19 août 2017, 19 août 2024. Cela fait sept (07) ans jour pour jour que Tikpi Atchadam a fait une percée remarquable sur la scène politique et déclenché un mouvement de contestation porteur d’espoirs les plus fous. Mais tel qu’apparu, Tikpi Atchadam a disparu de la circulation, comme un OVNI (objet volant non identifié). Laissant nombre de Togolais sur leur soif, avec un sentiment de goût d’inachevé.
« Son nom est sur toutes les lèvres. Prononcé avec des accents divers : avec espérance par ses partisans, marqué d’un mépris jaloux par les opposants historiques ou sur l’air du soupçon dans les cabinets ministériels ». Cet extrait du confrère Le Monde sur Tikpi Atchadam est assez expressif du « phénomène » qu’il a créé. Personne ne l’a vu venir, même pas le pouvoir en place qui a le don (sic) de prévoir des choses, découvrir tout embryon de complot d’atteinte à la sûreté de l’Etat chez un fœtus. D’aucuns croient dur comme fer qu’il a eu recours au spirituel. Mais il a surpris agréablement avec son coup d’essai qui s’est révélé de maitre.
Naissance du phénomène Tikpi
19 août 2017, Lomé s’embrase. Dans la zone d’Agoènyivé, notamment au niveau du pont aérien abusivement appelé « échangeur », une marée humaine de rouge vêtu prend d’assaut le lieu. C’étaient les militants du Parti national panafricain (PNP) ainsi sortis au premier jour des 48 heures de manifestations appelées par le parti pour réclamer le retour à la Constitution de 1992, en un mot l’alternance à la tête du pays.
Des manifestations de contestation du pouvoir en place, il y en avait déjà à profusion. Même quelques jours auparavant, l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et ses partenaires du Collectif pour l’alternance politique en 2015 (CAP 2015) étaient dans la rue. Mais l’initiative de Tikpi Atchadam et son parti avait ceci de particulier que les manifestations de contestation étaient synchronisées, avaient lieu pour la toute première fois aussi dans des villes de l’intérieur du pays comme Sokodé, Kparatao, Kpalimé, Bafilo, mais également dans la diaspora. Du jamais vu tout au long du combat pour l’alternance démocratique au Togo. C’était aussi la toute première fois que des compatriotes de ce qui était abusivement appelé le Nord se soulèvent aussi massivement contre le pouvoir en place.
Ce jour-là, il y eut répression farouche soldée par des morts, blessés et arrestations. Parmi les appréhendés, le Secrétaire Général Dr Kossi Sama. Mais c’était une réussite totale. Qu’à cela ne tienne, Tikpi Atchadam appelle à la poursuite des manifestations. Mais comment? Le PNP et ses militants doivent-ils affronter seuls cette répression ? C’est alors Atchadam que Tikpi fit appel à Jean-Pierre Fabre, à l’époque chef de file de l’opposition. « Je demande au nom du peuple togolais, au leader de l’opposition, Jean-Pierre Fabre, de prendre des mesures nécessaires dans le sens de l’amplification des mouvements à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Grand frère, l’heure de l’unicité d’actions a sonné. Le peuple togolais nous appelle, tu dois répondre; et je sais que tu vas répondre », a-t-il lancé.
La mayonnaise prend et l’unité d’action souhaitée voit le jour. Le PNP se joint alors à treize (13) autres formations politiques regroupées au sein de CAP 2015 et du Groupe des 6 pour former la Coalition des 14 partis de l’opposition (C14). C’est le début d’une marche ensemble.
Regain d’espoir
L’opposition était dans la routine et les espoirs d’alternance perdus, il y avait essoufflement de la lutte. Mais Tikpi Atchadam avait réussi à les ressusciter et redonner un nouveau souffle au combat. Avec la naissance de la C14, les manifestations avaient pris une autre ampleur et lieu toutes les semaines. Ce n’était plus le PNP seul, mais toute l’opposition réunie, et bien plus, les populations qui ont pris la relève.
De Lomé à Sokodé en passant par Bafilo, Kpalimé et autres localités, les rues étaient prises d’assaut par les Togolais plus que jamais déterminés à réclamer l’alternance. C’est le départ immédiat du pouvoir de Faure Gnassingbé qui était réclamé. Cette unicité d’action et les manifestations avaient ébranlé le régime en place. Dans le sérail, on ne savait pas où donner de la tête. Le pouvoir crut parvenir à décourager les Togolais avec la répression qui montait en gamme. A côté des forces de sécurité et de défense conventionnelles, il eut recours à ses miliciens qui prestaient au vu et au su de tous. Peine perdue. La mobilisation était de jour en jour forte.
Pour l’une des rares fois, toutes les caméras du monde étaient braquées sur le Togo, les chaines internationales ne parlaient que de la mobilisation populaire. Il y eut une bonne vingtaine de manifestations étalées sur plusieurs mois. Tikpi Atchadam avait lui-même personnellement assisté à peine à une demi-dizaine de marches. Mais ce regain de mobilisation était à mettre à son actif. il était devenu ce héros national, ce messie tant espéré. Son nom était dans toutes les bouches. Beaucoup croyaient que cette fois-ci était la bonne, que l’alternance était déjà acquise. Au sein du pouvoir, c’est la panique totale. Faure Gnassingbe fut obligé de de faire appel à la CEDEAO et ses chefs d’Etat pour le sauver.
Goût d’inachevé
Tikpi Atchadam est venu bousculer la scène politique, déplacer les pions. Il a su redonner vie à une lutte qui s’est enlisée, avec des acteurs fatigués. Il était adulé et savait redonner vie par son charisme et ses discours. Ses messages étaient désirés. Mais tout cela, pour quel résultat ? L’espoir suscité s’est très vite transformé en déception.
Répression, lobbying international, diabolisation du PNP et de son leader…le pouvoir n’a ménagé aucun moyen pour étouffer la contestation. Tikpi et son parti étaient taxés de terroristes et de djihadistes et un véritable travail de sape a été fait pour les peindre comme tels. La mort, à Sokodé, de deux (02) militaires offrira le prétexte royal. La répression eut raison de la mobilisation. Mais l’opposition même facilitera les choses au pouvoir en place par ses choix et divisions.
La C14 se fera gruger par la CEDEAO, par le biais des fameuses négociations, véritable piège à con. Ayant cru en la bonne foi des facilitateurs, les leaders et partis de la Coalition se firent avoir, avec cette exigence : arrêter les manifestations durant les pourparlers. Mais la montagne accoucha d’une souris. Les divergences, querelles d’ego, mauvais choix et autres calculs politiciens prendront le dessus et plomberont cette unicité d’action. Le boycott des élections législatives de décembre 2018 sera le coup fatal qui va sceller la mort de cette coalition.
Le coup de grâce, la Ve République
Aujourd’hui, le 19 août 2017 n’est plus qu’un lointain souvenir, évoqué avec regret et nostalgie. Ce jour-là, la restauration de la constitution de 1992 était le “combat” de tout un peuple. Mais le comble de l’histoire, c’est que ce coup de grâce que le régime vient d’infliger à cette constitution, en orchestrant ce qui est désormais perçu comme un véritable coup d’État constitutionnel, anéantissant les acquis de cette lutte acharnée. Le pays, tel un bolide en pleine course de Formule 1, a été précipité dans un virage abrupt vers ce que le régime appelle Ve République.
Tikpi Atchadam, quant à lui, a pratiquement disparu des radars. Depuis octobre 2017 où il a détalé, personne ne sait au juste où il se trouve et ce qu’il est devenu. Même son parti, à l’époque tout feu tout flamme, n’est que l’ombre de lui-même. L’homme ne donne plus signe de vie que par quelques rares sorties sur les réseaux sociaux, toujours dans l’optique de galvaniser le peuple à poursuivre son combat. Mais, hélas, les échecs répétés ont fini par épuiser la détermination du peuple, qui semble de plus en plus désillusionné. Les tentatives des forces politiques de l’opposition pour reprendre la lutte sont sans succès. Mêmes les organisations de la société civile à la rescousse peine à mobiliser contre ce pouvoir cinquantenaire.
IciLome avec le Journal L’Alternative/Titre original : 19 août 2017 / Tikpi Atchadam: une symphonie inachevée