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Sanctions économiques de la CEDEAO contre le Niger: La Chronique d’un Suicide Collectif annoncé

Au lendemain du coup d’État du 26 juillet 2023 dans un Niger désormais dirigé par les militaires, il pleut sur le pays une batterie de sanctions qui se passent de commentaires. L’objectif ne souffre d’aucune ambiguïté : faire mordre la poussière aux putschistes qui ne semblent pour autant pas affectés par ces représailles aux conséquences beaucoup plus préjudiciables pour les pauvres populations qui n’en demandent pas tant.

Néanmoins, lorsqu’on y regarde de plus près, les pays de l’instance sous-régionale ont plus à perdre qu’un Niger certes cerné de presque partout, mais pas totalement à terre. Face à ce cul-de-sac qui va faire des ravages dans la sous-région, la CEDEAO serait bien inspirée de changer de fusil d’épaule.

Pour la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la cause est entendue : il faut faire rendre gorge à des militaires qui n’ont que trop loin poussé le bouchon. En fait de sanctions, la Cédéao en a à en revendre : suspension des transactions financières et commerciales entre les Etats membres de la Cédéao et le Niger ; fermeture des frontières terrestres et aériennes avec le Niger, blocus d’approvisionnement sur les produits pharmaceutiques, les denrées alimentaires ou encore la fourniture en courant électrique ; marchandises bloquées aux postes-frontières Niger-Nigéria sur les camions des deux côtés n’ont pas pu traverser et atteindre leurs destinations, avec comme conséquence la perte chaque semaine de quelque 13 milliards de nairas ; manques à gagner dans les transactions désormais interdites entre ces deux Etats en termes de commerce des denrées périssables, commerce dont le coût s’élève à 177 milliards de nairas pour les biens et les services rien que pour l’année 2022, à en croire l’Arewa Economic Forum, un syndicat de commerçants du nord du Nigéria… Qui dit mieux ?

C’est peu dire que les conséquences de cette crise se font de plus en plus sentir, et sont plus désastreuses pour les populations nigériennes. Entre inflation et pénuries de produits alimentaires, les Nigériens, dépendants des exportations vers le Nigeria et le Bénin sont frappées en plein cœur.

Le Togo de Faure Gnassingbé y est également allé de sa petite sanction, et dès le 1er août, aucune transaction commerciale n’est plus possible entre Lomé et Niamey, et cela jusqu’à nouvel ordre. L’Office togolais des recettes (OTR) s’est ainsi conformé à la décision prise lors du sommet extraordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la Cédéao à Abuja, le 30 juillet 2023. Décision pour le moins sévère, quand on sait que le Togo a exporté pour plus de 80 millions de dollars de marchandises vers le Niger. Comme le Togo, les autres pays de l’instance économique sous régionale ont pris des mesures. Esprit d’équipe oblige.

Un manque à gagner considérable

Selon les données de la BCEAO (Balance des Paiements et Position Extérieure Globale – Niger 2021), 51,05% des marchandises importées des pays africains proviennent de la Zone UEMOA, qu’il s’agisse entre autres du ciment, des huiles de cuisine, de céréales, des fruits et légumes et des produits manufacturés. Il est à noter que le Togo est le deuxième (23,2%) pays fournisseur de biens du Niger parmi les Etats de l’UEMOA, derrière la Côte d’Ivoire (32,5%). Par ailleurs, en termes d’échanges intracommunautaires de la Cédéao, le Nigéria est le premier pays exportateur (116 milliards de FCFA) vers le Niger, devant la Côte d’Ivoire (70,585 milliards de FCFA). La part du Ghana (quatrième pays pourvoyeur de biens vers le Niger) s’élève quant à elle à 42,972 milliards de FCFA.

Au regard de ces chiffres, la fermeture des frontières représente un manque à gagner quelque peu considérable pour ses fournisseurs de l’instance sous-régionale. Ceux-ci croient punir le Niger, mais oublient que si cette situation s’enlise, le Niger pourrait éventuellement se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement en Afrique ou ailleurs.

Les exportations du Niger à destination des pays de la Cédéao, d’après le bulletin de mars dernier de l’Institut national de la statistique du Niger (données définitives 2018-2021 données provisoires 2022), ont représenté 46,3% du total en valeur en 2022, contre 58,9% en 2021. Elles se rapportent essentiellement aux hydrocarbures (74,7 milliards, soit 61,1%) et dans une moindre mesure, aux produits agricoles (14,2 milliards, soit 11,6%).

Avec 49,5 milliards (soit 40,5% des exportations destinées aux pays de la Cédéao), le Mali est selon la même source arrivé en tête des pays de la Cédéao. Il est suivi par le Nigéria avec 42,3 milliards (34,6%), le Burkina Faso avec 10,1 milliards (8,3%), le Bénin avec 10,0 milliards (8,2%) et le Ghana avec 7,8 milliards (6,4%). Les exportations vers ces cinq (5) pays ont représenté 97,9% du total des exportations vers les pays de la Cédéao en 2022 contre 97,7% en 2021.

S’agissant des exportations du Niger vers les pays de l’UEMOA, elles se sont établies à 71,7 milliards en 2022 contre 135,7 milliards en 2021. Elles sont dominées par celles du Mali, avec 49,5 milliards (essentiellement des hydrocarbures), soit 68,9% du total des exportations vers les pays de l’UEMOA. Le Burkina Faso occupe le second rang avec 10,1 milliards (soit 14,1%), suivi du Bénin avec 10,0 milliards (14,0%). Ces trois (3) pays ont accueilli 97,0% des exportations destinées aux pays de l’UEMOA en 2022 contre 97,1% en 2021.

La CEDEAO perdante jusqu’au bout

Ces recettes éventuellement perdues par le Niger vont se faire ressentir dans le secteur privé et au niveau budgétaire (dépenses de l’Etat). Là encore, le Niger pourrait trouver d’autres clients.

La Cédéao espère fragiliser le régime kaki qui ne serait pas en mesure de répondre aux aspirations du secteur privé et satisfaire aux exigences sociales. Les militaires se trouveront pour ainsi dire dos au mur face aux impératifs des populations. Mais dans les faits, les rodomontades de la Cédéao ne font plus peur. Elles renforcent au contraire les nouveaux dirigeants de la destinée du Niger dans leurs prises de position. Plus désespérant encore, elle n’est pas appuyée par la communauté internationale. Nous en voulons pour preuve la dernière sortie des Nations Unies qui demandent à l’institution sous -régionale d’alléger les sanctions imposées au Niger. Plutôt que d’opter pour le suicide collectif, elle serait bien inspirée de faire la part du feu.

Sodoli Koudoagbo

Source: Le Correcteur / lecorrecteur.info

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