De sérieuses complications font craindre l’impossibilité d’un déploiement, à temps, de la mission d’observation de l’Union européenne, pour les élections du 20 décembre, en RDC. En cause, notamment, les autorisations pour le matériel de communication indispensable aux observateurs. Faut-il, déjà, s’inquiéter pour la sincérité des scrutins présidentiels et législatifs ?
On aimerait tant pouvoir dire que l’on est surpris. Mais, non ! Comme si ces contrariétés ne pouvaient s’éviter. Comme s’il fallait, à tout prix, quelques nuages dans le ciel de cette échéance cruciale, alors que cette mission d’observation indépendante, présentée comme la première depuis une décennie, constitue un gage de crédibilité, pour les scrutins, pour la sérénité des Congolais et des candidats engagés dans cette compétition.
Les résultats, contestés, de la précédente présidentielle n’avaient pas vraiment reflété la vérité des urnes, rapportée par les observateurs de la société civile et de la Conférence épiscopale nationale du Congo. En septembre dernier, Corneille Nangaa, ex-président de la Commission électorale, reconnaissait même que des accords secrets avaient été scellés entre l’ancien président et celui à qui il avait choisi de céder le pouvoir. Ailleurs, il aurait fait l’objet de poursuites, pour la trahison passée. Mais, ainsi va le Congo ! Avec une élite vautrée dans un rapport mercantile et cupide au pouvoir, s’accommodant de la fraude et des tricheries, tant qu’elle y trouve son intérêt, pour ne choisir l’honnêteté qu’une fois sa place au bord de la mangeoire perdue.
Lorsque l’on vote au Cap-Vert, l’opposition, pas plus que la majorité aux affaires, ne ressent le besoin d’observateurs étrangers pour croire en la sincérité des résultats. Les citoyens en charge des élections savent faire preuve d’impartialité. Si, en RDC comme dans certains autres pays, la méfiance est plutôt la règle, c’est à cause de la veulerie légendaire de ceux qui oublient être des arbitres crédibles du jeu électoral.
Même s’ils n’étaient dus qu’à un malheureux concours de circonstances, ces blocages au déploiement des observateurs de l’Union européenne seront, d’office, mis au crédit de la malice du pouvoir. D’autant plus que, depuis que l’on feint d’être en démocratie en RDC, tous rivalisent de malice, pour ne jamais perdre.
Le drame de ce Congo ne remonte-t-il pas à beaucoup plus loin ?
Il est évident que depuis l’assassinat de Patrice Lumumba, l’essentiel de la classe politique congolaise n’a cessé, au fil des décennies, de déshonorer ce peuple. Il fallait, en effet, observer la condescendance avec laquelle les Congolais de Brazza ont longtemps traité – et traitent encore, aujourd’hui – ceux de Kinshasa, alors que le peuple de l’ex-Zaïre est doué, ingénieux, et n’a rien à envier aux Congolais de l’autre rive. Il se trouve qu’à Brazza, on a longtemps tiré un complexe de supériorité du statut de pays pétrolier, pour regarder de haut ceux que l’on continue d’appeler « Zaïrois ». L’or noir congolais semble pourtant dérisoire, au regard du scandale géologique que demeure le sous-sol de la RDC, sans doute un des territoires où l’on recense les plus forts pourcentages d’artistes de talent au kilomètre carré, en Afrique. Ils ont de l’or au bout des doigts, et pas seulement en matière musicale ! Mais, par la faute d’un leadership avilissant, ce peuple est humilié comme cela ne peut être permis.
Ces comparaisons déplaisantes n’existent-elles pas aussi avec le Rwanda ?
Absolument, et depuis deux décennies. Ainsi, en octobre 2004, Karel De Gucht, alors chef de la diplomatie belge, en tournée dans la région des Grands Lacs, affirmait, à Kinshasa, avoir rencontré, en RDC, « peu de responsables politiques qui lui aient laissé une impression convaincante ». À la différence, insistera-t-il, de ce qu’il avait éprouvé au Rwanda, où il y avait, « au moins, un État. Où l’on s’efforçait de gérer le pays de manière correcte ». En chœur, la classe politique congolaise lui conseillera de retourner à l’université « apprendre les prérequis de la diplomatie ». Mais, depuis vingt ans, la classe politique congolaise a-t-elle seulement cessé de lui donner raison ?
Chronique de Jean-Baptiste Placca du 2 décembre 2023