Le Togo s’enfonce dans une tension sourde. Un climat de peur s’installe, alimenté par des manifestations spontanées, une colère sociale latente et une fracture politique qui s’élargit. Et pourtant, ceux qui devraient prévenir l’irréparable — les “sages” du parti au pouvoir, les figures religieuses, les chefs traditionnels, les intellectuels — se terrent dans un silence plus complice que prudent.
Le Mouvement des Sages Unir (MSU), autrefois conçu comme une boussole morale du parti, n’est plus qu’un organe décoratif, sans voix ni poids.
Dans les grandes sociétés africaines, les anciens ne sont pas de simples témoins. Ils sont les gardiens des équilibres, les arbitres quand les institutions chancellent, les recours quand la politique devient crise. Historiquement, ces figures d’autorité jouaient un rôle déterminant pour préserver le tissu social. Ici, ces “sages” demeurent spectateurs, détournés de leur mission.
Alors que le Togo traverse une période de crispation sans précédent, que les arrestations se multiplient, que les voix critiques sont contraintes à l’exil ou au silence, aucune interpellation, aucun mot d’apaisement, aucun geste de conscience. Leur inertie est désormais une faute politique et morale.
Depuis l’arrivée de Faure Gnassingbé au pouvoir en 2005, la liste des anciens piliers du régime tombés en disgrâce ne cesse de s’allonger :
– Kpatcha Gnassingbé, son demi-frère, condamné au silence carcéral ;
– François Boko, ancien ministre de l’Intérieur, exilé ;
– Agbéyomé Kodjo, ancien Premier ministre, décédé loin de son pays ;
– Commandant Olivier Amah, pourchassé, réfugié ;
– Bertin Sow Agba, mort en exil ;
– Général Félix Kadanga, aujourd’hui détenu.
La liste est longue.
Et tout récemment, Amron, artiste et natif de Kara, arrêté dans des circonstances troubles.
Ce dernier cas, intervenu au cœur même du bastion présidentiel, a provoqué une onde de choc locale. Le 6 juin, des jeunes sont descendus dans les rues dans plusieurs quartiers de Lomé, sans mot d’ordre ni leader, pour exiger sa libération. Malgré cette tension croissante, aucune proposition de médiation, aucune parole de sagesse, aucun appel au dialogue. On laisse les va-t-en-guerre décider seuls, comme si la crise était souhaitée.
Plus grave encore, des rumeurs évoquent déjà l’arrestation prochaine de Madame Gnakadé, ancienne ministre des Armées, épouse de la famille présidentielle et voix désormais critique. Cela témoigne de l’étouffement généralisé de l’expression, même dans le premier cercle du pouvoir.
Le Togo ne peut pas continuer sa route avec un pouvoir isolé, surprotégé, qui n’entend plus que les extrêmes. Quand tout le monde aura été arrêté, que restera-t-il ? Quand plus personne ne pourra dire “attention”, que deviendra la nation ? Ce n’est plus seulement une crise de régime, c’est une faillite morale collective.
Et que dire des chefs religieux et traditionnels ? Là où leur fonction devrait incarner la morale, la médiation et la paix, ils se contentent désormais de préserver leurs privilèges. Leur silence n’est pas prudence, mais résignation. Ils ont déserté leur mission pour ne pas déranger un pouvoir dont ils craignent la rétribution.
Quant à l’élite universitaire, qui ailleurs est force de pensée et conscience du peuple, elle a renoncé à son rôle historique. À force d’accepter gratifications, primes, promotions honorifiques, elle s’est soumise volontairement. Il ne sert plus à rien de l’interpeller. Elle a abdiqué. Et cette abdication est une honte.
Or, le rôle d’un sage, d’un chef, d’un intellectuel, n’est pas de se taire, mais d’alerter. De rappeler que le pouvoir, même légitime, doit être régulé. Le Président du Conseil ne peut être abandonné aux seuls flatteurs, aux opportunistes ou aux durs du régime. Il a besoin d’entendre aussi les voix sincères, même si elles dérangent.
Le Togo n’est pas une succession dynastique, ni une propriété privée. C’est un train transportant huit millions d’âmes, et sa trajectoire actuelle est inquiétante. On ne peut plus faire semblant.
Il est encore temps de redresser la barre. Mais cela suppose du courage. Et ce courage commence par une parole vraie.
Nous n’attendons pas des sages qu’ils prennent les armes, mais qu’ils prennent enfin la parole. Le Togo n’a pas besoin de complices silencieux. Il a besoin de gardiens courageux. De ceux qui, dans le respect de la République, osent dire à Faure : « Monsieur le Président, le pays va mal. Vous devez changer de cap. »
Se taire aujourd’hui, c’est abdiquer. Et l’histoire, demain, n’absoudra pas les absents.
Ricardo Agouzou
L’unir Rpt ses sages son gouvernement ses deputes sa petite minorite predaterice il est temps de partir avant d’etre chasser par la dernierre energie de la population victime..Faure Gnassingbe doit degager.