Les philosophes nous ont appris que pour aborder un sujet avec lucidité et conduire un raisonnement rectiligne persuasif, il faut toujours procéder par un questionnement sans parti-pris. Fort de ce principe, j’aimerais revenir sur le différend qui oppose présentement le Mali à la Côte d’Ivoire, à propos des 49 soldats en état d’arrestation.
D’abord le contexte: A la suite du coup d’État au Mali, forcément non souhaitable pour un pays démocratique, le Président Alassane Dramane Ouattara a été l’un des farouches pourfendeurs des militaires au pouvoir dans ce pays voisin.
Dans cette posture, il a largement œuvré pour l’embargo évidemment illégal dont ce pays a fait l’objet pendant six mois. Puis, juste une semaine jour pour jour, après la levée pratiquement à l’arrachée de ces sanctions, le même Alassane Ouattara décide, dans une saisissante précipitation, d’envoyer au Mali, une cargaison d’armes, de munitions et d’équipements militaires ainsi qu’un contingent de 49 éléments dont les forces spéciales, sans aucune précaution administrative. Vigilantes, les autorités maliennes procèdent à l’interpellation du contingent en question et passent au contrôle.
Il s’avère que beaucoup de détails élémentaires liés à un vol régulier manquent et les miliaires, ainsi interpellés, tâtonnent sur les motifs de leur présence sur ce sol malien, en tout cas si l’on doit s’en tenir aux affirmations des autorités maliennes. Entre autres, les maliens disent dans un communiqué officiel, avoir contacté l’état-major ivoirien qui a dit ne pas avoir été au courant d’une telle migration de militaires ivoiriens sur le sol malien.
Alors conclusion, ils seraient des mercenaires, voilà ce à quoi sont parvenues les autorités maliennes. Puis, 24 heures après ce communiqué tirant la conclusion d’un mercenariat, soit plus de 48 h après le débarquement illégal de ces soldats ivoiriens, la Côte d’Ivoire sort subitement de sa torpeur et revendique ses soldats affirmant que ceux-ci sont arrivés au Mali dans le cadre du mouvement de rotation de la NSE en lien avec les forces des Nations-Unies en fonction au Mali.
Mais les ivoiriens ne répondent curieusement pas à l’affirmation selon laquelle, leur état-major avait déjà nié l’identité de ces soldats. Puis, quelques heures plus tard, c’est le coordinateur de la munisma au Mali, Olivier Salgado qui, sur un coup de tête, affirme gaîment dans un tweet que la version de la Côte d’Ivoire était la bonne. Dans la foulée, il est formellement démenti par sa hiérarchie qui dit clairement que ces militaires n’étaient pas enregistrés dans la base de données de cette force onusienne, mais essayent de nuancer en avançant une question de collaboration bilatérale entre les deux pays. Alors question : sur la base de quoi, Olivier Salgado, avait-il soutenu la thèse de la Côte d’Ivoire dès lors qu’il dûment établi que ces soldats ne sont pas ou ne sont pas encore enregistrés sur la liste des militaires exerçant au Mali dans le cadre de la Munisma ?
On peut au moins conclure à ce ‘niveau à une affirmation gratuite de la part de ce dernier! Mais pourquoi un fonctionnaire d’un tel rang si élevé, qui n’est donc pas un amateur, peut-il prendre une telle position parfaitement hasardeuse et notablement non professionnelle ? Conclure à ce niveau qu’il est probablement corrompu ne serait logiquement pas exagéré n’est-ce pas?
Mais remontons plus haut. Les dirigeants ivoiriens ignorent-ils vraiment la procédure dans la rotation des forces de la Munisma ? En vérité non. Pourquoi alors ne les ont-elles pas respectées ? Aucune réponse pour l’instant, ce qui laisse un champ libre à ce soupçon qu’il s’agit d’une flagrante tentation de tromper la vigilance des maliens, avec le couvert de la munisma, en vue d’introduire sur sol malien, des éléments hautement dangereux, susceptibles d’actes de déstabilisation du pouvoir malien.
Sinon, pourquoi les autorités ivoiriennes ne répondent-elles pas à l’affirmation du Mali qui dit les avoir contactées au départ et qu’elles ont décliné toute responsabilité dans l’envoi de ces soldats? Rien non plus n’est servi pour nourrir la réflexion.
Au regard de tous ces non-dits, de ces incohérences, de ces trous de communication, devons-nous conclure à l’amateurisme du pouvoir de Ouattara ? Assurément non, d’autant plus qu’il dirige la Côte d’Ivoire depuis 2011 après avoir eu un parcours parfaitement limpide et glorieux dans des instances financières internationales.
Qu’est-ce qui explique donc ces monstrueux balbutiements du pouvoir d’Alassane Ouattara si ce n’est que ce dernier est troublé par le cours inattendu d’un projet funeste habilement monté dans des officines obscures contre ses voisins maliens? Mais tout compte fait, et très honnêtement parlant, si quelqu’un devrait envoyer un contingent militaire en ces jours au Mali dans le cadre de la munisma, est-ce que vraiment ce doit être le président Alassane Ouattara ? Mais bien pire, il est dit par les Nations-Unies elles-mêmes que malgré le mandat sollicité et obtenu par la Côte d’Ivoire en 2019, aucun soldat ivoirien n’avait été envoyé au Mali depuis cette date dans le cadre de la NSE, contrairement à ce qu’a affirmé l’État ivoirien dans son communiqué laconique de la veille.
Que comprendre précisément de l’empressement du président Ouattara à envoyer une telle force juste au lendemain de la levée des sanctions contre le Mali quand on sait que la ligue contre ce pays est passée, à plusieurs reprises et à multiples égards, par lui?Bon, on va arrêter là l’analyse et laisser libre court à la réflexion de chaque lecteur. Mais je pense pour ma part que raisonner lucidement sur un sujet n’est pas sorcier, il suffit juste de donner la liberté à son esprit de méandrer dans le champ de la réflexion objective et le tour se joue de lui-même.
Luc Abaki
Les révolutions folkloriques en Afrique se nourrissent toujours de faux complots pour se donner de la contenance. Cette affaire de soldats arrêtés est la preuve que la levée de l’embargo de la CEDEAO n’arrange pas les affaires de la junte malienne.
Il leur fallait trouver rapidement avant que le “peuple” ne se rende compte de la vacuité de la junte. L’arrivée de soldats ivoiriens, qui était sue d’avance, est donc une aubaine, puisque la junte s’acharne à présenter la CI comme ennemie du Mali