Au Togo, le régime en place peut compter sur ses représentants dans les localités pour imposer des dispositions, non seulement liberticides, mais aussi qui vont à l’encontre de la loi. La preuve a été faite la semaine écoulée dans la préfecture de Bassar.
Dans la commune de Bassar 2 Bangeli, les autorités municipales ont simplement interdit toutes les activités publiques, au nom de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent. « Le Conseil municipal de la Commune de Bassar 2, ayant constaté la recrudescence des violences dues à l’extrémisme violent entraînant le terrorisme interpelle tout un chacun de nous à une prise de conscience et à une vigilance accrue. Dans le souci de préserver la quiétude, la sérénité et la paix dans notre commune, le Conseil municipal de la Commune de Bassar 2 décide ce qui suit. Interdiction des manifestations mobilisant une grande foule : tournoi de football, danse populaire, night-club », écrit le maire Adessonkain Adédokou, dans une note rendue publique le 08 septembre 2022.
Naturellement, la note a suscité un tollé général au-delà de la localité qu’il dirige. Deux jours après, l’autorité municipale réunit le conseil qui prend une nouvelle délibération annulant la précédente. « Ma lettre circulaire en date du 08 septembre 2022, a suscité beaucoup de réactions d’incompréhension ou d’indignation somme toute légitimes, qui ont conduit le conseil municipal de Bassar 2, réuni d’urgence ce jour, à abroger les dispositions de cette note tant dans sa forme que dans son fond », écrit-il le 10 septembre. « Toutefois, poursuit-il, le conseil municipal tient à rappeler aux populations de la commune de Bassar 2 la nécessité de continuer à observer les mesures barrières contre le COVID -19 lors de certains rassemblements publics et à s’inscrire dans les efforts de lutte engagée par le gouvernement contre l’extrémisme violent pouvant découler desdits rassemblements ».
La première remarque est que le maire a fait un rétropédalage dans cette affaire. On ne peut que le féliciter pour avoir eu l’humilité de reconnaître que sa décision a suscité incompréhension et indignation. Néanmoins, on se demande où le maire a obtenu les informations selon lesquelles il y a une recrudescence des actes de « violences dues à l’extrémisme violent entraînant le terrorisme ». Parle-t-il de sa commune ou bien d’une autre ?
La seconde remarque est que cette décision montre que le régime a semé dans les veines de ses membres la manie de l’autoritarisme. Comme au sommet de l’Etat, on prend des décisions sans se demander si elles concourent ou non à l’enracinement de la démocratie, ou si elles violent les principes constitutionnels. L’essentiel c’est de prendre les décisions pour servir des causes personnelles ou partisanes.
La troisième remarque, c’est que visiblement, Monsieur le Maire ne maitrise pas ses prérogatives. En fait, c’est un constat endémique chez les maires élus sous la bannière du RPT/UNIR. Ce qu’ils savent, c’est qu’ils sont maires. Point barre. Le reste, on s’en fout. Si le maire Adessonkain Adédokou s’était donné la peine de parcourir la loi sur la décentralisation, il saurait que son entreprise était vouée à l’échec.
En effet, la loi relative à la décentralisation et aux libertés locales en son article 70, énumère les domaines ne pouvant pas faire l’objet d’un transfert de compétences aux collectivités territoriales. Il s’agit, notamment de la défense nationale et la sécurité, les affaires étrangères et les relations extérieures, la justice, la monnaie, les postes et les télécommunications, les mines (à l’exception des carrières de matériaux de construction).
Pour être plus précis, il est dit, selon les attributions de police que « Le maire est chargé, sous le contrôle du préfet, de la sécurité publique dans les domaines précisés à l’article 153 ». Article 152. L’article suivant stipule : « Les domaines dans lesquels le maire assure la sécurité publique concernent: – tout ce qui intéresse le nettoiement, l’éclairage public, l’enlèvement, la suppression des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices menaçant ruine, l’interdiction de ne rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute, ou celle de ne rien jeter qui puisse causer un dommage aux passants ou des exhalaisons nuisibles ; – le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d’ameutements dans les rues, rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ». Bref, rien de spécial. Et comme on le voit à la lumière de ces articles, le conseil municipal, bien que disposant du mandat du peuple, n’a pas compétence de gérer des affaires relatives à la sécurité et la défense.
On se demande aussi si la délibération a été envoyée au préfet pour contrôle de légalité. Si oui, quelles ont été les observations du préfet ? De toute évidence, cette situation prouve la complicité qui existe entre préfets et maires du régime, dans cette décentralisation crainte par le pouvoir. On se souvient du boucan orchestré par le préfet du Golfe lorsque pour contrôle de légalité, il a été saisi par le maire du Golfe 4 sur l’exécution du budget communal. Sans prendre le temps de comprendre le document à lui envoyé, il s’est empressé de faire publier sur les réseaux sociaux que le maire en question envisage de se construire un bureau pour plusieurs centaines de millions de francs CFA.
Cette sortie malencontreuse du maire de Bangeli confirme la volonté du régime de museler les libertés publiques. Après la covid-19, le terrorisme est utilisé à des fins politiques.
G.A.
Source : Liberté