Paul Arnaud DEGUENON
Le drame survenu le 13 décembre 2024 à Agoè-Zongo, en périphérie nord de Lomé, illustre tragiquement les conséquences mortelles d’un système gangrené par la corruption. Huit morts et trois blessés graves : tel est le bilan provisoire de l’effondrement d’une passerelle piétonne percutée par un camion transportant du gaz. Cette tragédie évitable n’est que la partie visible d’un iceberg de corruption qui mine le développement du pays. Elle rappelle cruellement que la corruption ne fait pas que vider les caisses de l’État – elle tue.
Ce tragique événement prouve à dessein les failles profondes d’un système miné par la corruption. Selon des enquêtes récentes, 57 % des citoyens togolais estiment que la corruption s’est aggravée ces dernières années. Ces chiffres ne sont pas de simples données abstraites ; ils se traduisent par des pratiques qui compromettent directement la sécurité publique.
Par exemple, comment un camion surdimensionné, clairement inadapté à la hauteur et au gabarit de la passerelle, a-t-il pu circuler librement sur un axe majeur ? La réponse réside dans les 7 milliards de FCFA de pots-de-vin versés chaque année au Togo. Ces pratiques compromettent non seulement l’application des règles, mais elles ouvrent la voie à des violations systématiques des normes de construction et de sécurité.
Une administration complice et des infrastructures sacrifiées
Les dérives ne s’arrêtent pas à la corruption policière ou administrative. Les infrastructures elles-mêmes portent les stigmates de ces dysfonctionnements. Une passerelle piétonne comme celle d’Agoè-Zongo n’aurait jamais dû céder à un tel choc si elle avait été construite selon les normes en vigueur. Or, les soupçons se tournent déjà vers les entreprises en charge de la construction, dont les responsables sont actuellement auditionnés. La négligence dans le choix des matériaux, les surcoûts liés à des malversations, et le manque de suivi technique régulier sont autant de pistes qui illustrent comment la corruption dégrade la qualité des infrastructures.
Dans un pays où 45 % des citoyens doivent « graisser la patte » pour accéder aux services publics, cette culture de l’impunité érode à tous les niveaux les bases du développement. Les routes, ponts, écoles et hôpitaux deviennent les victimes collatérales de ces pratiques. Les conséquences ne sont pas uniquement financières : elles sont humaines, comme le démontrent les vies perdues dans cet événement.
Les chiffres accablants d’un système à réformer
Au-delà de cet accident, les statistiques révèlent l’ampleur du fléau. Entre 2013 et 2014, 3258 milliards de FCFA de flux financiers illicites ont quitté le Togo. Ce montant astronomique aurait pu être investi dans la construction d’infrastructures modernes et durables. En lieu et place, ces fonds enrichissent une élite privilégiée, laissant les citoyens supporter les coûts de leur absence.
Malgré les annonces régulières du gouvernement, telles que l’ouverture d’enquêtes et la mise en place de commissions d’enquête, les réformes systémiques tardent à être appliquées. La volonté politique pour réguler les flux financiers illicites, sécuriser les investissements publics et assainir l’administration reste encore à démontrer.
La corruption tue
L’effondrement de la passerelle d’Agoè-Zongo n’est pas seulement un accident tragique ; il est le symptôme d’un problème plus profond qui affecte le développement du Togo. La corruption ne se contente pas de siphonner les ressources publiques ; elle met en péril les infrastructures, créant un cercle vicieux où les populations doivent payer à la fois par leur argent et par leur vie.
Dans ce contexte, il est crucial de réfléchir à des réformes structurelles et à une véritable responsabilisation des acteurs publics et privés. Tant que les systèmes de contrôle resteront poreux et que les pots-de-vin seront perçus comme une norme, des drames comme celui d’Agoè-Zongo continueront de se produire, rappellant à tous que la corruption tue.
Source : Beninwebtv