Togo-Les tribulations de trois détenus du PNP, libérés mais garés en prison

Nous vous faisions lire dans notre édition le Rendez-vous numéro 361 du 09-09-22 que trois détenus du parti national panafricain, PNP, libérés le 31 août dernier, sont toujours gardés à la prison civile de Lomé par un mystère. Oui, le mystère porte désormais un nom, il s’agit du Procureur Général Blaise Essolisam Poyodi. En effet, pendant trois mois, le doyen des juges d’instruction, Adjoli Awi, n’a pas convoqué les prévenus, le motif est qu’il allait être affecté de ce poste.

C’est alors le nouveau doyen des juges d’instruction qui finira par les convoquer les 09 mai et 24 mai 2022.  Interrogés dès leur arrestation arbitraire, dans un premier temps, les griefs retenus contre eux par le SCRIC étaient : la tentative d’incitation à la révolte contre l’autorité de l’État, regroupement de malfaiteurs, haine contre d’autres ethnies. Pour les besoins de la cause, ces griefs seront requalifiés par le premier substitut du procureur, Mr GAMATO Philippe. C’est alors qu’on les accuse désormais de groupement de malfaiteurs, apologie de crimes et délit.

C’est sur la base de ces accusations qu’ils ont été auditionnés par le nouveau juge d’instruction, POUTOULI Abli.  Le dossier étant vide, leur avocat, Maître AMAZOHOUN Ferdinand, a déposé le 08 juin 2022 une demande d’annulation des griefs ou de mise en liberté provisoire si le juge compte poursuivre l’affaire.

Cette demande a été rejetée le 14 juin 2022 aux motifs que la demande n’est pas fondée sur une base légale et qu’elle ne donne aucune garantie de représentation.

L’avocat fait appel de cette décision du doyen des juges d’instruction.

Légalement, la cour d’appel doit statuer dans un délai de 30 jours ; passé ce délai la mise en liberté des accusés est obligatoire.

Ils ont été justement convoqués par la cour d’appel le 27 juillet 2022, soit 43 jours après. Au Togo, la justice n’a pas obligation de respecter les délais de forclusion prévu par ses propres textes. Triste héritage pour les juristes en formation.

C’est alors sur la base de ces accusations infondées et le non-respect du délai de 30 jours que l’avocat a plaidé la libération immédiate de ses clients le 27 juillet 2022 à la chambre d’accusation devant un jury composé des juges Ali, Koezi et Abotchi, avec Kuevidjin comme substitut du procureur général. La chambre d’accusation reporte la délibération à 5 reprises sur les 03, 10, 17, 24 puis le 31 août où elle finit par délibérer. Le juge a prononcé la libération immédiate des 3 accusés. Les citoyens Alfa Ibrahim, Sebabi Gueffe Tcha Tchassante Nouroudine et Boukari Abdou-Razakou sont libres.  Alors que le procureur Kuevidjin a dit aux accusés, après lecture de la décision par le président du jury, qu’il va leur remettre la fiche de libération à la fin de la séance, ce dernier fait savoir aux geôliers qu’il enverra plutôt la fiche au régisseur de la prison dans la soirée du même jour.

Depuis ce 31 août 2022, les fiches de libération de SEBABE-GUEFFE Tchah Tchassanti Nouridine, ALFA Ibrahim et BOUKARI Abdou Razakou ne sont pas envoyée à la prison civile de Lomé pour leur libération effective.

Malgré les tractations de l’avocat, ses clients sont toujours en prison, bloqués par Essolizam Blaise POYODI, le procureur général, qui refuse de signer l’ordre de mise en liberté. Toute la boîte n’est pas pour, du coup, outrés par cette situation, deux juges concernés par l’affaire sont allés voir Mr le Procureur Général qui fait savoir que lui il ne signera jamais la fiche de libération des trois détenus. La démarche de ces juges s’est donc heurtée au refus catégorique du supra-juge Procureur Général. Depuis, les citoyens libérés sont encore gardés à la prison civile de Lomé. Peu importe si l’un d’entre eux traîne une santé difficile depuis un temps.

Cette décision du juge implique une libération d’office des détenus. Juridiquement parlant, sans être juriste, que monsieur Pododi souffre que nous lui rappelons qu’une décision de libération d’office n’est pas susceptible de recours. En français monnayé, le parquet général ne peut pas former un pourvoi contre cette décision. Donc le procureur général est obligé de signer l’ordre de mise en liberté.  Monsieur le PG a-il des comptes personnels à régler à ces 3 détenus et à leur couleur politique ? Il est vrai, l’environnement corrompu dans lequel baigne aisément notre justice et les décisions cousues de raccourcis politiques au service de la dictature empêchent certains magistrats de mûrir et motiver juridiquement leurs décisions, mais de grâce certaines contorsions ne sont pas possibles. Le moins outillé des magistrats connait quand même ce que signifie une décision d’office. C’est alors à se demander quelle est l’intention de Monsieur Boyodi contre les trois détenus. Le procureur veut-il inoculer à ses détenus personnel un poison lent avant de les libérer ?  Nous avons été témoin de comment des détenus du même parti ont été gardé en détention pour des motifs qui n’existent pas jusqu’à ce que leur pronostic vital soit atteint avant qu’on ne les libère. Je veux parler de Yacoubou Moutawakilou du PNP. Ce dernier, arrêté en bonne santé est sortie de prison atteint d’un cancer qui finira par l’emporter, 29 jours seulement après sa libération. Pire, la famille a dû faire des courbettes aux bourreaux pour avoir la permission d’enterrer le défunt.  Ils sont nombreux qui sont morts et qui vont encore mourir à la prison civile de Lomé par une détention arbitraire des juges qui puent la corruption et pour qui la vie humaine n’a rien de sacré.  L’exemple le plus vivant est la mort répétée des détenus de l’affaire Tigre qui bizarrement meurent d’un mal identique.  Une bonne dizaine sont déjà partis et désormais les familles sont obligées de garder discret le sort qu’on réserve à leurs enfants. On se demande si monsieur Boyodi a un plan d’extermination de ces trois détenus dont rien ne justifie actuellement la détention en prison. Décidément, la justice au Togo est devenue un moulin dont des magistrats se comportent en meunier qui manipulent les grains de façon à ce qu’il se fasse écraser à la prison civile de la capitale. SOS aux droits de l’homme et aux représentations diplomatiques, s’il en existe encore au Togo.  L’inspection de la justice existe pourtant belle et bien et on peut se demander ce qu’elle dit de cette situation.

Monsieur le ministre de la justice, dit quoi d’un tel fonctionnement de sa justice qui dit une chose et sont contraire juste pour satisfaire les humeurs de certains qui se prennent pour détenteurs d’un droit de vie et de mort sur les citoyens ? Monsieur Faure Gnassingbé a-t-il donné des instructions fermes pour qu’aucun détenus du PNP ne soit libéré si les juges ne sont pas sûrs qu’il rentre à la maison pour mourir de sa détention ? L’un des trois détenus a une double nationalité, que fait la représentation diplomatique de l’Allemagne devant cette incongruité qui crève les yeux dont l’une des victimes est un citoyen allemand ?

En tout cas, à partir du prononcé de leur libération, monsieur Essolisam Blaise est responsable de tout ce qui  pourrait devenir à ces trois détenus. Bon à suivre.

ABI-ALFA

Journal Le Rendez-vous

Le titre de l’article changé

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