À la fin du mois de mars, Georges Barcola, ministre des Finances, s’est rendu dans les locaux de SICPA Togo, le principal acteur privé en charge de mettre en œuvre la réforme « Solution automatisée de marquage » (SAM). Cinq ans après son lancement, l’heure est déjà au bilan.
Des recettes fiscales en forte hausse
« L’impact de cette solution SAM sur la lutte contre la contrebande et la collecte des recettes fiscales est énorme et très positif », a expliqué le président de la Commission de marquage, M. Esso-Wavana Adoyi, rappelant qu’il s’agissait à l’origine d’une initiative du président de la République, Faure Essozimma Gnassingbé. Concrètement, la réforme SAM a introduit, en 2020, l’apposition obligatoire de systèmes de traçabilité sécurisés sur les emballages d’un certain nombre de produits pour en vérifier l’authenticité, en assurer la traçabilité et mieux identifier leurs origines, tout en optimisant la collecte des taxes. En bref, le but est « la sécurité sanitaire des citoyens, le renflouement des caisses de l’État, la mobilisation efficace des recettes et la lutte contre les importations frauduleuses », selon les mots de Esso-Wavana Adoyi.
Dans le domaine des recettes fiscales, les premiers résultats sont très visibles : une hausse de la collecte des taxes d’environ 2,16 milliards de FCFA par trimestre depuis l’introduction de la réforme, selon le Rapport exécutif du budget, les recettes fiscales passant de 3,69 milliards de FCFA à 5,85 milliards. « En exemple, je prends seulement le secteur de la bière qui a permis de récolter plus de 5 milliards, seulement entre 2022 et 2024 », poursuit M. Esso-Wavana Adoyi. Au global, la réforme aurait permis plus de 35,8 milliards de FCFA de gains totaux sur les produits marqués et notamment les bières, eaux minérales et le tabac.
Les solutions de marquage automatisé de plus en plus plébiscitées
Les solutions de marquages automatisées sont parfois qualifiées de timbres fiscaux augmentés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elles ont des résultats visibles partout dans le monde. Les différents rapports des Nations-Unies démontrent d’ailleurs des résultats impressionnants. Au Brésil, les timbres fiscaux ont ainsi permis d’augmenter les droits d’accise sur les cigarettes de 30 % en 2009, puis de 105 % entre 2012 et 2015. En Californie, les données de l’agence californienne de recouvrement des taxes soulignent que la mise en œuvre de nouveaux timbres fiscaux en 2007 aurait fait chuter de 35 % la fraude fiscale annuelle sur les cigarettes, entraînant une hausse de 110 millions de dollars des recettes fiscales sur les cigarettes. Au Chili, le système de traçabilité aurait d’ores et déjà permis, en 2019, de contrôler environ 1 175 millions de paquets de cigarettes et de mieux identifier les produits contrefaits. Des résultats similaires se retrouvent sur le continent africain. Le Kenya a estimé faire baisser d’environ 10 % la part du commerce illicite après l’introduction d’un nouveau système de timbres fiscaux en 2015.
Combinaison de technologies digitales traitant des masses de données produits, avec des technologies matérielles qui les rendent infalsifiables, ces marquages permettent de donner des moyens de contrôle dédiés aux autorités (douane, police, répression des fraudes…), mais aussi aux consommateurs (application smartphone). La robustesse des sécurités matérielles, analogues à des petits billets de banque, permet aussi leur utilisation dans le cadre de procès, comme preuve pénale irréfutable.
Des solutions soutenues par les organisations multinationales
Le Fonds Monétaire International, et la Banque Mondiale mentionnent régulièrement ces technologies dans leurs publications comme des outils robustes de protection des revenus gouvernementaux. Ainsi l’Ouganda, cité dans un récent rapport pays du FMI, daté de janvier 2023, a démontré que les recettes fiscales avaient grimpé de 293 milliards de shillings ougandais en 2022/2023 à 222 milliards en 2023/2024 depuis l’introduction des timbres fiscaux numériques, soit une hausse des recettes équivalente à 0,12 % du PIB du pays. D’autres pays d’Afrique devraient d’ailleurs être bientôt concernés, à la faveur de l’entrée en vigueur du Protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite de tabac, qui encourage fortement le recours au marquage automatisé pour lutter contre la contrebande de tabac, comme le Sénégal, le Tchad ou encore la Côte d’Ivoire, en pointe dans ce domaine.
C’est ainsi que, quelques mois après avoir adopté un système de timbres fiscaux augmentés, l’impact économique de cette mesure de contrôle de la contrebande est estimé à 20 milliards de francs CFA par le Fonds Monétaire International (FMI). En Tanzanie, chaque année ce sont des records de collecte de droits d’accise qui sont enregistrés avec la mise en œuvre du Electronic Tax Stamps, comme le publie régulièrement la Tanzania Revenue Authority. Dans la perspective de la Réunion des Parties à la Convention Cadre de Lutte Anti-tabac et du Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac en novembre 2025 à Genève, ces résultats montrent que les systèmes indépendants prônés par l’OMS atteignent leurs objectifs.
Vers un élargissement du nombre de produits concernés par les solutions de marquage automatisées ?
En 5 ans, plus de 2 milliards de produits auraient été marqués, selon M. Ballam Sosso Tchamdja, Directeur général de SICPA Togo. « L’impact économique est énorme. Imaginez si tous les produits avaient subi le même processus de marquage », explique M. Esso-Wavana Adoyi. Au Togo, faisant suite au succès du système, l’élargissement du marquage automatisé à d’autres familles de produits a d’ores et déjà été annoncé, notamment le sucre, les huiles de cuisson, le ciment, les fertilisants ou encore les semences et produits cosmétiques. Il est évident que de tels résultats incitent à élargir le champ des produits concernés. Dans ce contexte, il est aussi nécessaire de s’interroger sur la croissance des produits trafiqués en Afrique, et se demander quelles incitations permettraient de réduire le commerce international de produits trafiqués, notamment pour protéger les populations. La seule hausse des droits de douane n’apparait pas comme une solution viable.
Il est encourageant de voir le Togo émerger comme leader dans ce domaine en Afrique de l’Ouest. L’investissement continu dans ces outils, ainsi que la sensibilisation du public et l’engagement des parties prenantes, seront essentiels pour maintenir cette dynamique.