Togo – La Ve République s’offre son tout premier congé culturel à Kara

Pendant que les cris des lutteurs résonnent dans les collines de la Kozah, à Lomé, c’est le silence administratif. Ministres, directeurs, hauts cadres et opérateurs économiques…tous ont mis les voiles direction Kara, laissant l’administration tourner au ralenti. Une fois encore, cette fête initiatique, propre à une seule région, s’impose comme un événement national de fait, mettant tout le pays sur pause. Triste réalité d’une République qui tourne en rond.

Depuis le samedi 19 juillet 2025, la ville de Kara vit au rythme des Evala. Comme chaque année, cette fête initiatique attire des milliers de participants, de spectateurs et de personnalités politiques, parmi lesquelles le président du Conseil, Faure Gnassingbé, qui, depuis sa prise de fonction le 3 mai dernier à la tête de la nouvelle Ve République controversée, n’a toujours pas encore nommé son gouvernement.

Ce qui choque, ce n’est pas tant sa présence à Kara. C’est l’impression que l’ensemble de la République a été suspendu pour cette occasion. Toute la haute administration s’y est déplacée : ministres, directeurs généraux, conseillers, chefs de services, même certains acteurs du secteur privé.

Certains cadres ne s’en cachent même pas. « Je suis à Kara, on se voit la semaine prochaine », répondent-ils sans gêne, même ceux qui ne sont pas originaires de la région. L’ambiance est à la fête, au point qu’on peut légitimement se demander : Evala est-elle devenue une fête nationale qui ne dit pas son nom ?

Une tradition locale, une mobilisation nationale ?

Poser la question n’a rien de provocateur, même si certains pourraient y voir une attaque contre l’ethnie du chef de l’État. Ce n’est pas le cas. Il s’agit plutôt d’interroger une pratique récurrente qui donne à cette fête locale un statut privilégié dans l’agenda républicain. Les faits parlent d’eux-mêmes : chaque année, à la même période, le pays ralentit pour se consacrer aux Evala.

Et pourtant, le pays traverse une crise économique persistante. La dette publique, selon les chiffres de décembre 2024, s’élève à 4 217,73 milliards FCFA, soit 69,16 % du PIB, à un souffle du seuil communautaire de 70 % fixé par l’UEMOA. Le contexte national ne justifie pas une mobilisation festive aussi prolongée, encore moins une paralysie de l’administration.

Une inégalité culturelle flagrante

Ce traitement particulier accordé aux Evala contraste avec la négligence d’autres fêtes traditionnelles du pays. Qu’il s’agisse d’Ovazou chez les Akposso, d’Odon Tsu chez les Ana-Ifè d’Atakpamé, de Dédézan à Kpomé ou d’Ayizan à Tsévié, jamais Faure Gnassingbé ne s’y est rendu. Ce déséquilibre crée un sentiment de frustration et de marginalisation chez de nombreux citoyens.

La République togolaise est une et indivisible. Toutes les ethnies qui la composent méritent une reconnaissance équitable de leur culture. C’est cela, le véritable vivre-ensemble. Aucune communauté ne devrait être glorifiée au détriment des autres.

Faut-il le rappeler ? Pendant que la Kozah célèbre ses champions, Lomé panse ses plaies. De nombreuses familles sont toujours en deuil, pleurant les victimes des manifestations de juin dernier, violemment réprimées dans le sang par le régime. Une marche silencieuse est prévue ce vendredi par des organisations de la société civile en hommage à ces « martyrs de la démocratie ». Mais aux dernières nouvelles, cette manifestation aurait été interdite par le gouvernement. 

One thought on “Togo – La Ve République s’offre son tout premier congé culturel à Kara

  1. Oui, c’est vrai que Monsieur le Président du Conseil est Kabye, mais il appartient à toute la Nation… Sa présence officielle pendant les Evala devrait être revue et fixée pour un seul jour pendant les luttes… Ce ne serait que justice pour toutes les autres cultures du Togo qu’il gouverne… Sans rancune.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *