Togo- «Vous avez faim» ? : Le malaise d’une jeunesse face au Président Faure à Pya

Il est des séquences politiques qui échappent au contrôle des spin doctors, des conseillers et des discours écrits à l’avance .Des instants où la réalité, brute et implacable, s’invite dans le théâtre bien huilé du pouvoir. Ce fut le cas ce dimanche 27 juillet 2025, dans la maison présidentielle au cœur des festivités d’Evala. Là où résonnaient jadis les chants, la ferveur et une joie sincère, s’est imposé cette fois un silence glaçant. Un silence qui trouble, qui dérange.

Face à une centaine de jeunes lutteurs qu’il recevait dans sa cour, le président du conseil, visiblement décontenancé, leur adresse cette série de questions : « Vous allez bien ? Ou bien vous êtes fatigués ? Pourquoi vous êtes là comme si vous étiez venus à des funérailles ? Pourquoi vous ne dansez pas ? Vous avez faim ? Ou bien vous voulez manger avant que je ne vous reçoive ? »

En apparence anodines, ces interrogations traduisent un malaise profond. Elles expriment l’incrédulité d’un pouvoir habitué aux foules enthousiastes, confronté soudain à une apathie pesante. Cette jeunesse, autrefois ardente et démonstrative, ne répond plus. Elle ne joue plus le jeu. Elle regarde, absente, lasse, étrangère à ce qui était censé être une célébration.

Ce n’est pas un hasard. Le décrochage est tangible. Il s’observe depuis plusieurs années, mais atteint aujourd’hui une intensité inédite. Le contexte politique, économique et social dans lequel ces jeunes évoluent ne suscite plus ni espoir ni confiance. La misère, le chômage, l’absence de perspectives, l’exclusion deviennent visibles, sans filtre ni faux-semblants. Les jeunes ne demandent plus seulement du pain. Ils expriment une lassitude profonde, une désillusion devenue révolte muette. Ce jour-là, dans la maison même du Président, un peuple s’est exprimé… par le silence.

Quelques jours plus tôt, un citoyen, avec un courage rare, a interpellé publiquement le président dans une arène de lutte pour lui demander de quoi manger. La scène, captée et largement relayée sur les réseaux sociaux, a rapidement fait le tour du pays. Ce geste, simple en apparence, en dit long. Il donne voix à ce que beaucoup ressentent. Le malaise n’est plus latent. Il s’affiche désormais sans fard.

Mais ce qui frappe encore davantage, c’est la solitude du chef de l’État face à cette réalité. Où étaient ses conseillers ? Que faisait sa cellule de communication ? Comment a-t-on pu laisser s’installer une telle dissonance sans tenter de la prévenir ou de la contenir ? Même une mise en scène minimale aurait permis de sauver les apparences. Il faut croire que même la façade ne tient plus.

Le désaveu s’est également exprimé dans les urnes. Lors des municipales du 17 juillet, la Kozah a envoyé un signal limpide. D’un côté, une abstention massive. De l’autre, un vote de rupture. Dans la commune de Kozah 1, la liste Togo- Espoir a infligé au régime une défaite cinglante, en plein cœur de son fief. Le choc a été maquillé à la hâte par un tripatouillage électoral grossier. Bourrages d’urnes, chiffres manipulés, recomptes biaisés. Il a fallu forcer les résultats pour afficher une victoire presque totale, avec 18 sièges sur 19. L’appareil de propagande a salué une victoire écrasante. Mais la population, elle, n’est pas dupe. Et l’Histoire retiendra ce qui s’est réellement passé.

La parade ne s’arrête pas là. Pour compenser cette perte d’adhésion, l’opération d’« import-export » a été lancée. Des bus remplis, des villages vidés, des foules déplacées de Lomé à Cinkassé pour simuler une liesse nationale. Mais malgré cette mobilisation artificielle, les visages sont restés figés, les regards vides, l’ambiance pesante. Le nombre ne fait pas l’adhésion. Et l’enthousiasme ne se décrète pas.

C’est peut-être là le vrai signal d’alarme. La rupture n’est plus seulement politique. Elle est affective, presque intime. Quand une jeunesse ne fait même plus semblant de se réjouir en présence de son président, c’est que le lien est rompu. Et peut-être à jamais.

Alors il faut s’arrêter un instant. Observer. Écouter. Se demander comment, en pleine fête traditionnelle, au sein même du cercle présidentiel, c’est le chef de l’État qui en vient à poser cette question improbable : « Vous avez faim ? »

Cette question, désormais historique, restera. Comme un aveu. Comme une fissure morale. Comme le point final d’un cycle. Ou peut-être, avec lucidité, le point de départ d’une réinvention. Il n’est jamais trop tard pour reprendre contact avec la réalité, pour entendre au lieu d’improviser, pour regarder son peuple dans les yeux et agir avec sincérité. Mais le temps presse.

Une fête qui se termine dans la mélancolie du président est un signe politique qu’il faut prendre au sérieux. Une jeunesse qui ne danse plus n’est pas simplement fatiguée. Elle est blessée. Et elle attend bien plus qu’un plat de riz ou un mot de compassion.

Elle attend qu’on lui rende ce qu’on lui a volé : son avenir.

Ricardo Agouzou

One thought on “Togo- «Vous avez faim» ? : Le malaise d’une jeunesse face au Président Faure à Pya

  1. Monsieur AGOUZOU? Sommes-nous obligés de sortir de gros mensonges pour faire évoluer le Togo? Soyez des journalistes factuels avec des preuves si vous en avez.

    Ce que vous racontez, ça se raconte depuis EYADEMA qui est mort en 2005. Si au Togo les choses n’ont pas changé, ce n’est pas que FAURE est aussi mauvais, c’est parce que la partie des togolais qui le soutient et qui est derrière lui ne partage pas vos mensonge et manipulation d’opposants depuis 1990.
    Le Togo à avancer même si c’est d’un centimètre et ayez l’honnêteté de le reconnaitre. La cherté de la vie n’est pas un phénomène togolais mais mondial. Quel était le taux de pauvreté, le PIB du Togo entre 2005 et 2025? On doit critiquer la gouvernance de FAURE mais dans une logique positive afin qu’il s’améliore mais pas en peignant tout en NOIR et restant dans la négation car les faits sont têtus.

    Changez de stratégie et venez avec des programmes matériels et vérifiables. Suivez l’exemple de TRUMP et les supporteurs de FAURE apprécierons.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *