L’écrivain togolais de renommée internationale Sami Tchak, 63 ans, déplore qu’une importance soit accordée aux « textes d’auteurs locaux vivants, qui, en général, ne répondent même pas d’une bonne rédaction en classe de cours élémentaire ».
« La nécessité d’un regard critique sur nombre de nos classiques se fait de plus en plus urgente, car, en littérature, nos programmes scolaires restent largement ancrés dans un passé où la notion de hiérarchie n’avait pas eu réellement sa place.
Mais il y a pire: la nouvelle tendance, dans nombre de nos pays africains, d’élever au statut de romans dignes d’être enseignés, au nom de la promotion de la littérature nationale, des textes d’auteurs locaux vivants, qui, en général, ne répondent même pas aux critères d’une bonne rédaction en classe de cours élémentaire. Je peux en parler sans retenue car cela m’est arrivé avec mon si mauvais roman « Femme infidèle », au programme dans les classes de 4e au Togo. En arriver là, à cet abaissement intellectuel où des médiocrités objectives se retrouvent dans un panthéon imaginé par d’autres médiocrités? Mais d’où vient cette fièvre d’écrire de la part d’hommes et de femmes ayant si peu lu, ou n’ayant jamais lu un seul texte vraiment complexe, des personnes (femmes et hommes) qui, en général, s’auto-éditent ou profitent de la prolifération de «maisons d’éditions» monnayant cher des modalités grossières d’autoédition, pour voir sous couverture, plusieurs écrits insanes?
Tout cela se retrouve en célébration tapageuse au sein de petits cercles où chacun a la langue chatouillée par des compliments faciles et encore plus par l’auto-éloge. De tels auteurs, avec qui il est aussi impossible de discuter de littérature que d’apprendre des équations mathématiques à une grenouille morte, parcourent cependant le monde, de festival en festival, de résidences d’écriture en résidences d’écriture, auréolés de leur statut d’écrivains, de poètes, de slameurs ou de poètes-slameurs-romanciers, certains ajoutant musicien ou acteur (la seule chose qu’il leur est demandée, c’est d’être “Noir africain vivant dans son pays”).
Il y a même des étudiants, en général médiocres, qui leur consacrent des thèses, sous la direction de professeurs complaisants, voire clairement racistes, ou tout simplement médiocres. En arriver là? Et l’on voudrait se réjouir, dans nos pays, du nombre élevé d’écrivains (écrivains-éditeurs) illettrés! »
Tchak Sami
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