54 policiers et gendarmes ont été sanctionnés l’année dernière. Une information qui voudrait confirmer que l’impunité n’existerait pas au sein des forces de sécurité. Pourtant, les cas d’allégations de torture constituent des tas de dossiers que personne au sein de l’appareil judiciaire ne semble avoir la volonté d’éplucher.
La tradition a été encore respectée. La semaine écoulée, le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Général Yark Damehame, a fait le point sur la situation sécuritaire dans le pays. L’accent a été principalement mis sur la sécurité routière. Selon les statistiques présentées, il y a eu 3.577 accidents ayant occasionné 334 morts au second semestre 2021. Ce qui porte à 680 le nombre total de personnes décédées sur les routes au cours de l’année écoulée. Parmi les causes de ces drames, « l’excès de vitesse, les dépassements défectueux et le défaut de maîtrise. Suivent le non-respect des feux, le refus de priorité, les stationnements sans signalisation, le chargement hors gabarit, l’absence de dispositifs de sécurité, ou encore l’usage de téléphone en circulation ».
L’exercice auquel s’est livré le ministre de la Sécurité a porté aussi sur le comportement des forces de l’ordre et de sécurité, notamment les policiers et les gendarmes. D’après le Général Yark, 54 agents (24 policiers et 30 gendarmes) ont écopé de sanctions en 2021, accusés de s’être rendus coupables des faits de vol, de groupement de malfaiteurs, d’escroquerie, d’insubordination ou encore de cupidité.
Dans les détails, rapport-on, il y a eu 18 radiations au niveau de la Gendarmerie nationale et 3 policiers et 1 gendarme ont été mis à la disposition de la justice. 8 policiers et 3 gendarmes ont écopé de 6 mois d’exclusion temporaire alors que 9 gendarmes ont écopé de trois mois de sanction. Dans le même registre des sanctions, on apprend que 6 policiers ont été punis de 60 jours d’arrêt de rigueur, 45 jours pour 8 autres policiers et 30 jours pour 11 autres fonctionnaires de police. Enfin, 13 policiers ont eu droit à des avertissements.
« L’impunité n’existe pas dans les rangs des forces de l’ordre et de sécurité », a déclaré le Général Yark Damehame à l’annonce des sanctions qui concernent les éléments impliqués dans des affaires de corruption ou de violences sur des civils.
Des policiers, gendarmes et militaires sanctionnés pour s’être mal comportés, cela n’a en effet rien d’extraordinaire. Ils ont simplement été soumis aux textes régissant leurs professions, à condition qu’il n’y ait pas dans ces sanctions des abus. Ce qui serait extraordinaire sur la Terre de nos Aïeux, c’est d’entendre le ministre de la Sécurité et de la Protection civile révéler que des éléments des forces de l’ordre et de sécurité ont été sanctionnés relativement aux allégations de torture et qu’ils ont été mis à la disposition de la justice pour les besoins de l’enquête. C’aurait été la bonne nouvelle de ce début d’année. Malheureusement, ce n’est pas le cas et tout porte à croire que ce sujet est tabou aux yeux du gouvernement.
La justice et le doyen des juges atones sur les cas de tortures
Pourtant, sur la centaine de détenus politiques ou « prisonniers personnels de Faure Gnassingbé » dont regorgent les centres de détention du Togo, la majorité a allégué avoir subi des actes de torture durant leurs arrestation et détention. Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme ont imputé les décès survenus dans les rangs des détenus politiques aux actes de tortures dont ils ont été victimes. Le 16 février 2021, le Comité pour la libération des prisonniers politiques a fait état des traitements cruels, inhumains et dégradants subis par les détenus. L’un deux, Abdoul-Aziz Goma, détenteur de la nationalité Irlandaise a fait des témoignages émouvants.
« J’étais menotté contre la roue de la voiture et allongé par terre. Les bastonnades, les coups de pieds, les coups de cordelettes, de matraques partout sur mon corps, m’entrainant des vomissements de sang et des déchirures sur mon corps. Je me suis posé la question de savoir s’il est encore nécessaire pour moi de vivre. J’ai prié mon créateur de m’ôter la vie, plutôt que de subir tous ces traitements inhumains et cruels dont je suis victime. Je n’avais pas cessé de pousser des cris et des hurlements de douleur sous toutes ces peines qui ont duré toute la nuit », a témoigné le détenu, aujourd’hui très souffrant. Et de poursuivre: « Je vomissais toujours du sang et je saignais partout sur mon corps. Malgré tout ceci, ils continuaient de nous bastonner, de nous frapper avec des matraques et même leurs fusils ; et menaçaient de tirer sur nous. Les agents du SCRIC nous assénaient des coups sur la plante des pieds pendant une très longue durée sans cesse, sur nos tibias, sur les pointes des pieds, sur les orteils, sur les pointes des doigts, des gifles sur les oreilles, c’était vraiment de la torture. Tout cela avait duré toute la matinée, sous le soleil ardent ».
Ces récits ont été également faits devant les autorités judiciaires afin que des enquêtes soient menées, en vain. Dans une déclaration, l’Association des victimes de torture au Togo (ASVITTO) et le Mouvement Conscience Mandela (MCM) ont rapporté qu’au cours de l’audience de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel tenue le 18 novembre 2020, ladite chambre a « dans le prononcé de son délibéré et au regard de leur persistance et concordance, ordonné au Doyen des juges d’instruction du premier Cabinet d’étendre son enquête sur les allégations de torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants dont sont victimes les inculpés ». Plus de deux ans après, ces allégations de tortures semblent demeurer sans suite.
G.A.
Source : Liberté / libertogo.info