Jeudi 16 Novembre 2023 au cours d’un dîner au Glasshouse (660 Twelfth Avenue) à New York, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) rendra hommage à des journalistes courageux du monde entier. Quatre journalistes extraordinaires de Géorgie, d’Inde, du Mexique et du Togo recevront le Prix international de la liberté de la presse 2023.
En dépit d’un fort recul de la liberté de la presse dans le monde, les lauréats de cette année ont continué à couvrir l’actualité malgré les mesures de répression prises par les gouvernements, les enlèvements, l’exil et la criminalisation croissante de leur travail, défendant ainsi l’importance des reportages indépendants en cette période critique.
« Les attaques contre la presse sont de plus en plus fréquentes, mais les journalistes continuent de redoubler d’efforts pour couvrir les questions essentielles qui nous donnent à tous les moyens d’agir », a déclaré la présidente du CPJ, Jodie Ginsberg. « Nous avons l’honneur de récompenser les lauréats de cette année : des journalistes formidables qui travaillent sans relâche pour dénoncer la corruption, les abus et les actes répréhensibles malgré les efforts considérables déployés pour les réduire au silence. »
Le CPJ rendra également hommage à Alberto Ibargüen, président de la Fondation John S. et James L. Knight, en lui décernant le Prix Gwen Ifill pour la liberté de la presse 2023, un prix décerné chaque année par le conseil d’administration du CPJ en reconnaissance de l’engagement extraordinaire et durable d’une personne en faveur de la liberté de la presse.
Les lauréats 2023 du CPJ sont :
Ferdinand Ayité (Togo) :
Ayité dirige L’Alternative, l’un des principaux médias d’investigation du Togo, connu pour ses reportages courageux sur la corruption présumée du régime du président Faure Gnassingbé et les manifestations à son encontre. Face aux menaces et au harcèlement juridique constants, Ayité et le rédacteur en chef de L’Alternative, Isidore Kouwonou, ont fui le Togo en mars 2023, quelques jours avant d’être condamnés à trois ans de prison pour outrage à l’autorité et propagation de fausses informations. Ayité est membre de l’Organized Crime and Corruption Reporting Project et a collaboré à l’enquête sur les Panama Papers en 2016, en mettant l’accent sur les stratagèmes d’évasion fiscale des entreprises indiennes basées au Togo. Son numéro de téléphone figurait également sur la liste des journalistes du projet Pegasus prétendument sélectionnés pour faire l’objet d’une surveillance potentielle par des logiciels espions.
Shahina K.K. (Inde) :
Rédactrice en chef du magazine Outlook, Shahina est une journaliste indienne chevronnée, qui couvre l’actualité liée au genre, aux droits de l’homme et aux communautés marginalisées. Elle a été l’une des premières journalistes du pays à être inculpée en vertu d’une loi antiterroriste draconienne utilisée comme arme contre les journalistes dans le pays pendant plus d’une décennie. Shahina continue de faire des reportages, malgré l’attente d’un procès suite à des poursuites engagées en 2010 lorsque des représentants du gouvernement local ont cherché à criminaliser ses reportages sur une enquête policière douteuse. En juin 2023, Shahina est en liberté sous caution dans l’attente de son procès, où elle encourt un maximum de trois ans de prison et une amende si elle est reconnue coupable. Musulmane de naissance, Shahina est victime d’un harcèlement généralisé de la part de groupes indiens d’extrême-droite qui cherchent à réduire au silence ses reportages sur les minorités religieuses et les groupes de castes vulnérables.
Nika Gvaramia (Géorgie) :
Gvaramia est le fondateur et directeur de la chaîne indépendante Mtavari Arkhi (Chaîne principale), fondée en 2019. Gvaramia, qui travaille dans le journalisme depuis 2012, a précédemment occupé des postes gouvernementaux et a fait partie de l’équipe juridique représentant le chef de l’opposition et ancien président Mikheil Saakashvili. En tant que présentateur de télévision, Gvaramia était connu pour dénoncer la corruption et les abus présumés du gouvernement. Après avoir passé un an en prison suite à une condamnation de 3 ans et six mois pour abus de pouvoir présumé – des accusations largement dénoncées comme étant motivées par des considérations politiques – il a bénéficié d’une grâce présidentielle en juin 2023. Gvaramia est le seul journaliste en Géorgie à avoir été condamné à une peine de prison en représailles à son travail depuis que le CPJ a commencé à tenir des registres des journalistes emprisonnés en 1992.
Maria Teresa Montaño (Mexique) :
Montaño est une éminente journaliste d’investigation et fondatrice et rédactrice en chef du média d’investigation The Observer. Dans le cadre de son travail journalistique, elle enquête sur la corruption, la transparence, la violence sexiste et l’obligation de rendre compte. Ses reportages ont conduit à des menaces, à une surveillance et à un harcèlement de la part des autorités nationales et locales. En 2021, en représailles à ses reportages, elle a été enlevée par trois hommes qui l’ont menacé avec une arme et lui ont volé ses dossiers sur une enquête de corruption impliquant des représentants de l’État. Les ravisseurs, dont l’identité est encore inconnue, ont menacé de la tuer si elle signalait le crime. Après avoir quitté le Mexique pendant une courte période après son enlèvement, Montaño a depuis repris ses reportages dans le pays, malgré l’environnement de plus en plus dangereux pour les journalistes.
Depuis 33 ans, le Prix international de la liberté de la presse et le dîner de gala du CPJ mettent à l’honneur des journalistes courageux à travers le monde. L’événement, qui se tiendra le 16 novembre 2023 à New York, sera présidé par Meredith Kopit Levien, présidente et directrice générale de la New York Times Company.
Le travail bien fait se termine toujours par une récompense. Courage à toi mon frère Ferdinand.