays d’origine et donc ne profitent en rien ni à la nation ni au peuple togolais dont les réalités existentielles ne changent guère dans le sens positif.
Ceci est d’autant plus vrai qu’aussi bien les banques que des entreprises qui appartenaient à l’État du Togo ont été cédées, sans coup férir, à des opérateurs privés, non pas togolais, mais très étrangers. Naturellement, tout ce que ces dernières génèrent ne peut que prendre la direction d’où viennent leurs nouveaux acquéreurs !
Au même moment, les entreprises locales de pointe, sont pour l’essentiel soit étouffées soit traversent très souvent, des moments de turbulences qui les empêchent de créer conséquemment de richesse, puisqu’aucune ouverture conséquente ne leur est faite au plan national pour leur permettre d’émerger.
C’est clair que c’est un premier indicateur qui biaise sérieusement les données économiques fournies par le ministère de l’économie et des finances de notre pays, dès lors que les ressources générées par cette économie ne profitent en rien au peuple togolais.
Ensuite vient le fléau de la corruption, des détournements et principalement de la mauvaise répartition des ressources de l’État. Il semblerait que nos dirigeants n’ont vraiment pas un visage exemplaire en ce qui concerne l’équité et même l’équilibre dans la gestion et la répartition des ressources de l’Etat.
En témoigne justement, le grave trou qui existe entre la classe de ceux que la société appelle les “grands” et le bas peuple. Pendant que, par exemple, ces grands acquièrent des billets d’avion ainsi que des frais consistants pour des missions presque de villégiature à Dubaï avec l’argent de l’État, il est notamment interdit aux fonctionnaires togolais de bénéficier des étrennes de fins d’années sous le prétexte de manque de ressources adéquates pour de telles gratifications annuelles.
Comment donc veut-on que le citoyen lambda sente la fameuse croissance aussi pompeusement annoncée de haut dès lors que son quotidien se complique chaque jour un peu plus, alors que l’idéal pour toute gouvernance est de chercher prioritairement l’épanouissement effectif des citoyens?
En tout, l’affirmation selon laquelle, l’économie togolaise aurait renoué avec la croissance, a quelque chose de choquant dans l’esprit de beaucoup de citoyens de notre pays. Je ne mens pas.
Luc Abaki
Merci Luc pour la pertinence de l’analyse.