Togo-Les lois protègent les puissants !

Dans une réaction sur sa page Facebook, Nathaniel Olympio revient sur la loi fondamentale du Togo, notamment les dispositions qui protègent juridiquement le chef de l’Etat et les membres du gouvernement. « Il est urgent que le législateur se penche sur la question pour que le parallélisme des formes nous rende tous égaux devant la justice », a souligné l’opposant. Lecture.

Togo : Les lois protègent les puissants !

A l’heure actuelle, il est quasiment impossible de poursuivre en justice un membre du gouvernement. En revanche, un ministre en fonction peut dénoncer et même porter plainte contre tout citoyen ordinaire. L’article 127 de la Constitution dispose : « La haute Cour de Justice est la seule juridiction compétente pour connaitre des infractions commises par le Président de la République.

La responsabilité politique du président de la République n’est engagée qu’en cas de haute trahison. Elle est compétente pour juger les membres du Gouvernement et leurs complices en cas de complot contre la sûreté de l’Etat ». L’article 128 de la Constitution dispose : « La Haute Cour de justice connait des crimes et délits commis par les membres du gouvernement et les membres de la Cour Suprême ».

Ces deux articles signifient que les membres du gouvernement ne peuvent pas être poursuivis devant une juridiction ordinaire. Ils ne peuvent être traduits que devant la Haute Cour de justice, que ce soit pour des actes commis dans l’exercice de leur fonction, comme le complot contre la sûreté de l’Etat, que pour les délits et crimes perpétrés en dehors de l’exercice de leur fonction. Or, à l’heure actuelle trois obstacles majeurs rendent quasiment impossible la poursuite en justice d’un membre du gouvernement.

1) D’une part, la Haute Cour de justice instaurée par la Constitution pour juger les ministres n’existe pas encore dans les faits. En effet, la loi organique qui fixe les règles de son fonctionnement ainsi que la procédure à suivre devant elle (cf. Article 126 de la Constitution), n’est pas encore votée.

2) D’autre part, la décision de poursuivre ainsi que la mise en accusation d’un membre du gouvernement sont assujetties au vote à la majorité des 4/5 des membres de chacune des deux Assemblées composant le Parlement (cf. Article 129). Ce qui veut dire que 4/5 des députés doivent voter pour et 4/5 des sénateurs doivent également voter pour. C’est une contrainte qui place la poursuite d’un ministre au même niveau que les conditions de modification de la Constitution. Une sacrée protection pour nos ministres !

3) Enfin, la deuxième Assemblée composant le Parlement, c’est le Sénat. Une institution qui n’existe pas encore. Au final, en l’état actuel des choses et en l’absence de disposition transitoire, il est matériellement impossible d’engager la poursuite d’un membre du gouvernement, en cas de complot contre la sûreté de l’Etat ou même en cas de commission d’un crime ou d’un délit.

Parallèlement à cette situation de confort qui rend presque impossible les poursuites pénales contre les membres du gouvernement, ceux-ci, aux yeux de la loi, ont la liberté de traduire devant les juridictions ordinaires, tout citoyen de leur choix.Eu égard à ce qui précède, même si un ministre portant plainte contre un citoyen était débouté, l’accusé n’aurait pratiquement pas les moyens juridiques de se retourner contre le ministre pour dénonciation calomnieuse, tant que ce dernier est en fonction.

La protection politique devient un véritable bouclier pour les membres du gouvernement. L’actualité montre que deux membres du gouvernement ont porté plainte contre des journalistes, Ferdinand Ayité, Joël Egah jetés en prison pendant 21 jours puis placés sous contrôle judiciaire, et Isidore Kouwonou sous contrôle judiciaire.

Au-delà du confort de protection juridique dont ils jouissent, l’un des plaignants est en l’occurrence le ministre de la justice. En permettant à un ministre en fonction de poursuivre un citoyen, le législateur n’a-t-il pas créé une situation de conflit d’intérêt de fait, lorsque le ministre se trouve être celui de la justice, quand on sait comment en Afrique, la plupart des ministres de la justice se comporte à l’égard du pouvoir judiciaire ?

Visiblement le législateur n’a rien prévu qui puisse séparer la position de donneur d’ordre au parquet de celui de justiciable que peut être le ministre de la justice.

Il est urgent que le législateur se penche sur la question pour que le parallélisme des formes nous rende tous égaux devant la justice.

A vous d’agir, Mesdames et Messieurs les députés !

Gamesu

Nathaniel Olympio

Président du Parti des Togolais

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