TOGO-RUSSIE/Référendum pro-Russe : Présence polémique d’un observateur togolais

Le Togo a refusé de s’aligner dans le conflit qui oppose la Russie à l’Ukraine. Dans un reportage de la chaine francophone russe RT, un Togolais du nom de Télou Hyacinthe se présente comme un observateur international du référendum en cour dans les Républiques qui demandent leur rattachement à la Russie. La neutralité du Togo est violée. Et des questions se posent.

« Nous sommes à Novoazovsk en République populaire de Donetsk où continue de se dérouler le référendum d’adhésion à la Russie. Et tout ce processus est contrôlé par des observateurs internationaux comme M. Télou Hyacinthe », annonce le confrère de RT, une chaîne francophone appartenant à la Russie.

 « D’abord, je me présente. Je suis M. Télou Hyacinthe du Togo. Nous sommes là pour observer ce référendum. Dans un  premier temps pour voir ce qui se passe exactement ici parce que depuis tout ce temps, les informations que nous avons eues, nous les avons eues par les médias. Aujourd’hui nous sommes ici pour voir ce qui se passe en réalité. Et dans un deuxième temps, voir comment se passe le scrutin. Et déjà nous avons vu qu’au niveau de la population, ils sont un peu enthousiastes. Tous ceux que nous avons vus sont contents de le faire. Nous avons posé des questions à certaines personnes et pour le moment, nous n’avons vu personne qui a déclaré être contre ce référendum », a répondu l’observateur international togolais qui ne s’est pas retenu de dire sa joie, mais aussi celle des populations de Donetsk de faire ce référendum contesté par Kiev et les capitales occidentales.

L’une des questions posées à l’interviewé est la raison de sa présence sur le sol ukrainien où se déroule le vote d’adhésion à la fédération de Russie. « Nous sommes là sur invitation de la Fédération de Russie qui est en collaboration avec les Républiques qui sont en train de voter pour leur autonomie et leur rattachement à la Russie. Ce partenariat a fait que la Fédération de Russie nous a invités pour superviser ces élections. Pour pouvoir les aider en fait, pour que ça soit un peu plus visible, un peu plus médiatisé … aux yeux du monde », a répondu le compatriote qui a indiqué avoir été sélectionné après inscription.

Pour avoir assisté à plusieurs élections au Togo, on ne peut douter des propos de M. Télou. Des propos typiques d’un observateur déjà conquis par un parti, en l’occurrence celui qui organise le scrutin et qui a mis les moyens à sa disposition pour une promenade de santé et une visite touristique. On en a l’habitude au Togo, souvent avec les observateurs de la CEDEAO, de l’Union africaine et de l’Union européenne qui, à la fin du processus de vote, se réunissent et déclarent qu’il y a eu des incidents mineurs qui n’entachent pas la régularité du scrutin. Ils empochent leur per diem et laissent les populations avec leurs « togolaiseries ».

L’opinion voudrait savoir si les autorités togolaises sont informées du déploiement d’observateurs togolais dans ces territoires sécessionnistes qui veulent – et c’est leur droit le plus absolu – rejoindre la Russie de Vladimir Poutine. Le ministère des Affaires étrangères est-il lié à cette implication du Togo dans le processus de vote ? La démarche du sieur Télou Hyacinthe est-elle une initiative personnelle ? L’opinion doit être située.

Mais une chose est probable, si le Togo était sollicité, les autorités n’hésiteraient pas à s’impliquer dans cette affaire de référendum qui divise à cause des enjeux. Une posture qui ne surprendrait personne quand on sait que le Togo est un « grand ami » de la Russie et ne s’est pas prononcé contre l’invasion de l’Ukraine. Depuis quelques années, la diplomatie tous azimuts de Robert Dussey a conduit le pays à s’allier à l’ex-URSS à travers une multitude d’accords, qui vont du diplomatique au militaire en passant par le commercial.

Dans cette guerre Russie-Ukraine, le Togo a cherché à se positionner comme le leader du non alignement des nations africaines. Le ministre des Affaires étrangères l’a plusieurs fois manifesté. Il y a quelques jours, à la tribune des Nations Unies, il a rappelé que l’Afrique ne s’alignerait plus au gré des décisions des puissances étrangères. « L’Afrique ne veut plus s’aligner sur les grandes puissances quelles qu’elles soient », a-t-il déclaré. « Avant de se préoccuper du positionnement de l’Afrique dans le conflit ukrainien, il faut se préoccuper d’abord de la place – ou plutôt du strapontin – que l’Afrique occupe sur la scène mondiale. Pour preuve, dans toutes les discussions relatives au conflit russo-ukrainien, l’Afrique a été mise à l’écart », avait-il dénoncé dans une tribune. Et c’est une bonne décision parce que pendant trop longtemps, l’Afrique a servi les causes des puissances étrangères sans rien y gagner. En affichant sa neutralité, l’Afrique sinon le Togo a fait un bon choix.

Mais la présence de l’observateur togolais lors du référendum remet en cause l’idéal selon lequel l’Afrique doit se montrer neutre. En participant au processus en tant qu’observateur, le Togo prendrait le parti de la Russie et des Républiques dissidentes. Ce qui ne devrait pas être le cas, si tant est que le pays est vraiment neutre. Une neutralité qui recommande de rester en retrait. La joie décrite par l’observateur ne rassure pas non plus sur sa neutralité. Le Togo violerait ainsi sa prétendue politique de non alignement.

Et puis, dire que le Togo soutient les autonomistes est vraiment paradoxal parce que le régime en place ne tolère pas les voix dissidentes, jusqu’à aller épouser des idéaux autonomistes ou sécessionnistes. En septembre 2021, des cantons frontaliers au Bénin ont hissé le drapeau béninois pour protester contre leur abandon par le Togo et demander leur rattachement au pays de Béhanzin. « La population des cantons de Badin et de Kamina ont décidé ce 14 septembre 2021 de proclamer solennellement notre rattachement à la République du Bénin, pays voisin où nos populations se tournent le plus souvent non seulement pour vendre leur récolte, mais aussi acquérir les biens de première nécessité », avaient déclaré les habitants de la zone qui ont annoncé des démarches auprès des autorités béninoises pour une prise en compte sérieuse de leurs préoccupations. L’initiative n’a simplement pas prospéré. Cela ne se tolère pas au Togo. Dans la même logique, le Togo ne devrait pas se montrer solidaire d’initiatives autonomistes d’où qu’elles viennent.

G.A.

Liberté N°3707

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