Togo-Taxe d’habitation : Un non-sens dans une société non organisée et déstructurée

Au départ, sa collecte dans notre pays était essentiellement limitée aux chefs d’entreprises qui, au moment de la création de leur structure, se doivent de la verser sur une base presqu’arbitraire. L’on parlait à l’époque de la Taxe de Résidence (TR). Puis, à compter de l’année en cours et à la faveur du vote d’une loi sur le code général des impôts, elle fut élargie aux différentes couches socioprofessionnelles disposant au moins d’un compteur électrique.

Ainsi, à la fin de chaque mois, la facture d’électricité inclut toujours une rubrique consacrée à cette taxe. L’argent ainsi collecté par la compagnie d’énergie électrique du Togo (CEET), sera renversé à l’Office Togolais des recettes. L’objectif d’un tel détour en passant par cette compagnie, est précisément de parvenir à imposer le maximum possible de citoyens qui, depuis toujours, ont échappé à la nasse de l’État. 
Mais à voir de près, même avec la CEET à la rescousse, la collecte de cette taxe ne pourra être ni juste, ni conséquente.

Elle ne peut être juste tout simplement parce qu’il n’existe, jusqu’à preuve du contraire, des critères objectifs et maîtrisés d’évaluation et de répartition des différentes catégories de contribuables à cette taxe, même si théoriquement, cette loi prévoit le montant à payer par type d’habitation.

 Les maisons dans notre pays étant construites de façon désordonnée, souvent sans permis de construire, il est difficile pour l’État ou les collectivités locales, principales destinataires de cette taxe, d’identifier avec justesse, les différentes l’habitations meublant chaque quartier. Cette faiblesse empêche donc l’État de fixer à chaque concession, les montants justes à verser au titre de cette taxe rattachée à l’habitat.

Elle ne peut non plus être conséquente parce que la couverture du courant électrique alimenté par la cette compagnie n’est aucunement efficiente. Il existe, même dans la capitale Lomé, plusieurs quartiers non encore couverts par les services concédés notamment, l’eau, l’électricité, le téléphone, la fibre optique etc. Les populations de certaines localités sont bien obligées de recourir soit à des panneaux solaires pour ceux qui en ont les moyens, soit à ce phénomène communément appelé  “toiles d’araignées” qui consiste à tirer de façon artisanale, le courant électrique d’une maison à une autre ou même d’une localité à une autre, sans pour autant disposer de compteurs électriques.

Les autres, qui sont totalement dans l’impossibilité d’une telle gymnastique hautement risquée pour leur propre sécurité, vivent et dorment carrément dans l’obscurité, exposés aux reptiles et toutes les bestioles nuisibles à la vie et la santé humaine. Il est donc clair que tout se monde échappe à l’imposition d’une telle taxe, du fait que ces citoyens n’existent pas dans le fichier de la CEET, chargée présentement de sa collecte.

Si une telle évidence est dégagée dans notre propre capitale qui constitue la vraie vitrine du pays, l’on imagine alors volontiers les réalités que vivent les populations des autres villes de l’intérieur où l’Etat se montre particulièrement impuissant à servir la cause du peuple à travers ces produits de nécessité première. 

Au-delà de ces éléments ainsi évoqués, quel sens prend la collecte d’une taxe dédiée au logement, alors que l’État lui-même ne dispose pas encore d’une politique saine pour abriter ses citoyens? Comment concevoir que pendant que des centaines de milliers de personnes vivent dans l’insalubrité totale, en pleine capitale, sans les commodités de base, et dans des taudis, ceux-ci soient bien contraints par leurs gouvernants, de verser une taxe d’habitation ?

Il apparaît donc que l’État a semblé mettre la charrue avant les bœufs autrement dit, il aurait été plus conséquent de la part de l’État, de chercher à créer des cadres de vie décents pour les populations avec toutes les commodités requises, avant de songer à percevoir des taxes liées à l’habitat. En l’absence d’une telle démarche plus responsable et plus juste, l’on a naturellement du mal à comprendre l’empressement de l’État à percevoir, malheureusement de façon forcément arbitraire, cette taxe chez les citoyens.

Alors, que faut-il faire concrètement pour résorber définitivement le problème, éviter l’incivisme fiscal et donner aux citoyens, le sentiment qu’ils ne sont pas trichés par leurs dirigeants?

Il importe d’abord et avant tout, de disposer d’un fichier national comportant avec précision et exactitude, tous les citoyens vivant sur le territoire national. Cela permet aux gouvernants d’avoir une idée claire de la masse populaire occupant le territoire et ainsi d’évaluer avec plus d’efficacité, les besoins de ces derniers. Un tel fichier constitue déjà un baromètre de catégorisation des individus occupant le territoire, de sorte à n’imposer efficacement les taxes qu’à ceux qui les méritent réellement, en vue d’épargner les plus vulnérables qui vivent continuellement dans la précarité ambiante. Ce fichier est certes déjà annoncé par les services cadastraux, mais son effectivité reste encore à l’étape d’un simple rêve.

En sus de ce fichier, il va également revenir à l’État de réfléchir à la manière d’organiser cette société à travers une politique bien avertie de répartition des citoyens par quartier, selon des normes clairement définies et assumées. Car la corrélation entre les individus et l’écosystème dans lequel ces derniers vivent est si forte et incontournable, qu’il serait très difficile à un État d’envisager la perspective de développement et d’épanouissement de son peuple, sans veiller rigoureusement à l’assainissement effectif de son cadre de vie et de travail. 

A ce propos, les recherches scientifiques de ces dernières années, rendent opportunément compte que le rendement de tout être humain est toujours fonction de l’environnement ou du milieu dans lequel il vit et agit. Dès l’instant où il est clairement établi qu’il n’y’a de richesse que d’hommes en tant que moteurs de toute dynamique évolutive, le besoin de les ménager sans faille avant d’exiger d’eux quelque production, devient plus imposant !


Luc Abaki

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