Les confessions religieuses et les politiques au Togo entretiennent des relations mitigées. Tantôt conflictuelles, tantôt cordiales, qu’est-ce qui caractérise ces relations, de 1960 à ce jour ? Et quel en est l’impact sur la gouvernance du pays ?
Au Togo où la population actuelle est de plus 8 millions d’habitants (1), on dénombrait en 2021, environ 43 % de chrétiens, 35 % de croyants de religions traditionnelles, 14 % de musulmans et 6 % d’autres croyants. « Les autorités religieuses du pays sont matures et manifestent une compréhension mutuelle, ainsi que des collaborations, ce qui favorise une cohabitation pacifique », observe Frédéric Edoh, historien togolais spécialisé en religion, commentant les relations entre les différentes confessions religieuses.
Toutefois, cette cartographie religieuse n’est pas sans impact sur la vie et la gouvernance du pays, notamment en ce qui concerne les rapports entre la religion et la politique. C’est ce que confirme, Kodjo Koudjodji Eloh, universitaire togolais spécialisé en histoire politique : « les relations entre la religion et le pouvoir politique au Togo sont à la fois cordiales et conflictuelles ». Autrement dit, ces relations sont caractérisées par des périodes d’accalmie faite de collaboration, mais aussi par des périodes de conflits.
Ainsi dans les années 1960, notamment en 1963 après l’assassinat de Sylvanus Olympio, premier président du Togo indépendant, les religieux ont été conviés à participer à des assises qui ont permis de rédiger un avant-projet de la Loi fondamentale qui aboutit à la Constitution de la deuxième république.
Tout comme en 1963, les autorités religieuses ont été sollicitées dans les années 1990 lorsque Mgr Philippe Fanoko Kpodzro a été appelé à présider la Conférence nationale en 1991 ou encore quand Mgr Nicodème Barrigah-Bénissan a été sollicité pour conduire les travaux de la Commission vérité justice et réconciliation entre 2009 et 2012.
Des périodes de tension
Mais déjà dans les années 1970, des tensions ont marqué les relations entre le christianisme et le pouvoir politique, sous le règne du président Gnassingbé Eyadéma (1935-2005) qui, sous l’influence de la politique de la culture de l’authenticité prônait la renonciation aux prénoms dits « importés », tels les prénoms chrétiens (2). Cette situation a occasionné le changement de prénoms de baptême par de nombreux chrétiens du pays.
De même, dans les années 1990, ces relations étaient aussi tendues avec l’engagement de religieux à la faveur du multipartisme et du processus démocratique. Après la mort du président Eyadéma qui a régné de 1967 à 2005 et face aux tensions politiques qui prévalaient, des responsables religieux catholiques et évangéliques ont participé à une marche pacifique pour alerter le pouvoir sur les dangers que présageait l’élection présidentielle de 2005 pour assurer la succession. « Cette manifestation publique des chrétiens parmi lesquels des laïcs, des pasteurs évangéliques, des prêtres catholiques et même un évêque, a suscité des interprétations controversées », constate un historien togolais. Quoique les interpellations ou dénonciations des autorités religieuses se fondent sur la cohabitation pacifique entre les ethnies et les croyants, elles sont souvent mal comprises et divisent l’opinion publique.
Mais, « actuellement, affirme l’historien Kodjo Eloh, il n’y a pas de conflit entre les hommes religieux et le pouvoir politique en place, même si quelques fois certaines voix se lèvent contre le pouvoir en place ».
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