Gabon-Ali Bongo, sacrifié par ses fidèles

Au Gabon, ce qu’il reste de dignitaires à l’ex-parti unique se débarrasse, sans ménagement, du fils et successeur du fondateur de leur formation. À qui profite cette liquidation violente ? Certainement pas au peuple gabonais…

Six mois après avoir perdu le pouvoir, lors d’un coup d’État perpétré par son propre cousin, Ali Bongo vient d’être évincé de la présidence du Parti démocratique gabonais (PDG), fondé par son père, dans un putsch orchestré par des personnalités qui passaient pour ses plus fidèles collaborateurs. Comment expliquer que le sort accable autant le fils et successeur d’Omar Bongo ?

L’on ne peut que supposer qu’il n’a pas su bien s’entourer. Ou que ceux qui l’entourent savent comment le traiter. Peut-être devrait-il, lui qui aime tant la musique, méditer ces paroles contenues dans le Blues de Bamako, un morceau du Sénégalais Didier Awadi : « C’est dans la maison qu’on a tous les chiens ; ton pire ennemi, il est chez les tiens. Je demande à Dieu de stopper les miens, tous les judas qui m’embrassent et me serrent bien ».

Certains s’étonnaient du retour soudain, au-devant de la scène, de Bilie By-Nze, introuvable, lorsqu’en août 2023, Ali Bongo demandait à tous de faire du bruit, pour déjouer le coup d’État. Ce Premier ministre, d’ordinaire si prompt à répliquer aux critiques contre son héros, s’était muré dans un surprenant mutisme, pendant que le président appelait au secours. Le voilà qui réapparait, pour « sauver le parti ». Mais, jusqu’à ce jeudi 7 mars, nul n’imaginait que sauver le PDG reviendrait à asséner le coup de grâce à un président déjà à terre.

Après tout, c’est aussi son parti, qu’il veut voir survivre à la perte du pouvoir !

Son parti, soit ! Mais certains Gabonais rappellent que l’engagement politique de Bilie By-Nze, dernier Premier ministre d’Ali Bongo, a commencé dans l’opposition, aux côtés du célèbre Père Mba Abessole, alors adversaire irréductible d’Omar Bongo. C’est d’ailleurs à la faveur des ralliements à petits pas de son mentor au pouvoir que cet homme a fini par se mettre au service de ce régime, au point d’en devenir le meilleur défenseur, avec le zèle du converti. La question que soulève le spectacle donné cette semaine à Libreville à l’occasion du putsch au PDG, est de savoir quelles valeurs, quelles convictions constituent les fondements de ce parti, capable d’achever et d’humilier ainsi son leader, déjà à terre.

Le contrôle de l’appareil du PDG surpasse-t-il les valeurs chez ces personnalités qui défendaient naguère Ali Bongo envers et contre tout ? Personnalités qui seraient probablement encore à son service, en train de le défendre, s’il avait réussi à subtiliser la victoire aux élections. S’il n’avait pas perdu le pouvoir, la plupart le serviraient encore avec zèle, niant ses fautes, que l’ancien Premier ministre qualifie aujourd’hui d’erreurs. Dans cette indulgence sans limites qui régnait avant la perte du pouvoir, l’on se demande où pouvait bien se situer l’intérêt général, celui du peuple gabonais, que les putschistes du PDG prétendent vouloir défendre, en sauvant le parti.

Et ce dont ils sont capables, pour récupérer les restes du parti, est troublant, mais les Gabonais aimeraient bien comprendre leurs réelles motivations.

Ils veulent simplement préserver le parti le plus vieux du pays. N’est-ce pas suffisant ?

Que ce soit pour exister politiquement, ou pour monnayer immédiatement l’appareil, dans cette transition, le tempsédifiera assez vite les Gabonais sur leurs intentions. Mais, le pire est que nul, parmi ces putschistes du parti, ne parle de valeurs à préserver, d’idéologie à sauvegarder. Ont-ils seulement songé au fait que, autrefois parti unique, sous perfusion financière permanente de l’État, le PDG, même à l’avènement du pluralisme, a continué à vivre aux crochets de l’État, tout comme ses membres n’ont jamais perdu leur mentalité de parti unique, remportant chaque élection, quoique veuillent les électeurs ? Le cordon ombilical avec les finances publiques coupé, les putschistes devraient imaginer leur PDG avec, parfois, ces caisses vides, propres aux partis normaux. C’est, là, une réalité nouvelle, qu’il leur faudra vivre, pour comprendre le coût de la liberté, et mesurer l’intérêt des petites illusions putschistes.

Chronique de Jean-Baptiste de 9 mars 2024

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