« Le plus grand risque est de ne prendre aucun risque… Dans un monde qui évolue très rapidement, la seule stratégie qui échoue est de ne pas prendre de risques ». Ces mots de l’homme d’affaires Mark Zuckerberg, cofondateur du réseau social Facebook, résume parfaitement le « coup de poker » réussi par Ousmane Sonko, le charismatique leader du parti Pastef. « Sonko moye Diomaye, Diomaye moye Sonko ! » (Sonko c’est Diomaye, Diomaye c’est Sonko ! ». Quelle trouvaille ingénieuse !
En portant son dévolu sur Bassirou Diomaye Faye pour tenir haut le flambeau du projet commun, dès lors qu’il avait senti sa participation à l’élection présidentielle compromise, le maire de Ziguinchor avait misé gros. En lui mettant le pied à l’étrier, il lui avait transmis le témoin, poussant l’élégance de l’acte jusqu’à le laisser engranger, seul, les dividendes d’une sortie héroïque de la prison du Cap Manuel, porté en triomphe par des milliers de partisans en transes. Aujourd’hui, avec la victoire sans bavure obtenue par son alter ego, Ousmane Sonko confirme bien son statut de fin stratège politique.
Tel l’empereur romain Jules Cesar, Bassirou Diomaye Faye pourra dire, à juste titre, « Veni, vidi, vici » (Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu). Qui pouvait parier un seul kopeck sur cet illustre « inconnu » du landernau politique classique ? Pourtant, cet énarque brillant et à la limite effacé n’en reste pas moins un éminent fonctionnaire viscéralement attaché aux valeurs républicaines de droiture et, surtout, de rigueur. Nombreux étaient, sans doute, ceux qui s’interrogeaient sur la décision prise par Sonko de mettre en avant la candidature de Diomaye. Cela, au regard de la kyrielle de cadres tout aussi prêts à l’emploi.
Qu’on ne s’y trompe pas ! C’est surtout parce que l’ayant longtemps pratiqué, il le sait suffisamment rodé pour porter le combat et mener le projet à bon port. Fraichement sorti de prison, Bassirou Diomaye Faye a su tirer profit d’un encadrement de qualité assuré par des hommes et des femmes dont certains ont connu, il n’y a guère longtemps, les lambris dorés du pouvoir. Il a su, avant tout, se montrer digne d’arborer le costume taillé sur pièce pour Sonko, et par des envolées dont lui seul a le secret, réussir à galvaniser des foules acquises qui ont bravé la faim et la nuit pour l’accueillir et le célébrer.
Au-delà des programmes et projets de société déclinés par chacun des candidats, l’essentiel était de persuader les électeurs sur ses capacités réelles à diriger le Sénégal. A cet exercice, Diomaye s’est montré à la hauteur, perspicace et, comme Sonko, s’exprimant dans une rhétorique accessible au grand nombre. D’autre part, il a pu rassurer par son sens élevé du dépassement, en abordant certains sujets délicats. Il s’agit d’enterrer, définitivement, les épreuves douloureuses d’un passé récent, mais non les oublier. Pour autant, même s’il s’est gardé d’évoquer une probable « chasse aux sorcières », on retient une constance dans ses propos : la nécessité de préserver le bien commun. Par conséquent, la reddition des comptes s’impose.
Les belles perspectives qui s’offrent au pays, avec l’exploitation prochaine du pétrole et du gaz, la valorisation des ressources minières (or, zircon, fer, manganèse, etc.), mais aussi et surtout les réponses urgentes à apporter à une jeunesse déterminée et exigeante, sont autant de raisons qui commandent une évaluation rigoureuse des aptitudes réelles des uns et des autres à accéder à la magistrature suprême. Certes, les effets de foule n’ont pas manqué, mais la vérité des urnes est implacable !
Jusqu’à une période récente, quelques dinosaures politiques occupaient les devants de la scène, ne cédant aucune parcelle à la jeune génération. Avec l’avènement de Bassirou Diomaye Diakhar Faye, la relève est bien assurée. Aujourd’hui, des acteurs politiques et des leaders charismatiques de type nouveau tracent leur sillon, à la tête d’organisations ou de mouvements caritatifs. Ces jeunes qui ont pour noms Ousmane Sonko, Karim Wade, Barthélémy Dias, Guy Marius Sagna, Babacar Diop, entre autres, représentent, désormais, les nouvelles figures de l’alternance générationnelle en marche.
C’est une nouvelle ère qui s’ouvre pour le Sénégal, celle de l’espoir et de l’espérance pour une société anxieuse et déboussolée. La rencontre entre l’ancien président Abdoulaye Wade et le désormais nouveau locataire du palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor a valeur de symbole. Au-delà des échanges, on retient surtout le passage du flambeau entre la vieille garde politique et l’actuelle, un formidable coup de pouce qui préfigure un avenir radieux.
Gardons-nous, à l’aube de la nouvelle espérance, d’évoquer les sujets qui fâchent. Prônons, au contraire, la paix des braves et les retrouvailles autour d’un bien commun, la nation sénégalaise que nous avons en partage. La meilleure image qui s’impose à moi est celle-ci : les trois anciens chefs de l’État (Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall) présents pour l’investiture du nouveau président de la République, avec le doyen Amadou Makhtar Mbow comme témoin, pour l’Histoire. A la place de la Nation, à l’esplanade du Grand théâtre ou, pourquoi pas, au stade du Sénégal Abdoulaye Wade. Après le magnifique sursaut qualitatif du peuple sénégalais, n’est-il pas permis de rêver ?
Bonne semaine !
Karim DIAKHATÉ
Directeur de publication
du magazine LE PANAFRICAIN