La 72ème session du Comité régional de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour l’Afrique s’est tenue du 22 au 26 août dernier à Lomé. Cet événement qui a vu la participation de quelque quarante-sept ministres de la Santé, experts et autres partenaires, s’est voulu le carrefour même d’une nouvelle politique sanitaire pour le continent.
De cette rencontre, les autorités togolaises sont revenues avec un certificat dit de reconnaissance pour, dit-on, avoir fait disparaître quatre maladies.
Une bonne nouvelle qui ne doit pas faire oublier à quel point les défis qui restent dans le secteur à l’abandon sont légion.
Des maladies non transmissibles au changement climatique, des épidémies au financement de la santé, les sujets pour mieux repenser la santé en Afrique n’ont pas manqué. Si Tedros Adhanom Ghebrejesus, le patron de l’OMS, a estimé qu’il reste beaucoup à faire malgré « des progrès considérables », Faure Gnassingbé, lui, ne peut qu’admettre qu’il y a « beaucoup à faire », conscient qu’il est que « la santé est une priorité pour la cohésion sociale ».
Quoi qu’il en soit, avant même les travaux, le Togo a reçu un certificat de reconnaissance pour avoir éliminé quatre maladies que sont la dracunculose (maladie du ver de Guinée), l’éléphantiasis (filariose lymphatique), la trypanosomiase africaine (maladie du sommeil) et le trachome. Une récompense toujours bonne à prendre, et qui, sans surprise, en a entraîné bien d’autres qui ont comme un parfum de satisfécit.
En effet, lors du bilan de la contractualisation des hôpitaux publics du Togo démarrée en 2017, difficile de ne pas se pâmer d’admiration devant les chiffres égrenés par Moustafa Mijiyawa, le ministre togolais de la santé selon qui au bout de 5 ans de mise en œuvre de cette approche, le taux de fréquentation des hôpitaux sous contractualisation a augmenté de 28%, et celui des hospitalisations, de 55%. Pour lui, la contractualisation a permis la hausse de 49% des actes chirurgicaux au moment où le taux des accouchements assistés a progressé de 27%. S’agissant du taux des examens médicaux, il a évolué de 90% et celui de la pharmacie, de 75%. Et de parachever son homélie sanitaire : « Les résultats connaissent une courbe ascendante, malgré la pandémie de la maladie à coronavirus (Covid-19) ». Fermez le ban.
L’autre clou de la cérémonie aura été le tête-à-tête de Faure Gnassingbé et Tedros Adhanom Ghebrejesus. Comme on pouvait s’y attendre, le second a félicité le premier du projet de couverture sanitaire universelle que le Togo veut mettre en place pour ses populations, non sans avoir réaffirmé sa volonté à accompagner le Togo dans la concrétisation de cette vision.
Que dire de Cessouma Samate, la Commissaire à la Santé, aux Affaires humanitaires et au Développement social de l’Union africaine, qui a également eu son quart d’heure de gloire avec Faure Gnassingbé ? On y passera notre journée, à force de vouloir refaire le match sanitaire. On retiendra seulement que d’une façon ou d’une autre, la copie diplomatique rendue par les autorités togolaises a été meilleure, à voir les kitchs, strass et paillettes jetés au gouvernement togolais. Un décor qui tranche lamentablement avec les réalités que vivent les Togolais soir et matin.
Ce vernis de progrès étalé aux yeux du monde au nom de la propagande ne pourra jamais effacer le fait que le commun des Togolais de souffrir le martyre. Il n’y a vraiment plus rien à démontrer, tant le CHU Sylvanus Olympio décrit à lui seul le calvaire sanitaire auquel ils sont logés. Ce n’est pas ce certificat de reconnaissance qui viendra camoufler le manque d’infrastructures, de matériels et de personnel qualifié dans des hôpitaux.
Que vaut un certificat de reconnaissance dans un Togo où les dirigeants ne sont pas fichus pour un sou de doter le moindre hôpital sanitaire ne serait-ce que d’un scanner ? A quoi bon revenir sur le cas Ornella Laine, ce visage de l’amateurisme du personnel soignant au Togo ? Comme elle bien des vies ont été fauchées à cause de la banalisation de la vie humaine devenue monnaie courante dans le rang des agents de santé indélicats. Pourquoi reparler du manque de place au soi-disant hôpital de référence CHU Sylvanus Olympio qui brille tellement en matière d’exemplarité, qu’il accueille certains de ses patients à même le sol ?
Le plus drôle de l’histoire est que durant leur séjour au Togo, ces ministres de la Santé, experts et autres partenaires n’avaient pas goûté le calice que boivent habituellement les Togolais. L’un d’eux aurait souffert d’on ne sait quel mal, ils auraient compris que le pays auquel ils sont venus tresser des lauriers n’est en réalité qu’un mouroir où les plus chanceux se font soigner ailleurs, et encore aux frais du contribuable. Ils auraient été se faire soigner ailleurs qu’au Togo si le malaise s’était compliqué, attendu que les équipements sanitaires ultramodernes au Togo sont des denrées rares. Ce genre de sommets ne font plus rire les Togolais qui seuls savent ce qu’ils vivent en interne.
Tenir ce genre de sessions dans un Togo littéralement à côté de ses pompes ne fait que passer l’OMS pour une organisation de pacotille.
On espère que les autorités togolaises apprendront de leur séjour au Botswana, où se tiendra la 73ème session de cet événement du 28 août au 1er septembre 2023. Le Botswana dispose au moins d’un système sanitaire n’est pas aussi éclaté que le nôtre.
Source: Le Correcteur
Qu’entendez-vous par “maladies non transmissibles au changement climatique”?