Ouro-Koura Agadazi: une nomination controversée qui rappelle celle de l´ex-chef-milicien Sogoyou Kéguéwé, bombardé ambassadeur en Allemagne en 1996

«Le choix du nouvel ambassadeur en France, le lieutenant-colonel Ouro-Koura Tchagara Agadazi, inquiète la diaspora. L’homme a été nommé le 13 février dernier ambassadeur du Togo en France. Dans un courrier adressé au Quai d’Orsay, une coalition de la diaspora togolaise exhorte Paris de ne pas accepter ses lettres de créance.» RFI

En effet, un regroupement de l´opposition togolaise dans la diaspora, la Coalition de la Diaspora Togolaise pour l’Alternance et la Démocratie (CODITOGO) s´est insurgé en début de semaine dernière contre la nomination du Colonel Ouro-Koura Agadazi comme nouvel ambassadeur de notre pays en France.

Selon CODITOGO l´officier supérieur aurait des antécédents ayant trait à des violations des droits de l´homme au Togo et que par conséquent sa nomination pour représenter le Togo en France serait un scandale inacceptable. La chaîne de la Radio France Internationale (RFI) s´est fait l´écho de la dénonciation par CODITOGO de la nomination controversée du Colonel, ancien ministre, en reprenant l´information. Ouro-Koura Agadazi n´a pas apprécié le fait que RFI ait repris ces accusations qu´il juge «diffamatoires» contre sa personne et a publié la semaine passée une déclaration qui tient lieu de mise au point. «Il réfute les “allégations” de violences et de répressions, tout en appelant à un traitement plus rigoureux des informations par les journalistes et une vigilance accrue face aux tentatives de division au sein de la société togolaise.»

Le Colonel Ouro-Koura Agadazi, dans sa déclaration essaie de se justifier et de justifier, entre autres, ses comportements face à la sortie du PNP et de ses militants. Il accuse Atchadam d´avoir lancé en 2017 un mouvement insurrectionnel à Lomé, Sokodé et dans certaines villes du Togo pour renverser l’ordre constitutionnel. Lors de ce mouvement, les militants du PNP s’attaquaient à tout symbole de l’Etat.

Cependant, en remontant dans un passé récent, il ne nous a pas été difficile de découvrir les nombreux faits d´armes, pas très catholiques, de notre «cousin» Colonel Ouro-Koura Agadazi. De sa gestion plus que scabreuse, quand il était ministre de l´Agriculture, de l’Elevage et de l’Hydraulique, et cumulativement directeur général de l´ANSAT (Agence Nationale pour la Sécurité Alimentaire au Togo), en passant par son intervention dans des affaires qui ne le concernaient pas forcément, comme l´affaire de la chefferie traditionnelle opposant les autochtones Tem aux populations allogènes Kabyè à Kpario dans la préfecture de Tchaoudjo, jusqu´à son activisme contre le Parti National Panafricain (PNP) et son leader Salifou Tikpi Atchadam en 2017, les scandales et le trop de zèle furent sa marque de fabrique. «Il était déjà au cœur de la gestion scandaleuse du Programme national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire (PNIASA) composé de trois projets qui sont le PADAT, le PASA et le PPAAO.

Visiblement, le ministre-Col. Ouro-Koura Agadazi, puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’a pas fini de montrer sa compétence dans l’art de faire échouer les projets et programmes affrétés à son ministère, à travers des malversations, détournements et des gestions scandaleuses.» Voilà un extrait du journal togolais «L´Alternative» N°628 du 14 Juillet 2017 qui confirme le fait que le passage de Ouro-Koura Agadazi au ministère en question et à la tête de l´ANSAT ne fût pas toujours un fleuve tranquille et que de nombreux scandales, comme des stocks de maïs en décomposition découverts dans des magasins de l´ANSAT dans un pays où les populations sont obligées de faire du dépotoir pour survivre, ont jalonné la carrière officielle du natif de Kolina dans la préfecture de Tchaoudjo.

Comme nous l´avons déjà mentionné plus haut, dans sa déclaration, le Colonel tente de se dédouaner en insistant sur l´avènement du PNP (Parti National Panafricain) qui, selon ses termes, aurait eu pour but de renverser l´ordre constitutionnel en s´en prenant aux symboles de l´état. Nous ne voyons pas ce qui empêcherait une formation politique légalement constituée, comme le PNP, de mener des actions contre le régime de dictature en s´attaquant à ses symboles. Nous n´acceptons pas, non plus, que Ouro-Koura Agadazi se justifie aujourd´hui pour le fait d´avoir qualifié le PNP, son leader et ses militants de djihadistes, en évoquant l´assassinat de deux militaires, qui auraient été égorgés à son domicile au quartier Komah à Sokodé par des membres du Parti National Panafricain. Mais depuis 2017 jusqu´à ce jour, notre Colonel n´a jamais pu avancer la moindre preuve de ce qu´il avance, en désignant le ou les exécuteurs de cet acte d´assassinat à son domicile. Parmi les nombreux prisonniers du PNP en détention depuis plusieurs années et dont on ne sait pas au juste de quoi on les accuse, on ne nous a jamais présenté celui ou ceux qui seraient les égorgeurs de militaires à Komah en 2017.

En janvier 2018 la Cellule de Réflexion de la Diaspora Tem en Allemagne avait publié une déclaration demandant «…la mise sur pied d´une commission d´enquête indépendante pour tirer au clair ce qui s´est vraiment passé dans la nuit du 16 octobre 2017 au domicile du Colonel Ouro-Koura Agadazi à Sokodé; pour savoir dans quelles circonstances sont morts les deux militaires en question. Autrement, la Cellule De Réflexion De La Diaspora Tem En Allemagne n´accepte pas et n´acceptera jamais que la Communauté Tem, en majorité musulmane, à travers le PNP et Tikpi Atchadam, soit associée à cette affaire sans tête ni queue aux allures d´un coup monté pour abattre un adversaire politique.»
Malgré ces preuves que le Colonel Ouro-Koura Agadazi n´a jamais et ne peut jamais présenter, parce qu´elles n´existent pas, il persiste et signe dans sa déclaration en insistant sur le fait que Salifou Tikpi Atchadam, leader du PNP en exil pour sauver sa peau, serait le principal instigateur en fuite. Un chef d´un parti politique de l´opposition persécuté parce que dangereux aux yeux du pouvoir, que Ouro-Koura Agadazi qualifie de meneur djihadiste en fuite.

APathétique! Qu´en est-il alors de tous ceux qui sont assassinés pour des raisons politiques depuis le père Éyadéma que Agadazi a servi, jusqu´au fils Faure qu´il sert encore? Étaient-ils tous des djihadistes? Et tous ces partis politiqes de l´opposition, aujourd´hui victimes d´une interdiction qui ne dit pas son nom, leurs leaders sont-ils des djihadistes? Et quand, en juin 2017, Ouro-Koura Agadazi décide d´humilier son aîné, le défunt Général Séyi Mèmène, en le faisant convoquer à la présidence auprès de Faure Gnassingbé, l´accusant d´avoir des accointances avec le PNP, car tout simplement il est originaire du même village, Kparatao, que le chef du Parti National Panafricain, Salifou Tikpi Atchadam, le Général défunt était-il aussi un djihadiste?

Le Colonel Ouro-Koura Agadazi n´est pas le seul cadre Tem autour du pouvoir de Faure Gnassingbé ou militant du RPT-UNIR. Pourquoi c´est le seul qui devrait s´intéresser au fait qu´une formation politique de l´opposition soit mise sur pied par un fils de sa préfecture d´origine? L´ancien ministre et officier supérieur Agadazi a beau nier les graves accusations portées par CODITOGO contre sa personne, relayées par RFI, mais ne peut pas réfuter le fait qu´il était souvent présent dans la région pendant les manifestations de l´opposition initiées par le PNP, organisant réunions sur réunions avec les chefs de village et de cantons Tem pour faire pression sur eux. De même, les accusations portées contre sa personne, l´indexant d´avoir été vu à plusieurs reprises avec des militaires, auteurs d´exactions sur les populations à Sokodé et à Bafilo ne sont pas des inventions. Les agitations du Colonel Ouro-Koura Agadazi à l´époque n´avaient consisté, ni plus, ni moins, qu´à diaboliser le PNP pour enfin le décapiter et faire plaisir à qui tout le monde sait. Et «son travail», ajouté aux menaces de toutes sortes, avait fini par faire partir Salifou Tikpi Atchadam en exil. Aujourd´hui, comme c´est la manie dans tous les régimes de dictature qui se respectent, son maître, Faure Gnassingbé, le nomme ambassadeur en France, à la surprise générale, pour le remercier pour services rendus, pas seulement dans la persécution du PNP, mais certainement pour d´autres sales besognes.

À la surprise générale aussi fut nommé un autre serviteur inconditionnel du régime de dictature, également ambassadeur, il y a de cela 29 ans. Lui aussi pour services rendus au dictateur Gnassingbé Éyadéma. Monsieur Sogoyou Kéguéwé, puisque c´est de lui qu´il s´agit, journaliste de son état que nous avons connu à Radio-Kara où nous fîmes brièvement un stage quand nous enseignions au lycée de cette ville. C´était au début de la deuxième moitié des années 80. Voici ce que nous écrivions sur lui en août 2023 dans le journal «Liberté»: «…Il deviendra plus tard à Kara un activiste du régime RPT pour s’opposer à la démocratisation au début des années ’90. Pendant et après la conférence nationale, tenue en juillet et août 1991, les activistes pro-Éyadéma et pro-RPT dont notre journaliste était l’un des plus actifs, avaient fait de la ville de Kara et de la préfecture de la Kozah un état dans un état, interdit aux activités des partis politiques de l’opposition.
Qui a oublié cette époque où Monsieur Akrima Kogoé, ancien directeur-adjoint à l’enseignement du troisième dégré, plus tard directeur général à la SALT, que nous avons également bien connu, s’était autoproclamé préfet de la Kozah, après que la préfet, Madame Gazaro Wêrê, nommée par le premier gouvernement de transition du premier ministre Joseph Kokou Koffigoh, fût renvoyée sur son instigation et sur celle d’un certain Sogoyou Kéguéwé?

En 1991, après la conférence nationale et en notre qualité de reporter à la TVT, nous eûmes le privilège d’accompagner avec notre équipe une délégation du Haut Conseil de la République (HCR), parlement de transition, pour une tournée de sensibilisation dans le nord du pays. Si la délégation n’eut aucun problème pour tenir ses meetings à Sokodé, Bafilo, Mango, Dapaong et Cinkassé…, il ne fut pas possible pour les Hauts Conseillers de la République de délivrer leur message du renouveau démocratique aux populations de Kara. L’ancien journaliste à Radio-Kara, le chef-activiste pro-RPT et pro-Éyadéma, Monsieur Sogoyou Kéguéwé et ses miliciens y veillaient au grain.»

Monsieur Sogoyou Kokou Kéguéwé, nommé en 1996, est resté en poste comme ambassadeur du Togo en Allemagne jusqu´en 2001. Aujourd´hui Monsieur Sogoyou, malgré son passé sulfureux à Kara au début de la démocratisation à l´orée des années 90, se prend pour le «grand panafricaniste» sur la chaîne de télévision «New World TV». A-t-il lui-même oublié son passé, ou croit-il que les Togolais ont la mémoire courte? En tout cas, en dehors des nouvelles générations mal informées et des naïfs, les gesticulations de Sogoyou Kéguéwé qui, après avoir supporté bec et ongles la dictature du père, supporte aujourd´hui celle du fils Faure Gnassingbé, ne peuvent naturellement pas être authentiques.

Par ailleurs, nous ne nous faisons pas d´illusions, sauf surprise, que le Colonel Ouro-Koura Agadazi, après cette levée de boucliers par CODITOGO et par tous les Togolais démocrates, ne s´installe pas à Paris en tant qu´ambassadeur de notre pays. Car un régime de dictature comme celui que nous avons au Togo, reste malheureusement un régime de dictature pour qui «le chien aboie, la caravane passe.» Mais pour combien de temps encore?


Samari Tchadjobo
Allemagne

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