Pour les grands entrepreneurs du Burkina Faso, Lomé offre un refuge sûr où ils peuvent poursuivre leurs ambitions d’expansion dans divers secteurs comme la banque, l’agriculture, et le ciment, profitant de la stabilité et de l’accueil favorable du Togo. Visite guidée par l’équipe de Togo First.
Le samedi 10 juin 2023, lorsque Mahamadou Bonkoungou inaugurait la nouvelle ligne aérienne de Liz Aviation entre Lomé et Ouagadougou, c’était l’aboutissement d’une ambition mûrie par l’homme d’affaires burkinabè. Convaincu que depuis Lomé, cette initiative aéroportuaire essaimerait à travers l’Afrique de l’Ouest.
Cette percée pourrait néanmoins être entravée depuis que le capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir par un putsch, a marqué une rupture avec la CEDEAO, espace de libre circulation des biens et des services, envisageant également de s’éloigner du FCFA, et par ricochet, de l’UEMOA.
Bonkoungou n’est pas le seul à explorer des opportunités de croissance hors du “Pays des hommes intègres“. En se tournant vers Lomé, d’autres acteurs majeurs pourraient également voir leurs ambitions ralenties par les nouvelles orientations de Ouaga. Bonkoungou, Nassa, Tiemtoré, Kanazoe…, nombreux sont ces hommes d’affaires burkinabè qui se dirigent vers le sud.
Destination privilégiée, Lomé, la capitale togolaise, s’est imposée comme l’un des bastions de ces hommes intègres, éprouvés par des crises politiques récurrentes et la menace djihadiste, en quête d’un nouvel eldorado. Où, mieux qu’à Lomé, hub financier régional et port naturel, où les opérateurs économiques burkinabè ont historiquement transité la majorité de leurs marchandises ? Surtout encouragée par une politique d’accueil généreuse du pouvoir togolais envers les investisseurs africains. Dans ce Lomé, où dynamisme économique, sécurité des investissements et stabilité politique se conjuguent, ces entrepreneurs ont trouvé un refuge sûr et propice à leurs ambitions d’expansion, loin des incertitudes et des turbulences qui marquent depuis quelques années leur Faso natal.
Banque, routes, agriculture, ciment, distribution, hôtellerie, aviation : ils sont présents, plutôt discrètement, partout, remportent tout ou presque, suscitant des interrogations sur cet intérêt prononcé pour le voisin du Sud, mais aussi sur l’origine de ces importants moyens soudainement mobilisés pour établir ce soft power discret.
Le business togolais de Bonkoungou
Dans le microcosme économique togolais, il s’est imposé, en l’espace de quelques années, comme ce que le monde anglo-saxon qualifie de “Serial Entrepreneur”. Pourtant, c’est bien l’acquisition de la Banque Togolaise pour le Commerce et l’Industrie (BTCI) au travers de sa holding, IB Holding, dotée d’un capital de 30 milliards de FCFA et établi à Lomé, qui a conféré à ce baron du BTP une envergure inédite dans la capitale togolaise.
Cette holding revêt une importance stratégique pour l’homme d’affaires, car il détient les parts de ses récentes acquisitions dans le secteur bancaire et financier. Basée à Lomé, IB Holding s’érige en véritable centre névralgique de la stratégie de ce magnat des BTP, dont la fortune s’est bâtie tant sous l’ère Compaoré que grâce à ses liens tissés dans les palais d’Afrique de l’Ouest, jusqu’aux confins du Sahel. Du Burkina Faso où tout a commencé, à la Côte d’Ivoire, en passant par le Sénégal, le Mali, le Bénin et le Togo, les projets confiés à l’entrepreneur se sont accrus ces derniers temps. Au Togo, en particulier, l’envergure des moyens logistiques déployés pour le chantier de la route Lomé-Kpalimé, s’étendant sur 100 km, a éveillé des curiosités au sein même de la sphère locale des BTP.
Pour décrocher ce marché, Bonkoungou, dont certains évoquent une origine togolaise du côté maternel, a dû jouer une carte maîtresse : utiliser sa banque comme levier pour mobiliser rapidement des fonds syndiqués. Sans cette stratégie, le processus aurait pu s’étendre sur plusieurs mois, voire échouer. IB Bank a ainsi mené un consortium bancaire qui a financé le projet.
L’accélération de ce chantier dès son amorçage a significativement amélioré l’image et la perception de l’homme d’affaires au Togo, auparavant sujet à des observations critiques pour des délais non respectés sur d’autres chantiers.
En juin dernier, Bonkoungou n’était pas loin lorsque l’État togolais décidait de faire recycler cet actif, auprès d’Africa 50 qui se chargera de refinancer la dette, bien que les termes exacts de l’accord restent encore flous. Plusieurs sources évoquent qu’il est plausible qu’il ait également exercé son influence dans la décision gouvernementale de racheter les sièges de la BTCI et de l’UTB, une stratégie visant à renflouer les deux banques en difficulté. Néanmoins, l’empreinte de l’homme d’affaires ne se limite pas au secteur financier.
Ces derniers temps, Bonkoungou a étendu son influence au domaine hôtelier togolais, reprenant l’Hôtel Merlot, désormais rebaptisé Zind Naaba. Rénové et en fonction, l’établissement accueille déjà ses premiers clients, alors même que sa maison mère au Burkina Faso n’a pas encore ouvert ses portes.
Sa présence est aussi significative dans la distribution d’équipements lourds mobiles, avec le lancement de son étendard dans le secteur automobile, BKG Distribution, particulièrement visible sur le grand contournement de Lomé, stratégiquement situé, tout comme sa boutique de Ouagadougou sur la route de Fada-Niger.
En avril dernier, le gouvernement togolais et BKG, sous l’égide de Bachirou Bonkoungou, fils de l’homme d’affaires, inauguraient à Kara le premier Centre Régional de Mécanisation Agricole (CRMA). Ce projet d’envergure, s’étendant sur trois hectares et doté d’équipements modernes, cherche à booster la productivité agricole. Selon les termes de l’entente, BKG exploitera le centre pour 25 ans, en proposant une gamme de services incluant la fourniture de matériel pour le labour mécanisé, ainsi que la vente et la location de machines. Six autres centres similaires verront le jour à travers le Togo, dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP). Et ce n’est pas tout. L’ambition de ce magnat burkinabè embrasse également le ciel.
À Lomé, Bonkoungou a inauguré Liz Aviation, compagnie aérienne qui, depuis l’aéroport Gnassingbé Eyadema, devrait desservir des destinations sous-régionales ainsi qu’une liaison vers Niamtougou, second aéroport togolais, au nord du pays.
Avec Simon Tiemtoré, Lomé, QG de la jonction Vista-Oragroup
Dans le paysage entrepreneurial burkinabè tourné vers Lomé à la recherche de nouvelles opportunités, Simon Tiemtoré est un autre nom qui a marqué l’actualité ces derniers mois. À la tête du Groupe Vista, il a récemment acquis une participation majoritaire dans Oragroup, société mère d’Orabank basée à Lomé. Cette opération, qui porte sur 61,4 % des actions d’Oragroup, élargit la présence du Groupe à 10 autres pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale, en plus de ses acquisitions antérieures telles que BNP Paribas en Guinée et au Burkina Faso, ou First International en Sierra Leone, portant les actifs combinés à plus de 10 milliards de dollars.
Cette acquisition s’aligne sur l’objectif de Vista de devenir une institution bancaire panafricaine majeure, avec dans le viseur, l’objectif de s’installer dans vingt-cinq pays d’ici à 2025-2026, une flotte de banques qui serait pilotée depuis son quartier général à Lomé. En décembre 2022, lors d’une rencontre avec le Président Faure Gnassingbé à Washington, Tiemtoré, ancien de Morgan Stanley et d’Afreximbank, s’engageait déjà à établir à Lomé son centre financier. « Le Togo se distingue comme un centre financier. Ses réalisations financières nous attirent. Il est donc vital d’y investir », affirmait-il en tant que directeur de Lilium Capital.
Idrissa Nassa et la percée remarquée de Coris Bank Togo
À côté, Idrissa Nassa, président de Coris Bank International, perçoit également l’importance capitale de renforcer sa position à Lomé. Depuis son lancement en 2013, la filiale togolaise qui vient d’achever la construction d’un siège digne d’un QG sur le boulevard Deckon, traditionnel boulevard commercial de la capitale, a nettement augmenté son empreinte dans la capitale, avec l’ouverture de plusieurs agences et la création d’un bureau dédié à la finance islamique, Coris Bank Baraka.
Grâce à une stratégie dynamique, incluant le lancement de Coris Money, un service de paiement mobile, et le financement de projets importants comme un crédit de 20 milliards FCFA à la PIA, Coris Bank a connu une croissance rapide, se classant parmi les trois premières banques togolaises en huit ans. La banque envisage également de reprendre l’UTB, banque publique togolaise en difficulté pour asseoir sa présence chez le voisin du sud. Lors d’une récente rencontre avec le Premier ministre togolais, Nassa soulignait le rôle stratégique du Togo pour Coris Bank. L’année dernière, le groupe figurait parmi les principaux investisseurs dans les bons et obligations du Trésor togolais.
Kanazoé : bousculer Heidelberg et Dangote à partir de Lomé
D’autre part, le groupe cimentier CIMCO, filiale togolaise de Cim Metal Group appartenant à Inoussa Kanazoé, a investi massivement dans le secteur du ciment au Togo. L’entreprise a ouvert une usine dans la zone portuaire de Lomé pour répondre à la demande croissante de ciment dans le pays et la sous-région. Avec un investissement de 65 milliards de FCFA, l’usine ambitionne une production annuelle de 2,5 millions de tonnes de ciment dans sa première phase, avec un objectif de 5 millions de tonnes à terme. L’investissement a déjà un impact sur le marché togolais du ciment, auparavant dominé par d’autres grands acteurs comme Cimtogo, West African Cement (WACEM) et Dangote Industries Limited, qui se voit désormais restructuré. Pour Inoussa Kanazoé, la stratégie de CIMCO fait partie d’une vision plus large de Cim Metal, déjà implanté au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire, de renforcer sa présence en Afrique de l’Ouest en exploitant la position stratégique du port de Lomé.
80% du transit du port de Lomé
D’autres acteurs, opérateurs économiques non moins importants opèrent au Togo, certains s’appuyant sur la position stratégique du Port de Lomé pour faire transiter leurs marchandises en direction du Burkina Faso. Selon les données disponibles, le Port de Lomé est un canal majeur pour le Burkina Faso, avec plus de 80% de son trafic de transit orienté vers ce pays voisin.
Par ailleurs, les hommes intègres sont également dans le top management des banques et institutions de premier plan au Togo.
Source: Agence Ecofin
C’est noble pour l’Afrique mais je trouve que c’est dommage pour les soi disants personnes aisées qui sont de nationalité togolaise. Je me demande pourquoi elles ne s’allient pas avec ces géants financiers pour revitaliser encore plus l’échiquier financier et ainsi promouvoir leur mentalité étant donné que seules, elles ne sont jamais arriver à dynamiser l’économie togolaise et surtout la diversifier, depuis longtemps la richesse de l’économie togolaise se limite aux nanas benz, pense que ca peut faire mieux, prendre les mêmes risques que les autres et surtout travailler avec les autres pour développer toute l’Afrique. Bravo aux burkinabés
Nous regardons pratiquement dans la même direction mon frère. En te lisant j’ai eu l’impression que c’est mon texte que j’avais en tête qui a été piqué et légèrement modifié.
Les “riches du Togo” n’ont qu’à continuer par transférer leur argent dans les banques européennes. Ceux qui disent attendre le changement de régime avant d’investir au Togo, n’ont qu’à continuer leur attente. Le temps n’attend pas et la nature a horreur du vide. Je souhaite plein de succès aux investisseurs burkinabés et que beaucoup de Togolais puissent en profiter.
Voilà ce que les gens intelligents et patriotes déclament contrairement au pseudo-panafricanistes, paresseux improductifs. Bien dit “la nature a horreur du vide”.