Je sais que vous ne le connaissez pas, ce Raoul, mais soyez juste patients. Je m’occupe avec empressement de vous le présenter, de façon méticuleuse.
Raoul est un aîné à moi, je l’ai connu depuis mon enfance, comme un monsieur relaxe, modeste, courtois, gentil et bien sûr incapable du mal. Il a toujours, croyez-moi, le sourire aux lèvres, avec un attachement quasi consubstantiel au bien-être de l’être humain tout court. Raoul est le genre de personne capable de vous céder tout ce qu’il possède, même s’il doit par la suite mourir de faim. Il a reçu exactement le type d’éducation qui nous a tous été prodiguée, là au nord, dans le monde Kabyè.
Alors cet homme est professeur de lycée depuis une bonne vingtaine d’années ici à Lomé. Hier, je l’ai reçu chez moi vers 11 heures 30, il venait d’une maison mortuaire et il a eu la gentillesse de faire un tour chez moi pour une visite de courtoisie. Première question toute naturelle: “Mais tu n’as pas cours aujourd’hui ou bien toi aussi tu fais la grève des enseignants ?”. “Oui”, me répondit-il avec une rigueur implacable. Du coup il m’a mis dans un état second. Et je lui dis, sans état d’âme, “si toi aussi Raoul, tu grèves, c’est que la situation est extrêmement sérieuse”. Il me répondit sans chercher de mots: ” il y’a trop d’embêtements, on nous traite comme si nous étions des animaux ou tout au moins des moins que rien.”
Il était si rageur et révolté que j’ai compris qu’en réalité, le problème des enseignants dans notre pays n’est pas tant la question de l’argent, des meilleures conditions de vie et de travail, mais simplement d’égard, d’empathie et de respect. Ils sont en effet des pères de familles avec un sens aiguë de responsabilité, ils sont prêts au sacrifice pour un service aussi noble et salutaire que l’enseignement. Il faut juste apprendre à leur parler, avec un minimum de considération.
Alors j’interpelle ici et maintenant, les leaders du monde éducatif. Laissez de côté les considérations théoriques liées au titre, au rang social, à la fierté d’être des modèles etc. Donnez juste la preuve d’être humains, sensibles aux préoccupations d’autrui, c’est tout.
Tout le reste peut se résoudre par un simple clic de doigt, sans argent. Oui c’est vrai! C’est précisément en situation de crise que les vrais leaders se révèlent, par leur capacité à donner de l’espoir aux autres. Cela ne se fait pas forcément avec de l’argent et des biens matériels, mais du discours bien mûri et nourri de valeurs propres à l’espèce humaine.
Si l’Etat du Togo manque, de façon circonstancielle, de ressources pour satisfaire les demandes des enseignants, ce n’est pas une fin en soi, ni une fatalité. Il faut juste parler, discuter et dialoguer dès lors que des dirigeants ont eu la preuve de la légitimité des meneurs du mouvement.
Se réfugier derrière les questions de légalité, passer par des méthodes fortes avec des embastillements n’est pas sain et encore moins responsable. On ne mène pas des hommes avec seulement des muscles, mais aussi avec des facultés dont l’usage judicieux émerveille autrui et l’amène à changer de point de vue, si nécessaire.
Luc Abaki
huùùùùùm que la sagesse prévale au niveau de nos dirigeants