Le 3 mai 2025, le Togo entrait officiellement, au terme de multiples contorsions juridiques, dans l’ère de la Vᵉ République. Un mois plus tard, force est de constater que la solennité attendue de ce tournant historique a laissé place à un malaise institutionnel palpable.
La cérémonie de prestation de serment du Président du Conseil, Faure Gnassingbé, s’est tenue dans une mise en scène inhabituelle. Des écrans géants installés dans plusieurs villes, des marchés fermés, et des populations contraintes à suivre l’événement sur des places publiques. Mais, passé cet instant de propagande, le silence s’est installé.
Aucune passation de charges n’a été formellement organisée entre l’ancien Président de la République et celui qui incarne désormais une fonction essentiellement honorifique.
Aucun discours solennel, aucun acte fort n’est venu marquer ce changement de régime. À ce jour, la fonction présidentielle semble vide, sans siège institutionnel connu.
Cette banalisation des fondements républicains est préoccupante.
Plus surprenant encore, depuis la démission du précédent gouvernement, aucune nouvelle équipe n’a été mise en place. Le pays fonctionne sans exécutif officiel, sans feuille de route connue, sans message clair adressé aux citoyens. Tout se déroule dans une opacité troublante, comme si cette transition majeure pouvait s’opérer dans la banalité et l’improvisation.
Ce silence institutionnel interroge. Qu’est-ce qui empêche Faure Gnassingbé, après vingt ans de pouvoir, de former son gouvernement, si ce n’est une guerre de clans ? Même la constitution des listes pour les prochaines élections locales semble poser problème. Chacun revendique sa récompense. Selon certaines indiscrétions, jusqu’aux dernières heures du délai de dépôt des candidatures, le parti UNIR aurait rencontré des difficultés à désigner ses candidats dans plusieurs communes stratégiques. La bataille y serait particulièrement rude.
Le dernier communiqué de la CENI, prorogeant le délai de dépôt des candidatures, serait lié, selon certaines sources, à cette situation interne au parti majoritaire.
Le chef de l’État semble désormais en perte de contrôle. Il s’isole, face à l’évidence que son entourage, de moins en moins convaincu par une aventure qui s’essouffle, ne reste mobilisé que par l’intérêt du partage du gâteau.
La réforme constitutionnelle, vantée comme une avancée vers la modernisation politique, peine à produire ses effets. Les institutions de la République : Cour constitutionnelle, Cour suprême, HAAC, Médiateur de la République, censées être réorganisées ou réinvesties au plus tard le 6 mai 2025, conformément aux exigences de la transition, fonctionnent toujours comme si de rien n’était. Or, aucun acte juridique n’a été pris pour les adapter au nouveau cadre institutionnel.
En l’absence de ce renouvellement formel, ces institutions ne disposent plus, en principe, d’une base légale conforme à la Vᵉ République. Par conséquent, les décisions qu’elles prennent depuis la fin de la période transitoire pourraient être considérées comme juridiquement contestables, car émises par des organes qui n’ont pas été reconduits dans le nouvel ordre constitutionnel.
Ce flou fragilise la légitimité des autorités, y compris celle de Faure Gnassingbé lui-même.
La démocratie ne se résume pas à un changement de titre ou à une révision de texte. Elle repose aussi sur des symboles, des gestes et des procédures claires, respectées, visibles, et porteuses de sens. L’absence de ces marqueurs essentiels donne le sentiment d’un pouvoir qui se perpétue sous une nouvelle forme, sans rupture réelle avec le passé.
Face aux frustrations croissantes de l’opinion, écouter la voix du peuple est le seul salut.
Où est passé notre Président de la République ? Où se trouve le palais du nouveau Président ? Qu’a-t-il fait depuis son élection ? Autant de questions, toujours sans réponse.
La République est introuvable.
Ricardo Agouzou
Oui… Il y a comme un malaise. Après l’accélération, on se demande si une pièce maîtresse est cassée. Tout est à l’arrêt… Nous ne voyons qu’une seule institution : Le conseil de la République… Ce n’est pas apaisant pour les citoyens que nous sommes.