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Tribune : La CEDEAO insoucieuse du différend né de l’affaire des « otages ou mercenaires » ivoiriens

Ceci est une tribune sur la situation sous-régionale en lien avec la situation des soldats ivoiriens au Mali.

Quarante-neuf militaires ivoiriens sont arrêtés le 10 juillet dernier à leur arrivée à l’aéroport de Bamako. Ces derniers sont accusés par les autorités maliennes d’être des mercenaires. Pour les autorités ivoiriennes, les 49 hommes sont des militaires de l’armée régulière ivoirienne et sont arrivés au Mali « dans le cadre des opérations des Éléments nationaux de soutien » en vertu d’une convention signée en juillet 2019, il y a trois ans, entre la Côte d’Ivoire et l’organisation des Nations unies.

Si cette affaire à multiples versions contradictoires au sein des Nations unies, notamment l’approbation et le déni de la version des officiels ivoiriens, suscitent assez d’intérêt au sein de l’opinion ouest africaine, l’institution gérante de l’espace maintient jusqu’à ce jour un mutisme inquiétant, à la limité irresponsable.

Néanmoins, ce mutisme n’a pas empêché le Togo, un des pays de la CEDEAO, d’aider le Mali à régler son différend avec la Côte d’ivoire. « Je confirme que le Président F. Gnassingbé a accepté la proposition faite par les autorités maliennes de conduire la facilitation entre le Mali et la Côte d’Ivoire en vue de la libération des 49 militaires ivoiriens détenus à Bamako », a tweeté le 18 juillet dernier Robert Dussey, Ministre des Affaires étrangères du Togo.

En clair, le Togo n’a pas été désigné par la CEDEAO pour mener cette médiation entre ses deux Etats membres.

Un nouvel échec…

Sous la pression des évènements politiques, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) créée en 1975 au départ comme une organisation régionale essentiellement vouée à la promotion de l’intégration des économies des quinze Etats membres s’est progressivement transformée, en une organisation également chargée de trouver des solutions aux conflits armés et autres crises politiques qui mettaient en péril la paix et la sécurité dans l’espace communautaire.

Les pleins pouvoirs du maintien de la paix accordés à l’organisation sont, en effet, consacrés par son Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement de conflits, de maintien de la paix et de la sécurité adopté en décembre 1999 et complété par le Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance adopté en décembre 2001.

De ce point de vue, notre CEDEAO doit à tout prix chercher à maintenir la paix dans notre espace partagé. Maintenir la paix mérite, pour moi et dans le cas actuel, une explication informatique : assurer la maintenance, c’est-à-dire action de maintenir quelque chose en bon état. Bref, la mission de l’institution communautaire est de maintenir en bon état la paix inter-Etat que nous observons dans notre espace ouest africain.

Loin, à la faveur d’une diplomatie préventive bien élaborée, le maintien de la paix demande aux institutions dédiées de mettre en place un mécanisme efficace d’alerte précoce en vue de déceler, à temps réel, les situations ou signaux intra- ou inter-Etat susceptibles de menacer la paix et la sécurité. Ainsi, lorsqu’une situation pareille comme le cas actuel entre le Mali et la Côte d’ivoire est détectée, les solutions diplomatiques doivent être rapidement envisagées pour éviter le pire. Mais malheureusement malgré la sensibilité de cette affaire entre les deux Etats membres, notre CEDEAO, plus politique que sécuritaire, demeure spectatrice pour jouer, peut-être après, au médecin après la mort.

Or, Bamako a déjà pris le parti de la défiance, voire de l’hostilité vis-à-vis d’Abidjan. Car la Côte d’Ivoire est l’un des pays qui, au sein de la CEDEAO, a toujours défendu une ligne dure face aux militaires putschistes de Bamako, notamment sur la question des sanctions, qui ont finalement été levées le 3 juillet. Donc, les relations entre les deux pays sont considérablement dégradées. Raison de plus pour la CEDEAO de la paix et de la sécurité de se voir interpeller et de mettre en branle sa machine pour une solution à la situation qui prévaut.

Mais, est-ce vraiment des mercenaires ? En tout cas, le Mali a trouvé la juste occasion d’attribuer ce terme à un des amis de ceux qui l’ont toujours employé dans cette histoire de Wagner, les mercenaires russes. C’est, à n’en point douter, un message politique et une situation qui renforcerait la méfiance et la brouille entre les deux pays frères d’hier et « ennemis » masqués d’aujourd’hui.

Eviter le climat délétère des années 60

Dans l’agenda politique de l’Afrique, 1960 est l’année des indépendances en chaîne qui seront suivies par des événements malheureux notamment des coups d’Etat des figures de proues de ces indépendances.

Derrière ces pronunciamientos, les puissances coloniales étaient soupçonnées comme étant des commendataires avec des complices africains soit à l’intérieur des pays ou dans les pays voisins. Ces situations avaient fait régner un climat de méfiance et de désunion sur le continent.

Corrélativement, le nouveau cycle de coups d’Etat militaires en Afrique de l’ouest mêlés encore de soupçons de manigance d’autres puissances étrangères, ambitieuses d’écrire une nouvelle histoire des relations internationales, porte le gros risque de bouleversements au sein des pays de la CEDEAO. La division est déjà très visible entre les pro et anti putschistes. A l’évidence, les décisions de l’institution communautaire sont, depuis un moment, impactées voire influencés concurremment par la ligne dure et la souple.

Alors ajouter à cette situation des velléités anciennes de mercenariat anéantirait tous les efforts consentis et vendangerait toute l’ambition commune des pères fondateurs de la CEDEAO notamment Gnassingbé Eyadema, Yakubu Gowon, Félix Houphouët-Boigny… Laquelle ambition consistant à arriver à une union ouest-africaine « préfigurant une véritable union politique » à l’échelle du continent africain, a été rappelée en 2015 à l’occasion du 40ème anniversaire de l’organisation par le président Faure Gnassingbé, en présence de l’ancien président de la République fédérale du Nigéria, le général Yakubu Gowon. Le président togolais faisait cette déclaration quand il recevait justement un prix en hommage à l’œuvre de Gnassingbé Eyadema en faveur de l’intégration.

Au demeurant, il est impérieux que ceux qui ont en charge la gestion de l’institution la plus viable de l’Afrique actuelle doivent être conscients de ce devoir pour un espace de paix et de sécurité. Il est vrai que les ambitions personnelles des uns et des autres menacent rudement la cohésion du groupe, mais ce devoir impératif reste et doit être rappelé.

Donis AYIVI

Politiste internationaliste

Consultant en communication et relations publiques

Chef du département Médias et RP à SIGMA CORPORATION AFRIQUE

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