Au Togo, ce phénomène est désormais bien connu. À chaque manifestation populaire et pacifique contre le régime en place, des miliciens, souvent non identifiés, sont déployés en renfort aux forces de sécurité pour réprimer les manifestants et semer la confusion. Armés et véhiculés, ces individus patrouillent dans les rues, traquant ceux qui expriment leur mécontentement. Jeudi 26 juin, à Lomé, plusieurs témoins ont de nouveau signalé la présence de ces hommes, armés, circulant librement et agressant des citoyens venus manifester. Certains manifestants ont été violemment pris à partie, sans que ces actes ne soient officiellement encadrés ou dénoncés par les autorités. Pour de nombreux observateurs, ce recours répété à des miliciens non assermentés constitue une dérive grave et un précédent dangereux. Lisez!
L’instrumentalisation des miliciens : une menace réelle pour l’avenir
À chaque montée de tension sociale, chaque manifestation populaire marquant un ras-le-bol ou une revendication légitime, un phénomène inquiétant refait surface : l’apparition de miliciens dans les rues. Ces groupes agissent à visage découvert, sans uniforme, mais avec une assurance troublante, comme s’ils avaient reçu une forme de légitimation tacite. Ils s’attaquent violemment aux manifestants, les traquent, les brutalisent, parfois avec plus de zèle que les forces régulières de sécurité. Le tout, souvent, sous le regard passif voire complice des autorités, ce qui interroge sur la nature de leur mission et les protections dont ils bénéficient.
Pourtant, dans toute société démocratique ou aspirant à le devenir, le droit de manifester pacifiquement est sacré. Il est normal, voire sain, que des citoyens expriment leurs désaccords, leurs frustrations ou leurs aspirations dans l’espace public. L’État, garant de la sécurité pour tous, a les moyens légaux et professionnels d’encadrer ces manifestations, de prévenir les débordements, d’identifier les fauteurs de troubles. Il n’a nul besoin de recourir à des groupes parallèles, souvent non formés, non encadrés, et totalement irresponsables devant la loi.
Laisser proliférer ces milices, c’est ouvrir une brèche dangereuse dans le contrat social. C’est encourager l’impunité, la violence gratuite, et l’arbitraire. C’est aussi exposer le pays à un risque majeur. C’est à dire que le jour où ces miliciens croiseront une résistance organisée, ou une foule décidée à ne pas se laisser faire, l’affrontement pourrait basculer dans l’horreur. Et à ce moment-là, personne ne contrôlera plus rien. Ni les rues. Ni les discours. Ni les blessures.
Le recours à des milices pour réprimer l’expression citoyenne est une dérive grave, qui mine la confiance dans les institutions, délégitime les forces de sécurité républicaines et sape les bases mêmes de l’État de droit. La violence, d’où qu’elle vienne, manifestants incontrôlés ou miliciens zélés, doit être fermement condamnée.
L’avenir du pays ne peut être construit sur la peur, la brutalité et l’intimidation. Il doit l’être sur le dialogue, la justice et le respect des libertés fondamentales.
Lorenzo KELEKI, le Marabout de la presse