Dans son message de vœux pour l’année 2025, Dr. Christian Spieker, président de l’Association Germany is Back, a abordé l’une des questions les plus débattues de la politique togolaise actuelle : la transition vers un régime parlementaire. Ancien aspirant à la présidence et résident en Allemagne depuis plus de 25 ans, Spieker a réitéré son soutien à ce changement, tout en formulant plusieurs critiques sur la manière dont il est actuellement mis en place au Togo.
Un défenseur constant du régime parlementaire
Depuis plusieurs années, Dr. Spieker milite en faveur du passage à un système parlementaire au Togo, et il a réaffirmé son engagement dans ce sens. Il a rappelé que, dès 2015, il avait adressé un courrier à la présidence togolaise pour suggérer cette transition. “Ce qui nous manque au Togo, c’est la démocratie”, a-t-il déclaré. “C’est pourquoi j’ai toujours défendu le changement de système politique pour notre pays vers le régime parlementaire.”
Pour Spieker, ce changement est inspiré de son expérience en Allemagne, un pays dont il souligne le système politique stable et la force économique, qu’il attribue en grande partie à son régime parlementaire. “Je suis constant dans mes souhaits de voir un jour le Togo devenir un régime parlementaire”, a ajouté le président de Germany is Back, précisant que cela faisait partie de son programme politique lorsqu’il s’était présenté à la présidentielle de 2020, avant de se retirer.
Critiques sur la mise en œuvre du système parlementaire au Togo
Si Dr. Spieker soutient le passage au système parlementaire, il n’hésite pas à dénoncer les erreurs de mise en œuvre du projet actuel. Il pointe particulièrement deux aspects qui, selon lui, nuisent à la crédibilité du changement : la procédure législative et la manière dont le système va fonctionner.
“Ce que je n’ai pas aimé dans son avènement, c’est la manière dont il est mis en place et la manière dont son fonctionnement sera appliqué”, a-t-il indiqué, insistant sur le fait que la transition ne respecte pas certains principes constitutionnels fondamentaux.
1- Le manque de référendum et des élections législatives illégitimes
L’une des premières critiques de Dr. Spieker concerne le processus d’adoption du système parlementaire. Selon lui, cette réforme devrait avoir été soumise à un référendum, conformément à l’article 59, alinéa 2 de la Constitution de 1992, qui prévoit expressément un tel processus pour tout changement de système politique. “Ce changement doit être soumis au peuple par référendum pour son vote et expliqué son bien fondé et non pas l’imposer au peuple”, a-t-il souligné.
Dr Spieker va plus loin en évoquant la contradiction juridique liée aux élections du 29 avril 2024, qui se sont tenues sous l’ancienne Constitution, avant que la loi instaurant le système parlementaire ne soit promulguée le 6 mai 2024. Dr Spieker ne comprend pas comment une loi promulguée après les élections pourrait-elle s’appliquer à des élections qui ont déjà eu lieu. “Les députés élus avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle du 6 mai 2024 ne peuvent pas élire en congrès le Président de la république sous le régime parlementaire. Juridiquement ça ne tient pas la route”.
Pour étayer son propos, Dr. Spieker compare cette situation à celle de 2015, lorsque le Togo a modifié la Constitution pour limiter le nombre de mandats présidentiels, mais a veillé à ce que cette modification ne soit pas rétroactive. Il dénonce ainsi une incohérence dans l’application des lois, qui remet en cause la légitimité du processus.
2 – Le choix du futur Premier ministre : une question de légitimité
Un autre point de friction concerne la désignation du futur Président du Conseil des ministres, l’équivalent du Premier ministre dans le nouveau système parlementaire. Dr. Spieker s’inquiète de la possibilité qu’un leader de parti, comme le président actuel, soit choisi pour ce poste sans avoir été élu député lors des élections législatives de 2024. “Ce qui est encore plus flagrant, comment peut-on vouloir choisir un chef de parti comme Président du Conseil des ministres alors qu’il n’a pas participé aux élections législatives ?”, s’interroge-t-il. “En plus cette élection est aussi antérieure à ce système parlementaire qui prévoit le poste. Le régime parlementaire ne fonctionne pas comme ça, nulle part”, a-t-il déploré.
L’ex prétendant à la présidence rappelle que dans les régimes parlementaires en vigueur dans des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou l’Inde, cités comme exemples par le chef de l’État Faure Essozimna Gnassingbé le 31 décembre dernier, le Premier ministre doit obligatoirement être un député élu lors des élections législatives. “Même si son parti gagne, le chancelier ou Premier ministre doit d’abord être élu député”, a-t-il précisé, citant l’exemple de la politique allemande où, même après une victoire électorale, un chef de parti ne peut devenir chancelier sans avoir été élu député au préalable.
Appel à des élections législatives légitimes en 2025
Face à ces incohérences, Dr. Spieker appelle à l’organisation de nouvelles élections législatives en avril 2025, sous la nouvelle loi du 6 mai 2024, afin de garantir la légitimité du système parlementaire. “C’est pourquoi, je suggère au gouvernement que de nouvelles élections législatives soient organisées en avril 2025 sous cette loi nouvelle du 6 mai 2024 de façon légale et légitime pendant cette période transitoire auxquelles tous les chefs des partis politiques sans exception, doivent participer pour être élus députés si leur ambition est de devenir Président du conseil des ministres”, a-t-il insisté.
En outre, il est essentiel, d’après lui, que le peuple togolais sache, avant les élections, quel candidat chaque parti proposera pour ce poste crucial. “Le peuple togolais doit savoir à l’avance, le candidat de chaque parti pour le poste du Président du conseil des ministres avant les élections législtatives…Cette condition est obligatoire partout dans les régimes parlementaires. Ça doit être pareil au Togo.”
Dr. Spieker conclut son intervention en soulignant l’importance d’une mise en œuvre correcte du régime parlementaire pour l’avenir démocratique du pays. “N’oubliez pas que ce régime parlementaire togolais sera désormais enseigné dans les Facultés de Droit au Togo. Qu’est-ce qu’on va enseigner aux étudiants si vous faussez déjà son fonctionnement ?”
En somme, bien que Christian Spieker soutienne la transition vers un régime parlementaire, il insiste sur la nécessité d’une mise en œuvre légale et conforme aux principes démocratiques. Ses critiques pointent une série d’incohérences qui, selon lui, pourraient compromettre le bon fonctionnement de ce système et la légitimité des autorités élues dans le cadre de cette transition.