Interview / Nathaniel Olympio : « L’an 2025 s’ouvrira sur une nouvelle ère pour le Togo. J’y crois avec force et conviction »

Dans une interview accordée au journal La Manchette, dans sa parution n°334 du lundi 23 décembre 2024, Nathaniel Olympio, porte-parole du front « Touche Pas À Ma Constitution », dresse le bilan sociopolitique de l’année 2024. L’opposant y expose les ambitions qu’il nourrit au quotidien pour le Togo et ses citoyens. Tout en adressant ses vœux de Nouvel An au peuple togolais, il reste fermement convaincu que l’année 2025 marquera l’aube d’une nouvelle ère pour le Togo. Bonne lecture.

Que retenez-vous de l’année 2024 sur le plan politique ?

Nathaniel Olympio: 2024 est une année de bascule. C’est l’année d’une grande fissure dans la carapace politique du régime, jusque-là présentée comme solide et compacte. C’est simple. Faure Gnassingbé a changé la Constitution sans consulter le peuple, mais il s’est aussi gardé d’informer plusieurs de ses proches de son initiative. Bon nombre d’entre eux l’ont découvert en même temps que le peuple togolais. Certains ont même avoué publiquement n’avoir pas vu le texte de la Constitution avant son adoption.

Or, en s’octroyant une présidence à vie avec la nouvelle Constitution, le chef de l’Etat brise le rêve de tous ceux qui avaient, dans son entourage, l’ambition légitime de le remplacer en 2030, après son 5e et supposé dernier mandat. En soutenant mordicus le chef de l’Etat, ils travaillaient aussi pour leurs ambitions personnelles. Mais, tous ces piliers du pouvoir ont compris qu’ils n’étaient finalement que des instruments de soutien et que leurs propres ambitions ne se réaliseraient jamais. Alors, ça grogne en sourdine et ça soutient désormais, bon gré mal gré, le régime avec moins d’enthousiasme. Même s’ils ne peuvent pas s’exprimer ouvertement, la déception les tient aux tripes et ils sont pris dans leurs propres contradictions.

Cet affaiblissement politique vient s’ajouter aux déchirures publiquement mises à jour, au sein de la hiérarchie militaire qui porte le régime, suite au procès de l’assassinat du colonel Toussaint Bitala Madjoulba. Est-il possible de dire que ce drame d’une grande violence à l’intérieur d’un camp militaire puisse laisser les Togolais insensibles ?

En plus de cela, il y a la levée de boucliers du peuple, des organisations de la société civile et des partis politiques contre le coup d’Etat constitutionnel du changement de Constitution, perpétré en avril dernier. Cette fronde est toujours très intense jusqu’à présent.

A cela s’ajoute le fait que l’année 2024 a été très éprouvante pour la population. Les Togolais n’ont jamais eu autant de difficulté à se nourrir, à se soigner et à payer les frais de scolarité de leurs enfants. Et cela concerne la très grande majorité, fonctionnaires ou non, civils ou personnes en tenue.

Les Togolais ont faim, au point de se battre pour récupérer du riz avarié sur un dépotoir. Ce ne sont pas des scènes que l’on voit souvent à Lomé. Mais l’année 2024 a été difficile pour les familles, car la situation se dégrade au quotidien et les Togolais s’enfoncent davantage dans la précarité.

Pendant ce temps, une minorité s’enrichit sur le dos des pauvres, avec les scandales de corruption qui se succèdent dans une impunité totale que toute la population constate.

Tout cela fragilise considérablement le régime, car le peuple et les forces pro-démocratie ne sont plus les seuls à espérer la fin du régime. Dans son propre camp, et au sein de ceux qui lui sont le plus proches, le chef de l’Etat s’est créé des adversaires politiques, même si ces derniers ne le formulent pas encore, par prudence.

Alors, quand on met tout ça bout à bout, la faim du peuple dans son ensemble, sa colère contre la corruption et l’impunité, la contestation du coup d’Etat constitutionnel et la déception des personnes clefs du régime, on comprend aisément que le pouvoir est au bord du précipice, prêt à tomber.

Quelle est actuellement votre préoccupation majeure pour le Togo ?

Nathaniel Olympio: Je suis particulièrement préoccupé par l’après changement. Tous les régimes de dictature finissent par tomber. Proche de nous, cela a été le cas il y a quelques années avec Blaise Compaoré au Burkina-Faso, après 26 ans de pouvoir. Il y a aussi l’actualité en Syrie, avec la chute de Bachar el-Assad qui avait succédé à son père, ayant confisqué le pouvoir tous les deux pendant de plusieurs décennies. Cela se produira aussi au Togo, même si le régime pense qu’il est fort et indéboulonnable.

Nous devons donc réfléchir et anticiper sur les événements, pour que le changement que nous espérons tant ne débouche pas sur le désordre et l’instabilité. C’est extrêmement important.

Bien sûr les Togolais sont en colère. Bien sûr les Togolais ont enduré beaucoup de frustrations, de souffrances et de traumatismes pendant des décennies. Mais, sans oublier les reconnaissances de statut de victimes et les accompagnements qui s’imposent, il faut parler aux Togolais et canaliser leurs émotions afin que les énergies soient consacrées à la construction du pays et non à s’engager dans une chasse aux sorcières qui créera inévitablement une nouvelle instabilité.

En cette fin d’année, si on vous demandait de formuler un seul vœu pour le Togo, lequel serait-il ?

Nathaniel Olympio: Mon principal vœu serait que Faure Gnassingbé soit éclairé d’une illumination soudaine et qu’il décide de créer les conditions d’une transition pacifique avant de se retirer paisiblement des affaires de l’Etat. Si tel était le cas, alors, comme Matthieu Kérékou au Bénin, les Togolais pourraient ne garder essentiellement de lui que ce dernier acte de pacification.

Quelles sont vos ambitions pour le Togo ?

Nathaniel Olympio: Le Togo est un pays d’à peine 8 millions d’habitants. Un pays d’une grande richesse humaine, doté de solides ressources naturelles, comme l’or, le manganèse, le marbre, le fer, le clinker, le phosphate, l’uranium et bien sûr le port en eau profonde naturelle.

Avec une bonne gestion, je vois la richesse par tête d’habitant passer d’environ 1.000 dollars aujourd’hui au double, en à peine cinq ans environ.

Avec 70% de la population ayant moins de 30 ans, je vois une jeunesse à qui on se doit d’offrir une ouverture sur le monde, en l’outillant avec une éducation solide, qui lui permette de libérer son génie créateur en s’appuyant sur sa propre culture.

Pour que la jeunesse soit le fer de lance du développement du pays, j’ambitionne qu’on offre à la population un Etat de droit, avec le respect des droits humains et des libertés publiques, tout en promouvant les valeurs démocratiques dans une société de justice équitable.

Pour que tout cela fonctionne harmonieusement, et que le développement s’amorce sérieusement, mon ambition est que l’on dote le pays d’une architecture juridique solide. Celle qui va permettre à chaque institution de fonctionner dans les limites de ses prérogatives et surtout qu’elle puisse exercer pleinement ses attributions en toute indépendance.

Voilà les ambitions que je nourris chaque jour pour le Togo et les Togolais, dans le but d’asseoir les fondations qui vont porter un vivre-ensemble harmonieux et un mieux-être pleinement perceptible.

L’année 2025 doit s’ouvrir sur une nouvelle ère pour le Togo et pour chaque Togolais, sans laisser personne au bord du chemin. J’y crois avec force et conviction.

Bonne et heureuse année à toutes et à tous.

Source: journal La Manchette, Parution N°334 du lundi 23 Décembre 2024

2 thoughts on “Interview / Nathaniel Olympio : « L’an 2025 s’ouvrira sur une nouvelle ère pour le Togo. J’y crois avec force et conviction »

  1. Bien sûr qu’il y aura un changement pour le peuple togolais en 2025,et ce n’a rien à voir avec la politique… Inchalla.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *