Depuis l’annonce des mesures sociales prises par le chef de l’État, Faure Gnassingbé, le 24 décembre 2024, visant à accompagner les foyers en cette période festive, notamment par l’octroi d’une prime exceptionnelle de 60 000 FCFA aux fonctionnaires, retraités, Forces armées togolaises (FAT) et enseignants du confessionnel, les réactions fusent. Si l’initiative est largement saluée dans un contexte marqué par la cherté de la vie, elle suscite également des critiques, notamment sur son caractère discriminatoire et son impact limité à long terme.
Un geste salutaire dans un contexte de crise
Cette mesure sociale s’inscrit dans un contexte économique particulièrement tendu. La hausse des prix des produits de première nécessité et l’érosion continue du pouvoir d’achat ont fragilisé de nombreuses familles togolaises. Pour les fonctionnaires, bien que régulièrement rémunérés, les charges supplémentaires de fin d’année rendent difficile la satisfaction des besoins essentiels.
Dans cette optique, l’octroi d’une prime de 60 000 FCFA constitue une bouffée d’oxygène. Elle permet à ses bénéficiaires d’alléger leurs charges immédiates et agit comme un moteur de relance économique, particulièrement dans les zones rurales. Les petits producteurs, souvent confrontés à des difficultés pour écouler leurs produits, voient une opportunité de générer des revenus supplémentaires.
Cependant, si l’initiative soulage certains, elle soulève une question de fond : pourquoi exclut-elle une grande partie de la population active, notamment les travailleurs du secteur privé et informel ?
Une mesure restrictive et inégalitaire
L’un des reproches majeurs formulés à l’égard de cette décision est son champ d’application limité. En ciblant exclusivement les fonctionnaires, retraités, FAT et enseignants du confessionnel, elle laisse de côté les millions de travailleurs du secteur privé et informel. Ces derniers, pourtant nombreux et essentiels à l’économie nationale, contribuent largement aux recettes fiscales par le biais des impôts et des taxes.
Cette inégalité de traitement crée un sentiment d’exclusion et d’injustice, particulièrement chez les acteurs du secteur informel. Ils ne bénéficient pas de filet de sécurité sociale ni de primes exceptionnelles, malgré leur contribution significative à la dynamique économique nationale. Pour certains observateurs, cette mesure risque d’amplifier les disparités sociales et de marginaliser davantage ces catégories souvent vulnérables.
Une question sur la gestion des priorités budgétaires
Au-delà de la dimension sociale, cette décision soulève des interrogations sur sa faisabilité budgétaire. Estimée à 7,85 milliards FCFA, selon la porte-parole du gouvernement, Mme Yawa Kouigan, cette dépense arrive dans un contexte de déficit budgétaire alarmant. Le dernier rapport de l’Observatoire de la Gestion des Finances Publiques togolaises (OGFIP-TOGO) révèle une dette publique atteignant 4 070 milliards FCFA.
Sur quelle ligne budgétaire cette somme sera-t-elle prélevée ? Quels sacrifices ou réallocations cette décision impliquera-t-elle ? Autant de questions qui restent sans réponse. Dans les économies avancées, les gouvernements privilégient des réformes structurelles pour soulager les citoyens, telles que des augmentations salariales ou des politiques fiscales adaptées. À l’inverse, l’approche togolaise semble ponctuelle et insuffisante pour répondre durablement aux défis économiques.
Des alternatives pour un impact durable
Pour éviter que de telles initiatives ne se limitent à des effets immédiats, il est crucial de privilégier des réformes en renforçant les mécanismes de contrôle pour lutter efficacement contre la corruption et les détournements de fonds publics, qui affaiblissent la capacité de l’État à investir dans des projets structurants.
Par ailleurs, le cumul des postes et les avantages indus doivent être limités afin de rationaliser les dépenses publiques. Une telle rationalisation permettrait de réorienter les ressources vers des secteurs prioritaires, comme la santé et l’éducation, ou vers une revalorisation des salaires alignée sur le coût de la vie.
De plus, le gouvernement doit accorder une attention particulière au secteur privé et informel en facilitant l’accès aux financements et en allégeant les charges fiscales. Ces mesures permettraient d’encourager l’entrepreneuriat et de stimuler l’économie tout en garantissant une redistribution équitable des ressources nationales.
Enfin, promouvoir une justice sociale véritable et inclusive nécessite de placer la transparence et la lutte contre l’impunité au cœur des priorités nationales. Ces réformes profondes sont indispensables pour transformer durablement les conditions de vie des populations et restaurer la confiance des citoyens dans les institutions publiques.
Cette mesure sociale, bien qu’applaudie pour son intention de soulager les ménages en cette période critique, met en lumière les défis plus larges auxquels le Togo est confronté. Elle reflète une gestion des priorités parfois mal adaptée aux réalités économiques et sociales.
Tout en saluant l’initiative, il est impératif d’inviter le président Faure Gnassingbé à inscrire ses actions dans une vision plus large de justice sociale et de bonne gouvernance. Les solutions ne résident pas dans des mesures ponctuelles, mais dans des réformes inclusives capables de répondre durablement aux attentes des Togolais et de bâtir une économie résiliente.
Ricardo A.
Le togolais est très solidaire… Espérons que cette prime ponctuelle permettra à ceux qui l’ont reçue de toucher beaucoup plus de membres de leur famille. Cette prime ne devrait pas être accordée à tous les fonctionnaires… Sont-ils tous vulnérables ? Et les retraités de la CNSS ? Ne peut-on pas y trouver des vulnérables..?