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Cité au quotidien : Pour l’application de vrais remèdes aux crises en Afrique

Le 15 août 2022, les derniers éléments des troupes françaises ont quitté le Mali. Cela faisait presque dix années de présence militaire française au Mali. En effet, après la prise de contrôle des groupes armés terroristes dans l’Azawad (Nord du Mali), le Gouvernement malien avait demandé l’aide de la France.

Le président français François HOLLANDE (2012-2017) et son ministre de la défense de l’époque Jean-Yves LE DRIAN lancent alors l’opération Serval, le 11 janvier 2013. Ce qui vaudra à François HOLLANDE d’être accueilli à Bamako en libérateur le 2 février 2013. Cependant dès 2014, des groupes terroristes reprennent le contrôle de la ville de Kidal. Et le 1er août,  la force Serval est remplacée par Barkhane, une opération à vocation régionale forte de 3 000 soldats français au Sahel. Et voici donc que plus de sept années après, alors que la force Barkhane avait compté jusqu’à 5100 hommes en 2020, sous la présidence d’Emmanuel MACRON, les troupes françaises quittent le Mali.

Quel bilan peut-on faire aujourd’hui de cette “aide” apportée par la France au Mali ?

A propos du terrorisme qu’on voulait éradiquer ou tout au moins freiner, force est de reconnaître que le succès escompté n’est pas au rendez-vous. En effet, les attaques terroristes n’ont pas cessé au Mali, elles continuent aussi dans le Sahel, au Burkina Faso, au Niger, au Nigéria, notamment, et, pire encore, elles débordent les frontières de ces pays pour atteindre les pays côtiers, tels que le Bénin et le Togo.

En plus de cela, les Français, accueillis avec joie en 2013, ont quitté le Mali dans une atmosphère négative marquée non seulement par la dégradation des relations entre les Gouvernements français et malien mais aussi par un rejet de la présence militaire française par la population malienne. Et personne ne peut nier l’implication de la question du terrorisme dans les troubles sociaux de 2020, le coup d’état militaire, la chute d’IBK, etc.  Bref, on ne peut pas dire que la situation du Mali ait été notablement améliorée par la solution adoptée en 2013.

De plus il ne faut pas oublier que le 1er juillet 2013, la Mission Intégrée des Nations unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA) a pris le relais de la Mission Internationale de Soutien au Mali (MISMA) sous conduite africaine. Celle-ci était une mission de l’UA, initialement menée par la CEDEAO, visant à mettre fin à la crise politique et sécuritaire découlant du coup d’état du 22 mars 2012. Cette mission avait pour mandat, dans un premier temps, de reconstituer la capacité de l’armée malienne en étroite coordination avec les autres partenaires internationaux, en prévision de la reconquête du Nord-Mali. La MISMA s’est terminée le 1er juillet 2013 avec la mise en place de la MINUSMA.

Pour ce qui est des troupes onusiennes, là non plus le bilan n’est pas clair, et cela est valable pour toute l’Afrique puisque de leur présence en Centrafrique, en RDC par exemple on n’a guère d’échos positifs ces derniers temps.

Pour en revenir au Mali, les incertitudes actuelles de la MINUSMA, l’affaire des 49 soldats ivoiriens, la question de la présence ou non de Wagner, tout cela montre que la solution armée n’est pas venue à bout du terrorisme, qui s’étend, alors que les Français se réinstallent au Niger. Mais avec quels résultats prévisibles et pour quelle réelle finalité ?

La sécurité, en effet, fait partie des premières missions de l’État et selon le récit de la pensée politique moderne qui fonde et justifie l’État (cf. la théorie contractualiste), elle constitue une de ses raisons d’être. Mais la sécurité doit-elle est saisie uniquement sous l’aspect militaire ? La pauvreté, la misère, la mauvaise répartition des biens et des richesses, les injustices sociales, les frustrations politiques, la non-intégration de certains dans la communauté étatique, la non-reconnaissance de telle ou telle ethnie, ne sont-elles pas aussi des causes d’insécurité qui fragilisent le lien social ? L’État peut-il les ignorer alors qu’il est chargé d’assurer à tout individu la sécurité existentielle ?

La lutte armée, dans ce contexte, n’apparaît pas comme la solution. Alors, pourquoi ne pas tenter la formule de négociation, de recherche de consensus qui permet de prendre en compte toutes les dimensions du problème sécuritaire : la reconnaissance des individus et la reconnaissance du pouvoir politique comme autorité légitime ?

Pour le cas du Mali par exemple, on le sait, l’accord de paix dit d’Alger, signé entre le Gouvernement malien et l’ex-rébellion touareg en 2015, n’a jamais été appliqué : cet accord ne pourrait-il pas constituer la base pour une sortie de crise ?

Ce qui doit retenir notre attention dans tout cela c’est que l’unique recours aux armes dans la lutte contre le terrorisme ressemble finalement à toutes ces solutions sans effet que l’on applique aux maux de notre continent. Et on peut le noter, ces solutions créent en définitive plus de problèmes. A ce propos, faut-il parler encore une fois des Programmes d’Ajustement Structurels de la Banque Mondiale, destinés à aider les pays africains, et dont le résultat a pourtant été la mise à mal des systèmes sociaux de l’éducation et de la santé ? L’autorité politique peut-elle continuer à ne pas prendre en compte de façon prioritaire l’amélioration des conditions de vie et de travail des citoyens dans les différents pays africains? La politique de pillage des ressources et de l’accaparement des richesses par une minorité peuvent-elles prospérer avec les discours de recherche de paix sociale dans le contexte actuel ? La paix sociale recherchée ne passe-t-elle pas par la nécessité de gouverner autrement dans l’intérêt  de tous les citoyens ?

Faut-il alors se demander s’il faut rire ou pleurer des traces des faux remèdes aux crises du continent ?

Aujourd’hui les Togolais, comme d’autres citoyens des pays africains, sont confrontés à une inflation rarement connue jusque-là. Le coût de la vie a atteint des niveaux insoutenables pour la plupart des citoyens. Les explications concernant la crise sanitaire du COVID-19 ou la guerre en Ukraine constituent-elles un début d’analyse pour trouver des pistes pour aider le citoyen, alors que l’État augmente les tarifs de l’essence et du gaz, pour ne citer que ces augmentations ?

Le silence des différents acteurs de la scène politique, le Gouvernement mais aussi les partis politiques et les organisations de la société civile, le silence des citoyens eux-mêmes, au sujet de la misère où sombrent beaucoup de familles, ne constitue-t-il pas encore un de ces faux remèdes ?

Si, en 1967 pour le Pape Paul VI, le développement est le nouveau nom de la paix, en 2022, au XXIè siècle, le bien vivre n’est-il pas, non seulement le nom actuel de la paix, mais aussi et surtout le pilier fondamental de la paix sociale, de la cohésion nationale et de la fraternité ouverte ?

Quelle serait, alors, la meilleure attitude pour avancer vers un remède qui comporterait quelque chance d’efficacité ?

« En fait, à l’heure actuelle, ce qui est nécessaire, ce n’est pas de chercher le ou les coupables car cela ne servirait qu’à accentuer les déchirures sociales, chacun cherchant à faire porter le chapeau à l’autre. (…) Que faire alors pour repartir d’un bon pied ? (…) D’abord, il faut se rendre compte qu’on ne peut guère se dispenser de l’analyse des échecs. Il faut donc se plier à cette discipline mais dans une perspective particulière. En effet, il s’agit, de partir des responsabilités de chaque citoyen, de chaque groupe social, mais de manière positive, c’est-à-dire en posant le principe qu’aux responsabilités correspondent des capacités. Ce sont ces capacités qu’il faudra mettre en exergue en vue d’une reconstruction sociale, car mises ensemble elles sont à la base de la résilience de tout groupe humain. »  (La résilience des Peuples, Notre tribune du 29 mars 2019).

Notre conviction est celle-ci : « On peut construire un projet commun qui va au-delà des échecs, au-delà des déchirures d’un moment, au-delà des hommes d’un moment, pour se mettre dans la perspective de l’histoire. Cela signifie qu’on n’accepte pas de subir celle-ci mais qu’on croit en être les bâtisseurs. »

Le vrai remède n’est-il pas de nous croire bâtisseurs de notre propre histoire, de notre Histoire nationale et continentale ?

Maryse Quashie et Roger Folikoue

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