Le procès plus qu’attendu de Félix Abalo Kadangha, ex-Chef d’Etat-Major des Forces Armées Togolaises, s’est ouvert le 23 octobre 2023 au Palais de justice de Lomé.
A l’instar d’autres officiers et hommes de rang, Félix Abalo Kadangha est accusé d’avoir joué un rôle dans l’assassinat du colonel Bitala Toussaint Madjoulba en mai 2020. Lui collent aux basques plus d’un chef d’accusation : complicité d’assassinat, complicité d’entrave au bon fonctionnement de la justice, et de complot contre la sécurité intérieure de l’Etat.
Le commandant Akila-Esso Kpatcha Atèkpè, Chef de l’Unité de la Sécurité militaire est poursuivi pour avoir organisé une enquête parallèle aux expertises balistiques censées identifier le ou les auteurs de cet assassinat. Le Lieutenant-Colonel Kouma Agbonkou, Commandant en second du premier Bataillon d’Intervention Rapide, a comparu pour abandon de poste, aides et concours apportés à des autorités militaires non autorisées du dossier. Vienne le tour du Général Abalo Kadangha qui ne s’est pas fait faute de nier en bloc ce dont le tribunal l’accuse. Il dit n’avoir mené aucune enquête parallèle, et nie être mêlé de près ou de loin à l’assassinat du frère de l’actuel ministre de la Sécurité et de la Protection Civile.
Justice militaire, la parade contre l’impunité ?
Ce procès, un brin ordinaire en soi, aura vu le jour après la mise en place d’une juridiction qui elle est tout sauf ordinaire, et qui n’est autre que la justice militaire, installée trois jours avant le procès susmentionné.
Cette justice militaire se réserve le droit d’instruire et de juger les infractions d’ordre militaire prévues par le code : les atteintes à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat impliquant des militaires et assimilés, les infractions de toute nature, commises par des militaires et assimilés en service ou à l’occasion du service, dans les casernes, quartiers et établissements militaires ou chez l’hôte, les infractions de toute nature commises par des militaires ou assimilés, leurs coauteurs et leurs complices avec les moyens appartenant aux armées et institutions assimilées. Elle n’a pour autant pas vu le jour sans le renforcement de l’arsenal juridique national, la nomination et la formation des magistrats et assesseurs militaires, clame-t-on en haut lieu. On peut se féliciter de l’instauration de cette juridiction qui rappelle aux uns et aux autres que tous les citoyens, civils comme militaires, sont égaux devant la Loi.
En lançant les activités de la justice militaire, Puis Agbétomey, le ministre de la Justice, a fait cette précision : « Nous avons à bâtir la justice qui est rendue au nom du peuple togolais. Avec l’avènement de la justice militaire, le Togolais saura que le militaire est un frère, le militaire jouit des mêmes droits et des mêmes obligations que lui, et que le militaire est aussi soumis à la loi».
De quoi espérer qu’à l’avenir, il y aura moins d’impunité et que les violations des droits de l’Homme impliquant les agents des forces de défense et de sécurité seront punies sans ambages ? Il y a loin de la coupe aux lèvres, mais on ne peut que souhaiter que la justice militaire fasse diligence et se saisisse par le menu des affaires ayant fait état de voies de faits et autres bavures policières soldées par mort de citoyen. Pas de quoi pour l’instant s’enflammer, aussi longtemps que les torts causés par le passé par les corps habillés seront restés impunis.
Félix Abalo Kadangha, de Général à simple justiciable
Le procès dont Félix Abalo Kadangha fait l’objet vient par ailleurs rappeler le fil si ténu auquel tiennent nos destinées, combien peu valent nos prérogatives d’humains sur terre et à quel point les fortunes humaines sont sujettes à des changements aussi soudains qu’irréversibles. Si seulement Kadangha savait que de Chef d’Etat-Major des Forces Armées Togolaises, il deviendrait justiciable comme le plus commun des Togolais !
Nous ne sommes plus dans cette Rome antique où entrait tout Général d’armée en triomphe, après une grande victoire. A ses côtés, se trouvait un esclave qui a pour rôle de rappeler au triomphateur sa condition de mortel.
« Souviens-toi que tu es un homme », lui rappelait l’esclave. Un rappel qui sonne comme un avertissement du fait que malgré son succès d’aujourd’hui, le lendemain était un autre jour. Pauvre général Kadangha qui n’aura pas les mêmes chances qu’un triomphateur ! Combien, dans les rangs des corps habillés se montreront suffisamment humbles pour voir dans le procès de leur camarade sinon une mise en garde, du moins un appel à faire œuvre utile tant qu’on est aux affaires ?
Source: Le Correcteur
A quand le jugement des auteurs et responsables des massacres de 2005 après le décès du baobab Eyadema GNASSINGBE ? Faure à qui ces crimes ont profité doit être dans le box des accusés dans ce cas.