Christian Agbobli est né au Togo, petit pays d’Afrique de l’Ouest de 9,6 millions d’habitants. Au tournant de la vingtaine, à l’instar de nombreux collègues africains, il quitte son pays pour aller étudier en France. Il obtient un diplôme d’études générales en lettres et civilisations étrangères à l’Université de Poitiers en 1995, puis une licence en langues savantes et étrangères en 1996. «Tout jeune, j’étais fasciné par l’histoire des cultures et des civilisations, et par les langues étrangères comme l’anglais, l’allemand et le vietnamien que j’ai apprises», confie le vice-recteur à la Recherche, à la création et à la diffusion.
C’est à cette époque que son attirance pour le Québec et sa culture se développe. «Au Togo, nous connaissions Céline Dion, déjà très populaire», dit-il avec un sourire. La tenue du deuxième référendum sur la souveraineté, en 1995, nourrit son intérêt. «À l’Université de Poitiers, cela générait beaucoup de discussions chez les étudiants africains, dont plusieurs, issus d’anciennes colonies, s’identifiaient au Québec.»
Depuis Poitiers, Christian Agbobli soumet une demande pour étudier à l’UQAM en communication. «Cela correspondait à une double envie: découvrir un nouveau pays, le Québec, et m’engager dans un domaine d’études alors en expansion, les communications.»
Christian Agbobli n’a pas choisi l’UQAM au hasard. «L’UQAM était connue au Togo, affirme-t-il. Certains de ses professeurs y menaient des recherches avec des collègues togolais.» Au fil de ses recherches sur les possibilités d’études au Québec, l’UQAM est ressortie comme un établissement réputé en communication. «Le professeur Claude-Yves Charron, par exemple, était reconnu pour ses travaux en communication internationale et interculturelle.»
Double diplômé
Christian Agbobli est un double diplômé en communication de l’UQAM. Il obtient une maîtrise en 1999 et un doctorat en 2006, dans le cadre du programme conjoint UQAM-Concordia-Université de Montréal. Parallèlement à ses études, il enseigne à titre de chargé de cours à la Faculté de communication, de 2001 à 2006.
Sa thèse de doctorat porte sur les usages d’internet par les communautés défavorisées au Sénégal. «Au début des années 2000, le web, perçu comme un eldorado technologique, suscitait énormément d’espoir. Je voulais comprendre dans quelle mesure ses promesses de démocratisation et de réduction des inégalités se réalisaient au sein des populations défavorisées. Les résultats de ma thèse illustraient une réalité nuancée.»
Son doctorat en poche, Christian Agbobli obtient un poste de professeur au Département de communication sociale et publique et continue de s’intéresser aux outils de communication comme facteur de changement et de progrès social, favorisant l’expression citoyenne.
Christian Agbobli constate que notre société dispose aujourd’hui de beaucoup plus d’informations et de données qu’auparavant. Le défi, dit-il, consiste à faire le tri et à en tirer le meilleur.
« Les dispositifs techniques de communication sont maintenant plus nombreux. Communiquons-nous mieux pour autant? C’est la grande question. Avec mes étudiants, j’insiste toujours sur le sens premier de la communication: échange, communion, partage. Certains instrumentalisent et exploitent les outils de communication pour dominer et conquérir, alors que d’autres les utilisent à des fins positives ». Cristian Agbobli, Vice-recteur à la Recherche, à la création et à la diffusion.
Spécialiste en communication internationale et interculturelle
Peu de temps après son embauche à l’UQAM, Christian Agbobli participe à la fondation du Groupe d’études et de recherches axées sur la communication internationale et interculturelle (GERACII), qu’il dirige durant 10 ans et dont il est toujours membre.
«Ce champ de recherches était davantage enraciné en milieu anglophone, observe le professeur. Notre objectif était d’en renforcer la dimension francophone.» Il s’agissait de développer et de structurer ce domaine de recherches à l’UQAM, tout en assurant une relève parmi les étudiantes et étudiants. «C’est pourquoi nous avons créé, dans le cadre du programme de maîtrise, une concentration en communication internationale et interculturelle.»
Selon le vice-recteur, la création du GERACII a permis de positionner l’UQAM en tant que pôle d’expertise dans ce domaine d’études et de recherches au sein de la Francophonie. «Le GERACII est apparu comme un modèle en Afrique francophone et aussi en France.»
Au fil des ans, Christian Agbobli a effectué plus de 40 missions d’enseignement et de recherche en Europe, en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Membre de plusieurs comités scientifiques de revues, il a agi comme expert, notamment auprès du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur en France, et a été professeur invité dans des universités en France, en Côte d’Ivoire, au Maroc et en Martinique. En 2015, il a été nommé membre honoraire de l’Association internationale des études et recherches sur l’information et la communication.
«On ne peut pas faire de recherches et enseigner en communication internationale et interculturelle en restant dans son bureau de professeur, sans aller à la rencontre de personnes porteuses de cultures différentes.»
Que ce soit à l’étranger ou à l’UQAM, Christian Agbobli essaie de jouer un rôle de guide auprès de ses étudiantes et étudiants. «Au premier cycle, je cherche à élargir leurs horizons, à les aider à développer des compétences. Je veux semer en eux la graine de l’esprit critique. Aux cycles supérieurs, je leur dis que leur projet de mémoire ou de thèse doit s’appuyer sur un coup de cœur. Avec cette flamme de départ, il est plus facile de persévérer. Puis, je tente de maintenir un contact avec celles et ceux que j’ai encadrés et de suivre leur parcours.»
Défendre les valeurs de l’UNESCO
En 2018, le professeur devient titulaire de la Chaire UNESCO en communication et technologies pour le développement. Aujourd’hui, il en est le cotitulaire avec son collègue Destiny Tchéhouali. La création de la Chaire s’inscrivait dans le prolongement de la politique adoptée en 1989 par le Conseil général de l’UNESCO visant la promotion des cultures démocratiques et le développement des infrastructures médiatiques, la libre expression, le pluralisme dans le traitement de l’information et le respect des droits de la personne.
«Les valeurs de l’UNESCO m’ont toujours accompagné, depuis ma jeunesse au Togo jusqu’à aujourd’hui. Dans le préambule de sa charte, il est indiqué que la guerre prenant naissance dans l’esprit des êtres humains, c’est dans l’esprit des êtres humains que doivent être élevées les défenses de la paix.»
La Chaire vise à contribuer à l’atteinte des objectifs de développement durable de l’UNESCO, à développer des partenariats avec les pays du Sud et à faciliter la découvrabilité des contenus culturels et scientifiques francophones sur les plateformes numériques. «Les recherches menées à l’UQAM ont favorisé la mise à l’agenda du concept de découvrabilité et de ses implications pour la francophonie, souligne Christian Agbobli. La vitalité des productions culturelles de l’espace francophone dépend de plus en plus de leur accessibilité, de leur découvrabilité et de leur consommation diversifiée dans l’environnement numérique.»
La promotion et la défense du français représentent des enjeux importants aux yeux du vice-recteur. En novembre dernier, la Ville de Montréal l’a honoré pour ses contributions à la valorisation de la langue française, notamment à travers ses recherches sur la découvrabilité, des contenus francophones, son implication dans l’organisation de la Dictée P.G.L., grand rendez-vous des jeunes de la Francophonie, et dans la création de l’Observatoire francophone pour le développement inclusif par le genre (OFDIG), fruit d’un partenariat entre l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et l’UQAM.
Au service de la collectivité
Christian Agbobli a toujours essayé de maintenir un équilibre entre les trois composantes de la tâche professorale: l’enseignement, la recherche et le service à la collectivité, à l’interne comme à l’externe. Ainsi, il siège, depuis 2006, au comité expert sur le profilage racial du Service de police de la Ville de Montréal.
À l’UQAM, il a exercé la fonction de vice-doyen à la recherche et à la création à la Faculté de communication, de 2013 à 2014, et dirigé (par intérim) le programme de doctorat en communication en 2013 ainsi que l’unité de programmes de 2e cycle en communication, de 2010 à 2013, et le Département de communication sociale et publique, de 2017 à 2020.
«Le fait d’assumer ces responsabilités m’a permis de participer à l’animation de la vie facultaire et départementale, d’avoir une vue d’ensemble des recherches qui s’y menaient et, avec l’aide de mes collègues et d’étudiantes et étudiants, de mettre l’épaule à la roue pour développer la formation, notamment en modifiant le programme de maîtrise en communication et en y créant de nouvelles concentrations.»
Ces cinq dernières années, Christian Agbobli et son équipe du Vice-rectorat à la recherche, à la création et à la diffusion ont développé diverses initiatives visant à servir la communauté de recherche à l’UQAM. «Nous avons modifié plusieurs politiques associées à la recherche et avons assuré une représentation auprès des différents paliers de gouvernement afin de positionner l’UQAM et de faire valoir son point de vue sur l’importance de promouvoir la recherche libre et indépendante, de soutenir tous les types de recherche universitaire, qu’il s’agisse de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée ou de la recherche-action.»
Au cours des prochains mois, Christian Agbobli entend poursuivre le travail avec les facultés et école autour de projets spécifiques favorisant l’essor des sciences de la santé, la relance du Quartier latin et le développement d’un centre d’innovation en création numérique, en collaboration avec des entreprises et des OBNL, pour aider Montréal à se positionner comme la capitale de la créativité numérique.
«Depuis que je suis vice-recteur, ce qui me satisfait le plus est d’avoir participé à la mobilisation de toutes les expertises en soutien à la recherche et à la création. J’ai été un instrument dans le cadre d’un travail collectif.».
Dans un message adressé à la communauté universitaire, le 6 février dernier, le recteur, Stéphane Pallage, annonçait que Christian Agbobli, vice-recteur à la Recherche, à la création et à la diffusion, ne souhaitait pas solliciter le renouvellement de son mandat au terme de celui-ci, en juillet prochain. «Je tiens à saluer sa très grande contribution au développement de la recherche et de la création à l’UQAM, écrivait le recteur. Travailleur infatigable, il n’a ménagé aucune énergie pour promouvoir l’UQAM. Nous lui devons beaucoup.»
Entré en fonction en juillet 2020, Christian Agbobli dit être fier d’avoir pu servir la communauté de chercheuses et de chercheurs. «Ce fut un privilège, souligne-t-il. Chaque jour, j’étais impressionné par ce qui se faisait dans toutes les facultés et école en matière de recherche et de création. Maintenant, je souhaite continuer mon engagement envers l’enseignement et la recherche.»
Peu nombreuses sont les personnes noires qui, comme Christian Agbobli, occupent un poste de direction dans une université au Québec.
«Il y a toujours des défis pour différentes communautés dans notre société. C’est vrai pour les communautés noires ou pour les communautés LGBTQ+. Cela nous rappelle que nous devons, collectivement, contribuer à l’égalité des chances pour tous.»
Source: Actualites.uqam.ca/ Claude Gauvreau
Photo: Nathalie St-Pierre